Noise Festival – 18/05/08 (Paris – La Maroquinerie)

cifer

Après quelques soirées estampillées Noise dispersées en province, voici le Festival Noise parisien, concocté de A à Z – ou presque – par Trendkill Entertainment que l’on ne félicitera jamais assez pour l’initiative.

Devant un public encore clairsemé Yog démarre en trombe le festival sur fond de grindcore épileptique et carré, très efficace mais au final assez convenu, dommage que les suisses se réfugient dans les clichés du genre, musicalement d’abord, puis du look à l’attitude scénique ; les speech crétins (Je me touche la bite, j’aime violer les cadavres et autres conneries, on se croirait dans la cour du collège) entre les titres n’aidant pas à les prendre en sympathie. Au moins, le son est bon.

Assez convaincant sur disque, Tanen nous lasse au bout de trois titres : sur scène, ça s’active, rien à redire mais notre manque d’intérêt pour le style pratiqué – hardcore/screamo épileptique matinée de passages plus calmes – nous pousse à aller flâner ailleurs, du stand Musicfearsatan à la terrasse du bar…

Premier groupe attendu du festival : Fiend, et pas uniquement par nous, puisque d’un coup le public assez clairsemé jusqu’alors, peuple plus considérablement la salle. Des problèmes de son ont raison du premier titre – le chant d’Heitham Al-Sayed est inaudible – et il faut attendre le deuxième pour que tout rentre dans l’ordre et enfin profiter pleinement du set. Au programme trois titres d’un stoner doom progressif aux relents seventies, complexes mais toujours fluides, et une reprise lourdement altérée du « Sacrifice » de Motörhead, des morceaux qui à coup sûr auront fait de nouveaux adeptes, même si cette prestation s’avère un net cran en dessous des deux dernières auxquelles nous avons pu assister (en ouverture de Caldera à la Mécanique Ondulatoire et lors d’une soirée Noise à Limoges deux semaines auparavant). Deux blessés à signaler dans le public, suite à quelques lancers inopinés de baguettes, une spécialité du batteur Simon Doucet, le cauchemar des drum kits.

fiend

À l’inverse de Tanen, c’est sur scène que Four Question Marks prend de l’ampleur : formation power trio, attitude frondeuse, son massif – tout dans les graves et les basses – la métaphore du rouleau compresseur n’est pour une fois pas usurpée. Au final difficile de se prononcer quant à ce groupe qui ne fait pas semblant, mais toujours marqué au fer rouge par Meshuggah – un gus cassera d’ailleurs l’ambiance entre deux titres en hurlant le nom du combo suédois – et dont les singularités, à savoir cette urgence, ce parti pris de sonorités plus baveuses, sont aussi ce qui tend à uniformiser préjudiciablement leur set, uniquement suivi par une poignée d’adeptes.

four question

Complete Failure, amputé de son bassiste, semble avoir conquis plus d’un excité, difficile pour notre part de trouver un quelconque intérêt du côté de ce grindcore crasseux entendu un bon milliard de fois : chant linéaire au possible et jamais réellement puissant, pas l’ombre d’un riff marquant, batteur impressionnant de maîtrise, mais presque trop à l’aise, en tout cas inexpressif au possible.

COMPLETE

Guère plus d’originalité du côté de Nachtmystium mais une efficacité de tous les diables dans la catégorie black/trash/punk : riffs impeccables et compositions mélodiques juste ce qu’il faut, par contre aucune trace de la dimension psychédélique qu’on leur prête depuis peu ldurant de cette prestation qui se conclut là encore sur une reprise de Motörhead avec bassiste au chant, évidemment…

NachtMYS

On attendait après Jucifer pour verser quelques goûtes de mélodie dans cet océan de brutalité, mais que nenni, le duo se fond dans le moule est axe son set sur ses compositions doom et grind, oubliant au passage tous les hymnes rock qui forment pourtant le gros de son répertoire. Il y aura donc d’un côté les déçus, et de l’autre les impressionnés par ce déchaînement brut de décofrage : même sans son attirail d’amplis (Cf Noise #5) la guitariste Amber Valentine jouit d’un son phénoménal, tandis que son Davy Crockett de compagnon fait son numéro à la batterie : assis, debout, shootant dans les divers éléments d’un kit qui part en lambeaux, d’où diverses interventions en mode dépannage du batteur de Fiend, habitué à ce genre de déboires et donc certainement compatisant. Dommage que les quelques parties chantées soient inaudibles, ou peut être pas, tant celles-ci semblent peu assurées. Ce qui n’est pas le cas des braillantes démoniaques de ce petit bout de femme en robe courte bleu-ciel et talons hauts. Rarement on aura vu un groupe si dichotomique sur album et sur scène, mais qui en tout cas marque les esprits, en bien ou en mal, jugé bordélique et sans intérêt par les uns et révélation du festival par les autres.

JUCIFER

Néons multicolores en fond de scène, claviers, synthétiseurs et guitare : l’heure est venue de la guerre electro-kraut-core : première offensive menée par Genghis Tron, trio découvert par un des labels américains les plus intéressants du moment, Crucial Blast, et récemment signé chez Relapse. La Maroquinerie se remplit, l’ambiance est à son fort, et les américains ne décevront pas : set ultra énergique qui confirme l’efficacité des nouveaux titres, parfaits en tous points : violents, mélodiques, variés et riches en atmosphères, de vrais moments de bravoure jouissifs. Un bonheur que cette avalanche de sonorités synthétiques, de riffs ultra-metal nerveux et de vocalises tantôt aboyées tantôt mélodico-vocoderisées. Sans oublier les plans tapping. La bouffée d’air frais du festival. Quarante cinq minutes éclairs, et de nombreuses acclamations pour nos trois musiciens aux dégaines certifiés 300% geek.

GENGHIS

Et une dose de fun, une, avec Horse The Band pour qui une horde de jeunôts vestimentairement plus colorés que la grosse majorité du public en noir, s’amasse sur le devant de la scène. Horse The Band, combo américain déjanté, autoproclamé à juste titre inventeur du nintendo-core, un style dont la formule s’avère à la fois simple et complexe : des mélodies sorties droits d’une console 8 ou 16 bits pour habiller des compositions épileptiques à grosse tendance hardcore metal technique. Sur disque, ça tourne très vite en rond, sur scène on reste captivé, notamment par ce claviériste aux dents aussi blanches que proéminentes (le « Horse » de « The Band », c’est donc lui ?) et à la dégaine assez improbable, osant le jean noir coupé façon short mi-cuisse. Sans oublier ce sourire de crétin congénital vissé au visage tout du long, ses sauts de cabris et cette façon de taper sur les touches de son clavier si frénétiquement… Si le ridicule tuait, ce type serait mort 150 fois durant les 45 minutes du concert. « Tu viens de fumer pour la première fois de ta vie de l’herbe, ça va tu te sens pas trop mal ? », lui lance le chanteur. Mais ces gens là aiment se la jouer « idiots du village total à l’ouest », style personne ne sait quel va être le prochain titre joué : « Nous sommes un groupe très désorganisé… En général nous avons toujours un minimum conscience de ce que nous sommes en train de faire, mais aujourd’hui pas le moins du monde. » Musicalement par contre, ça joue carré de chez carré, avec une section rythmique impressionnante. En coin de scène, Steve Austin ne ratera pas une minute de la prestation.

horse

Changement d’ambiance avec Today Is The Day, à des années lumière d’une quelconque idée du fun, même si finalement on s’attendait a un rendu beaucoup plus torturé et pesant, et pas seulement à une démonstration de brutalité extrême côté scène, et de joie côté public. Car les paroles sont bel et bien reprises en cœur tout du long par un groupe d’inconditionnels. Steve Austin crache sa bile sans nuance, option 1000% metal, entouré de deux nouveaux camarades, à savoir le batteur-machine bodybuildé – 0 feeling – de Complete Failure (déjà présent sur l’album Kiss The Pig de TITD) et un nouveau bassiste inconnu au bataillon. On peine donc un peu à reconnaître certaines compositions plus anciennes (« 6 Dementia Martyr », « Realization », « Marked »), même si quelques respirations aèrent le set : le final synthétique d’ « If You Want Peace Prepare For War » chanté à genoux par Austin qui lâche alors sa guitare – l’occasion pour certains de sortir les briquets – le terrible basse/batterie/chant de « The Worst Thing That Never Happened », la reprise de Chris Isaac « Wicked Game » ou encore « Temple Of The Morning Star », l’un des rares titres dont la mélodie parvient à percer le mur de saturations et de blasts. Alors, un concert intense, sans aucun doute, qui aura comblé les fans et en aura impressionné plus d’un, mais on sait TITD capable de plus de diversité, de plus de nuance dans les noirs, dommage donc de miser uniquement sur l’énergie et la violence brute en perdant au passage un peu de sa personnalité vicelarde.

titd