Dimanche 30 juin 2024.
Après un début de quatrième et dernier jour passé au soleil de la Mainstage (incroyable : on a vu High On Fire jouer à un volume sonore pas complètement abusé, et c’était très bien) et de la Warzone (et une excellente branlée administrée par Scowl), on file à l’Altar voir les bons Karras, ajoutés à l’affiche à la dernière minute pour pallier l’annulation de Caliban : à notre humble avis, on gagne largement au change dans l’affaire, d’autant qu’on n’a pas encore eu l’occasion de voir le trio swedeath-grindcore français en action sur scène. Et sans grande surprise vu l’expérience et le talent des trois garçons impliqués dans le groupe, le concert est excellent : la batterie et le chant sont parfaitement sonorisés, et si le duo basse/guitare est un peu plus crasspouille et grassouillet, cela sied finalement fort bien au bucheronnage efficace auquel se livrent Diego (ex-Sickbag), Yann (Mass Hysteria) et Étienne (Deliverance, Freitot, ex-AqMe…) en l’honneur de L’Exorciste, la légendaire franchise d’horreur étant un peu la toile de fond de leurs pérégrinations musicales depuis None More Heretic. Le trio semble ravi de cette occasion de dernière minute, et se régale (et nous avec) pendant trois-quarts d’heure : Yann enchaîne les riffs punitifs et les moshparts aussi musculeuses que lui-même, accompagné d’un Étienne qui vieillit décidément très bien : charismatique en diable et droit derrière ses fûts, il alterne blasts et swedeatheries en toute détente. Quant à Diego Janson, il est aussi implacable pendant les morceaux, armé de son chant rappelant autant Tom Araya que Matt Pike, que détendu et désopilant entre ceux-ci (du moins quand t’as la réf à ses vannes). La set-list, pour sa part, se répartit de manière à peu près égale entre les deux disques du groupe, les beignes se suivent et la rouetourne (enfin le circle-pit quoi) tourne allègrement. On est ravi d’enfin pouvoir entendre en live « Pazuzu Chord », « Prelude To Depth », « The Ouija », « Litany To The Lost Souls », ou encore « Ritual Overdose » et son final destructeur. Bref, c’est de la belle ouvrage, et on a hâte de les revoir !
Changement d’ambiance assez radical ensuite, avec les beaucoup moins fun Wiegedood, trio flamand issu du bien connu collectif Church Of Ra, créateurs d’un post-black metal particulièrement dense et exigeant et à la discographie intouchable, mais dont on redoute toujours les concerts par de beaux après-midi estivaux, tant leur musique ne s’y prête pas le moins du monde. C’est la troisième fois qu’on les voit, et des deux précédentes, on a largement préféré celle dans une salle d’Anvers un frisquet soir d’automne. D’autant plus que le groupe ne communique pas sur scène, se contentant d’asséner branlée sur branlée en regardant ses pompes, perdu dans une sorte de rituel hypnotique et sans pitié pour le spectateur (surtout sur leur – légèrement – plus progressif et expérimental dernier disque, There’s Always Blood At The End Of The Road). Bref, voilà le genre de concert dans lequel il est très probablement impossible d’entrer sans bien connaître la discographie du groupe. Mais quand c’est le cas, si l’on parvient à faire abstraction des conditions estivales, il devient tout à fait possible de se retrouver plongé dans une espèce d’état semi-méditatif (surtout sur l’incroyable « Now Will Always Be », que le trio ne manque pas de jouer cet après-midi), oscillant au gré des coups de boutoir de Wim Sreppoc, des entrelacs de riffs du duo Gilles Demolder/Levy Seynaeve, et des hurlements de damné du dernier cité. Fort heureusement pour nous, le son est bon voire excellent, ce qui facilite l’immersion. Quant à la set-list, elle fait logiquement la part belle au dernier disque des Flamands, dont six morceaux sont joués (notamment l’impitoyablement brutal « FN SCAR 16 » en ouverture, mais aussi « Nuages », « Carousel » ou encore « Until It Is Not »), ce qui laisse finalement assez peu de place à la trilogie Doden Hebben Het Goed qui l’avait précédé : on aura tout de même droit au toujours aussi tranchant « Ontzieling » (et son riff monumental survenant à 2’45), et à Doden Hebben Het Goed II. Au total, un excellent concert, mais on vous conseille définitivement de plutôt les voir en salle si vous souhaitez pouvoir apprécier pleinement l’impact de leur musique.
On termine cette chouette édition du Hellfest 2024 en fanfare, puisque pendant que les trois-quarts du public sont en train de se faire ramoner les cages à miel par ce gueulard de Dave Grohl, nous choisissons pour notre part d’affronter le passé, et de laisser libre cours à la nostalgie qui ne peut que serrer le cœur de tout fan de death metal qui se respecte quand il voit inscrit, sur n’importe quelle affiche de festival, le nom de Morbid Angel (la version Azagthoth/ Tucker + Dan Vadim Von et Charlie Koryn du cadavre du grand Morbid), ou en l’occurrence, celui de I Am Morbid, soit exactement la même chose, mais en version Sandoval/ Vincent + Bill Hudson et Richie Brown. Inutile de s’étendre sur le fait qu’il est particulièrement ridicule de voir s’affronter deux versions alternatives de ce qui fut le plus grand groupe de death metal de tous les temps (aucune contestation possible, déso), ce genre de malaises contractuels n’étant malheureusement pas si rare que cela dès qu’il y a de l’argent en jeu. Passons donc, pour nous concentrer sur ce à quoi on assiste ce soir, non sans une certaine inquiétude, notamment sur la capacité du mommifié Pete Sandoval à assurer les morceaux qu’il a lui-même composé, parfois il y a plus de trente ans, pendant quasiment une heure. Inquiétude aussi sur la capacité de David Vincent à ne pas tout foutre par terre en cabotinant comme la sorte de Jack Sparrow steampunk en laquelle il s’est mué ces dernières années. Inquiétude enfin sur le duo de mercenaires aux guitares, ayant la lourde tâche de redonner vie à quelques-uns des plus grands riffs de l’histoire des musiques extrêmes. Inquiétudes pourtant balayées dès les premières mesures d’« Immortal Rites ». En effet, ce line-up déconne zéro et se montre totalement en place sur le plan technique, qu’il s’agisse des deux guitaristes, véritables brutes (leur pedigree ne laissait de toute façon guère de doutes à ce sujet) non dénuées d’un certain charisme, de David Vincent qui se balade tant sur le plan vocal que musical, et ô joie, de Pete Sandoval, qui tient la baraque sans pain. Inespéré. Le son est aussi bon qu’il peut l’être, on reconnaît donc assez aisément un paquet des tubes qui ont fait notre éducation au death metal, et on se laisse totalement embarquer dans ce spectacle, qui s’avère aussi insolite que foutrement emballant. Insolite du fait de la tenue en cuir rouge de dominatrix SM de David Vincent qui, épaulé par ses deux guitaristes musculeux et luisants de sueur, tombant la chemise à peine le premier morceau écoulé, créent ainsi une sorte de désopilante parade involontairement homo-érotique. Insolites aussi, les vocalises que ce cabotin de David se permet de faire réaliser au public, ainsi que cette espèce de duel de guitares complètement m’as-tu-vu et suranné en fin de concert. Mais franchement emballant tout de même, car quand les trois arrêtent leurs simagrées, la prestation devient immédiatement impériale, et intouchable sur le plan musical. Les monuments du death s’empilent alors sous nos yeux, joués sans aucune offense à la grande époque, et c’est bien tout ce qu’on demandait : « Domination », « Rapture », « Where The Slime Live », « God Of Emptiness », « World Of Shit », « Pain Divine », « Visions Of The Dark Side » et j’en passe. Quel pied franchement. Au total, l’heure s’écoule à la vitesse des blasts de ce bon vieux Pete, et on en ressort tout simplement content. Un point notable pour finir : malheureusement, aucun extrait de Heretic, Formulas ou Gateways n’est joué ce soir (probablement pour d’imbéciles raisons juridico-contractuelles). Par contre, on mange du Covenant, du Domination et du Blessed / Altars avec grand plaisir. Bref, il ne nous reste plus qu’à voir la version concurrente, et décider laquelle est la meilleure ! (Romain Lefèvre)
Le dimanche, on peut débattre de la pertinence de l’affiche très Rock en Seine sur les Main Stages du Hellfest ou on peut décider de n’en avoir strictement rien à foutre et de jeter ses dernières forces dans la bataille pour le Sunday Warzone Hardcore Fest au programme de la journée. Celui-ci commence d’ailleurs très tôt avec les Parisiens de Sorcerer qui attaquent leur show dès 11 h devant un public forcément clairsemé mais enthousiaste. Leur fusion emo écorché/hardcore badass n’a aucun équivalent et en live les titres de leur récent (et extraordinaire) LP font tous mouche. On perd l’intensité de leurs prestations en petite salle mais on gagne en masse sonore, ce qui donne une ampleur démentielle à « Devotion » ou « Someone Else’s Skin ». Cet Hardcore Fest dans le fest commence donc sur d’excellentes bases.
La programmation est tellement chargée à la Warzone qu’elle déborde sur la Valley où vont s’ébattre les Anglais de Heriot. D’accord, il y a du sludge et de la lourdeur chez eux mais on reste plus proche du hardcore de bûcheron que du stoner enfumé. On a donc droit à une demi-heure de breaks énormes, de riffs triple épaisseur et à une chanteuse/guitariste qui piétine de toutes ses forces, le couteau entre les dents… On sent le public de la Valley un peu perplexe mais il finit par se prendre au jeu de ces Britanniques énervés. Fait notable : les quelques passages chantés ne sont pas du tout à côté de la plaque, ce qui s’avère assez rare sur la planète machin-core.
Retour à la Warzone pour assister au concert des nouvelles coqueluches de la scène : Gel. On pouvait légitimement se demander comment un groupe punk hardcore rentre-dedans taillé pour les clubs allait s’en sortir sur une scène aussi grande. Réponse : pas trop mal, même si on sent qu’ils ne sont pas du tout dans leur zone de confort. C’est particulièrement le cas de la hurleuse Sami Kaiser, qui semble ne pas vraiment savoir quoi faire de tout cet espace. Ça n’empêche pas pour autant tout le groupe de dérouler furieusement et même de présenter quelques titres de son futur EP qui devrait s’éloigner un petit peu de leur hardcore primitif et expéditif habituel.
Occuper l’espace, ce n’est pas un problème pour Kat Moss de Scowl. Dans un style similaire à Gel, et même avec un Malachi Greene, guitariste et cofondateur du groupe, manquant à l’appel, les Californiens conquièrent la Warzone par la seule grâce de leur frontwoman. Fidèle à sa marque de fabrique ultra-lookée (même si plus sobre que d’habitude), Moss enchaîne mimiques diverses, invectives bravaches et pas de danse punk tout en hurlant de toutes ses forces. Sur les titres les plus pop de Scowl, elle parvient même aujourd’hui à toujours sonner juste sans donner l’impression de forcer. Tout l’EP Psychic Dance Routine y passe, ainsi qu’une grosse partie de How Flowers Grow, et si musicalement ça n’a rien de foncièrement original, l’exécution est parfaite et le show, total. On s’en doutait, mais c’est une évidence en ce dimanche après-midi : Kat Moss est une star.
Patrick Kindlon de Drug Church est également un drôle de showman. Avec sa voix cassée inimitable et sa gestuelle aussi raide que tonique, il ne ressemble à aucun autre chanteur de hardcore. Drug Church, dans sa manière de conjuguer l’énergie du hardcore et l’aspect chaleureux et fédérateur de l’emo punk, n’a aucun équivalent. Et même si Klindon se lamente un peu de la mollesse relative du public, le concert est génial. Les tubes s’enchaînent et lorsque Drug Church nous achève avec le duo « Million Miles Of Fun » et « Weed Pin », on bascule dans le bonheur absolu. À se demander comment on va retrouver des forces pour enquiller avec High Vis plus tard dans la journée…
On a beau techniquement classer Show Me The Body dans le hardcore new-yorkais, on est très loin d’Agnostic Front ou de Sick of It All. Pendant que le bassiste Harlan Steed, multiplie les effets et pose l’ambiance, Julian Cashwan Pratt démarre quasi a cappella, clope au bec et mine patibulaire, avant d’enfin se saisir de son banjo électrique. Les bases restent hardcore, ouais, mais on lorgne aussi du côté des plus bruyants et méchants Today Is The Day, voire même d’Unsane. Show Me The Body reste très monolithique mais le charisme de Pratt et l’originalité de ce qu’ils proposent suffisent à captiver le public de la Warzone. Public qui va s’enflammer lorsqu’il va reconnaître les premières mesures de « Sabotage », reprise des Beastie Boys pourtant presque méconnaissable et balancée comme un glaviot de New-yorkais blasé. Si peu les connaissaient une petite heure plus tôt, SMTB finit son set acclamé par des festivaliers qui semblent être nombreux à s’être pris une bonne grosse baffe dans les gencives.
On entend souvent dire que le Hellfest n’a plus rien à voir avec ce qu’il était mais ce sera vraiment le cas le jour où il n’y aura pas au moins l’une des grandes figures du NYHC au programme. Là, d’accord, on pourra dire que l’esprit des débuts est définitivement enterré. Et ce ne sera pas pour cette édition 2024, puisque Madball occupe ce fameux créneau OG hardcore. S’il ne reste plus que Freddy Madball du line-up classique depuis le départ du bassiste Hoya Roc (dont le remplaçant est lui-même remplacé pour cette tournée européenne par Pete Görlitz de Born From Pain), un concert des New-yorkais sera toujours garanti 100 % transpiration et pit en fusion. La setlist fait comme toujours la part belle à l’album fondateur Set It Off, ce dont on ne se plaindra pas, les nouveaux musiciens (avec le désormais bien installé Mike Justian à la batterie) font le boulot et Freddy Cricien est toujours en grande forme, arpentant la scène de long en large en moshant dès qu’il en a l’occasion. Dans un monde incertain et imprévisible, il nous restera toujours la certitude que Madball, quelles que soient les circonstances, ne donnera jamais un concert médiocre et ça, ça fait du bien.
Au bout de quatre jours de concerts et de foule compacte dans des conditions météo aléatoires (parfois même exécrables), terminer tranquillement avec les papys de Cock Sparrer semble plus indiqué que d’aller s’enquiller deux heures de Foo Fighters au milieu d’une marée humaine. Au fil des ans, on en a vu des légendes du punk fourvoyer sur la Warzone leur répertoire culte, joué par des formations tenant plus du tribute band rincé que du rassemblement de vieilles gloires increvables (on pense aux Misfits de Jerry Only ou à l’horrible prestation de « Black Flag » l’année dernière, pour ne citer qu’eux…). Ce n’est heureusement pas le cas des septuagénaires de Cock Sparrer, toujours presque dans leur line-up d’origine et qui jouent une heure durant leur proto-street punk/Oï avec un allant communicatif. L’album fondamental Shock Troops se taille la part du lion de la set-list mais même sur les titres du récent Hand On Heart, on a envie de lever sa pinte en l’honneur de ces vieilles ganaches qui font le métier avec cœur et passion. La voix de Colin McFaull ne tremble pas, les refrains accrocheurs auraient leur place dans tout pub plein à craquer de supporters de foot bien éméchés et on ne peut qu’éprouver de la sympathie pour ces musiciens qui n’ont plus besoin de se raser le crâne depuis le siècle dernier. Avec ses chansons de prolos désabusés mais pas découragés, on garde un peu de cet esprit punk rock sincère et sale gosse qu’on aurait tendance à oublier après avoir vu pendant quatre jours des hordes de visiteurs faire trois heures de queue pour dépenser des centaines d’euros à la boutique souvenirs du festival… Le Hellfest est peut-être devenu « le Disneyland du metal », pour reprendre la formule éculée (qu’on entendait déjà il y a dix ans !), mais c’est aussi des concerts comme celui des Cock Sparrer, simple, sincère et magistral. Et tant qu’on aura ça, bah, on reviendra. (Bhaine)
Avec Gel, Scowl est un autre représentant de cette jeune scène hardcore bouillonnante qui fait bouger les lignes. Kat Moss, sourcils, cheveux et tee-shirt Black Flag bleus, tient la scène comme la patronne qu’elle est, arpente l’espace, saute, danse, invective le public, tend le poing, sourit aux anges. On dirait qu’elle a fait ça toute sa vie (il faut dire que le groupe a beaucoup tourné depuis ses débuts). Devant elle, la foule est compacte. Le virage mélodique très assumé qu’a récemment pris le combo punk hardcore fait des merveilles sur scène, avec des titres comme « Psychic Dance Routine », au parfum pop acidulé, ou la grenade dégoupillée « Shot Down », à l’imparable et malicieux refrain, qui nous laisse tout sauf abattus, au contraire. « Spin, circle! », intime la leadeuse de sa voix rauque, en faisant le geste de tourner à la foule, avec ses grands gants de dentelle blanche. Pour autant, le premier album long format du groupe (qui dure la bagatelle de 15 minutes) n’est pas négligé, avec des titres comme « Roots » ou « Fuck Around ». L’été dernier, à l’Xtreme Fest, le reste du groupe semblait un peu à la traîne par rapport à la chanteuse, boule d’énergie au charisme explosif. Visiblement, les musiciens, à force d’enchaîner les dates, ont pris confiance en eux et se sont réveillés. Dans une veine proche de celle de Sami Kaiser de Gel, elle livre une performance vocale époustouflante, entre voix claire et growl hardcore rocailleux, prête à tout renverser sur son passage. Et ça tombe bien, car il en faut, de l’énergie, pour supporter les haters misogynes de la scène. En août 2023, Kat Moss faisait d’ailleurs une mise au point sur Twitter à l’attention des réacs sexistes qui qualifiaient son groupe de « produit de l’industrie », disant en substance : « Est-ce si difficile à croire qu’un groupe mené par une femme ait simplement travaillé dur pour réussir ? ». Ce genre de performances devrait pourtant définitivement leur clouer le bec.
Rendez Vous est pris dans une Valley radieuse. Le groupe parisien planqué derrière ses lunettes de soleil vient de sortir, après des années de silence radio, son second album, le très réussi Downcast, dans une veine shoegaze et rock assez éloignée du post-punk synthétique auquel il nous avait habitués. Il nous confiait récemment vouloir jouer moins de synthés sur scène, pour s’exprimer plus directement, de manière plus rentre-dedans. On était curieux de voir ce que donnerait cette nouvelle mouture et effectivement le show est plus rock et organique, avec jusqu’à trois guitares pour créer des ambiances changeantes, tantôt maussades, tantôt solaires. Le public, en totale disharmonie avec le morceau mélancolique « Downcast », s’assemble dans une sorte de farandole et se lance dans une danse folklorique improvisée. Rendez Vous n’est pas très bavard et reste silencieux, à l’exception de quelques interventions lapidaires comme « Nique le RN ». « Sentimental Animal », « Superior State », et bien sûr le mégatube dark « Distance » (introduit par le chanteur et bassiste Francis Mallari en ces termes : « Keep your distances with the fascism ») : Rendez Vous n’a pas remisé au placard ses anciennes compos. Le public accueille plutôt bien les nouvelles, qu’elles soient punk, grunge ou pleines de violence new wave groovy. Rien à redire : le groupe ne s’est pas assagi.
Pendant que tout le monde se masse devant les Foo Fighters, on file se mettre au frais devant les dandys de Rival Sons, from Long Beach, Californie. Le chanteur Jay Buchanan porte un chignon, un costard rouge cramoisi et arpente la scène pieds nus, tel un gourou hippie. Les gens écoutent sa bonne parole – soit un rock entre blues et hard, influencé par Led Zep ou Van Morrison – assis dans l’herbe. Dans le crépuscule, la Valley prend alors des airs de Woodstock. Certains morceaux, comme l’hymne « Do Your Worst », font bien le taf. Le tout est excessivement rétro, mais pas désagréable. (Éléonore Quesnel)
Le soleil de plomb est revenu sur le site du Hellfest, et sous la tente Temple, les Flamands de Wiegedood se mettent au diapason de cette chaleur retrouvée. Le black metal aux teintes noise/industrielle du trio de Gand ne fait pas dans la dentelle et donne une large place aux titres hautement anxiogènes de leur album de 2022, There’s Always Blood At the End Of The Road. Mention spéciale aux vibrations power/electronics de « Noblesse Oblige Richesse Oblige », bien placée dans un final hérissant les poils entre « Nuages » et « Carousel ». Plus tôt, le groupe balance tout de même quelques vieilleries, avec notamment la fougue black metal bien speed et old school de l’épique « Ontzieling », tiré de De Doden Hebben Het Goed II. Respect.
Pas de chance pour le concert des Polonais de Batushka. Leur cérémoniel liturgique orthodoxe revisité en mode black metal contemplatif et ultra-statique nécessite un minimum de pénombre pour attiser les regards et apprécier les dorures des costumes et des autels illuminés à la bougie. Et en ce dimanche après-midi, l’Altar sous le soleil donne plutôt l’impression de faire la chasse aux vampires. D’autant plus dommage que musicalement, la performance audio/spirituelle fonctionne, en faisant bien entendu la part belle à Litourgiya, l’album de 2015 (avant la séparation et la division du projet en deux projets en revendiquant le nom) dont on apprécie en particulier le chancelant « Yekteniya III – Premudrost ».
Petit événement avec la première venue des Suédois de Tiamat au Hellfest. Coup de bol, le doom/death teinté d’orgue et vaguement planant de l’album Clouds, et les tonalités plus psychédéliques de leur disque suivant, Wildhoney, sont d’entrée revisitées dans ce concert plutôt enclin aux atmosphères soignées. « In A Dream », « A Caress Of Stars » et « The Sleeping Beauty » nous renvoient en particulier à la torpeur magique de Clouds, même si le nouveau guitariste Simon Johansson (qui joue aussi dans Soilwork) donne parfois l’impression d’être désaccordé sur ses premiers solos. Le chanteur Joha Edlund demeure la pierre angulaire du projet, avec sa voix ronde et grave, qui ne tarde pas nous emmener en terres plus rock/gothiques, celles de la ballade « Divided » et du plus électrique et flottant « Cain », tirés de Prey.
On a beau dire, en matière de death metal, c’est vraiment dans les vieux pots qu’on trouve encore la meilleure mayonnaise, tout du moins sur le plan live. La preuve avec les sets impressionnants de puissance, et de technique (mais surtout de puissance) des New yorkais de Suffocation et du I Am Morbid de l’ancien chanteur de Morbid Angel David Vincent (et du batteur Pete Sandoval !). Du côté du groupe du guitariste Terrance Hobbs, aucune baisse de régime dans un set auréolé des traditionnels ralentissements d’outre-tombe du quintet et de pas mal de morceaux tirés des classiques Pierced From Within (« Pierced From Within », « Thrones Of Blood ») et Effigy Of The Forgotten (« Infecting The Crypts »), mais aussi du plus récent Hymns From The Apocrypha (« Seraphim Enslavement »). Désormais au poste depuis 2019, le chanteur Ricky Myers tient très bien la baraque, même si l’ombre de Frank Mullen planera toujours sur le groupe. (Laurent Catala)
Il est presque 16 h et direction la Valley pour assister au concert de Therapy? qui, on le suppose, va axer une bonne partie de son set sur son classique Troublegum qui fête ses trente ans cette année. Sans surprise la moitié du concert est consacré aux tubes de cet album majeur des 90s avec les géniaux « Turn », « Die Laughing », « Knives », « Screamager » et bien sûr « Nowhere ». Le trio irlandais, visiblement très heureux d’être là, sourires permanents à l’appui, entoure cette sélection par les standards qui ont jalonné son histoire (« Teethgrinder », « Stories », « Potatoe Junkie », « Still Hurts ») auquel il ajoute des extraits de son dernier et excellent album Hard Cold Fire (« Woe », « Poundland Of Hope and Glory »). Tout roule donc, à un détail près mais de taille : le son n’est pas du tout au niveau de la prestation. La voix d’Andy Cairns est bien trop en avant, sa guitare peine parfois à se faire entendre et la batterie de Neil Cooper souffre d’un son de caisse claire assez affreux. Ce qui pénalise fortement une performance au demeurant généreuse, si bien que l’on a du mal à entrer pleinement dans ce show pourtant rodé sur le plan de l’interprétation. Le trio peut néanmoins compter sur l’énorme capital sympathie dont il jouit auprès d’un public lui offrant un bel accueil tout le long du set.
Si cette journée passée à la Warzone aura vu s’enchaîner les prestations de haut vol, elle se conclut pour nous sur cette scène avec le concert absolument énorme de Madball. Les légendes du hardcore new-yorkais vont déchaîner les passions, two-steps et windmills pendant une heure durant laquelle Freddy Cricien et les siens font preuve d’une énergie ébouriffante. Une grosse vingtaine de titres sont interprétés avec vigueur et l’envie de transformer la Warzone en un joyeux foutoir. Débutant sa prestation sur le casse-nuque « Heaven And Hell », le quatuor chauffé à blanc ne laisse à personne le temps de respirer et assène un set-list où les classiques de son premier album Set It Off sont représentés en nombre (« Set It Off », « Smell The Bacon », « New York City », « Face To Face », « Get Out », « Across The Face », « Down By Law »). Nous avons droit aux tueries « Hold It Down », « From My Enemies », « Rev Up », « Freight Train », « Can’t Stop, Won’t Stop » et « Pride », malheureusement unique extrait de Demonstrating My Style, autre classique du groupe qui aurait mérité d’être plus mis à l’honneur aujourd’hui. Fidèle à sa réputation de bête de scène, Freddy arpente la Warzone de long en large, haranguant continuellement un public ultra participatif contribuant à faire du concert une merveille d’efficacité festive. On en sort essoré, mais pleinement rassasié et totalement ravi de voir Madball tenir une telle forme (même le départ de son bassiste Hoya Roc l’an dernier n’aura pas eu raison de lui). Une claque !
Le festival touche à sa fin et on se rend à la Mainstage 1 pour ce qui sera notre dernier concert de l’édition, à savoir Foo Fighters. Comme attendu, c’est une marée humaine qui a pris place pour assister au concert de celui (parmi d’autres) dont la présence en ces terres metal aura fait dire à certains que le festival passait un certain cap dans la programmation d’artistes mainstream. Aucun problème pour notre part : les pedigrees indie et punk des membres du groupe parlent pour eux (The Germs, Nirvana, Sunny Day Real Estate, Vandals, No Use For A Name, A Perfect Circle…) et on trouve au sein de sa discographie suffisamment de tubes rock qui ne racolent pas pour se satisfaire de les voir ici ce soir. Le dispositif scénique est sobre, sans effusions inutiles et le spectacle est avant tout focalisé sur la prestation des musiciens qui vont nous en donner pour notre argent pendant près de deux heures. Grohl tient une forme olympique, communiquae volontiers avec le public et offre une performance vocale des grands jours. Si on est surpris de voir que l’album Wasting Light est le plus visité (« Walk », « White Limo », « Arlandria », « These Days »), on déplore parallèlement l’absence totale de titres de son premier album que le groupe semble désormais oublier de ses set-lists. Mais il y a largement de quoi être contenté par les interprétations pleines d’élan et de classe de « All My Life », « Times Like These », « Stacked Actors », « My Hero », « Best Of You », « Breakout » et « Monkey Wrench ». Un véritable enchaînement infernal de tubes doté d’un son énorme auquel le public répond avec ferveur et enthousiasme tout au long du concert. Celui-ci se termine sur un « Everlong » de toute beauté qui nous aura fait rester jusqu’au bout de ce set parfaitement maîtrisé, généreux et au final emballant. Ainsi se clôt pour nous une très belle édition marquée par un vendredi et un dimanche énormes à la Warzone et un samedi intense à la Valley, avec en sus quelques très belles prestations en Mainstage et une météo qui aura été globalement clémentes durant ces quatre jours. Rendez-vous est pris pour l’an prochain ! (Bertrand Pinsac)
On enchaîne les concerts à la Warzone sous un soleil de plomb avec cette fois la prestation des Londoniens de High Vis. Si vous avez déjà vu le groupe en concert, vous savez qu’il est du genre à donner tout ce qu’il a sur scène. La set-list est la même qu’au Mystic Festival et nous assistons peu ou prou à la même prestation. Seul point surprenant, le public est plutôt amorphe sur les trois premiers morceaux et il faut attendre « Altitude » pour que les coreux se réveillent et que les acharnés du groupe, dont nous faisons partie, se sentent moins seuls. Le quintette interprète à nouveau son récent single « Mob DLA » et son pont très Turnstile, qui remporte comme en Pologne un franc succès. C’est sur le titre « Choose To Lose », qui clôt le concert, que l’intégralité du public se déchaîne en reprenant en cœur son refrain emblématique.
Avant-dernier concert du jour sur la Mainstage, celui des mythiques Queens Of The Stone Age. Nous n’avions pas vu le groupe sur scène depuis un moment et étions un peu inquiet de ce à quoi nous allions assister. Nous n’aurions vraiment pas dû… Le groupe démarre, après que Josh Homme a posé son verre de vin sur son ampli, avec un « Regular John » qui semble sorti tout droit des abysses. Nous n’avions pas entendu ce morceau sur scène depuis une éternité. Les Américains enchaînent avec « The Lost Art Of Keeping A Secret » et on se dit que nous allons assister à un best of absolument fabuleux, d’autant plus que le son est proche de l’exceptionnel. « Little Sister », « Burn The Witch » et « My God Is The Sun » finissent de convaincre un public totalement acquis à la cause de ce groupe légendaire. Même si Josh Homme semble légèrement alcoolisé et à la limite d’une dépression joviale, son interprétation comme celle de son groupe, est tout bonnement parfaite. Seul moment extrêmement gênant, quand cedit monsieur s’accorde un bain de foule, chemise déchirée, au niveau de la fosse en touchant de loin le public qui lui tend la main et en faisant un câlin à un slammer bien content d’être passé par là à ce moment-là. Le groupe termine cet excellent concert avec trois classiques, « Make It Wit Chu », l’indispensable « No One Knows » (Dave Grohl, où étais-tu ?) et « Song For The Dead » sur lequel Homme, toujours aussi perché, réclame un wall of death, de manière surprenante, totalement à propos. Oui en 2024 Queens Of The Stone Age est encore un grand groupe de scène. (Pierre-Antoine Riquart)
Journée 1, jeudi 27 juin
Journée 2, vendredi 28 juin
Journée 3, samedi 29 juin