New Noise présente “Chacun Mes Goûts”, une série de discussions où groupes et artistes habitués de nos colonnes nous parlent de leurs disques de chevet. Aujourd’hui, ce sont O et C, respectivement guitariste et batteur de Maudits, qui se prêtent au jeu.
Votre premier disque acheté ou acquis ?
Chistophe : J’ai mis très longtemps à commencer à acheter des disques, pour la simple raison que mon père en avait plein à la maison. Du coup, c’était peut-être Children Of Bodom, Follow The Reaper… Et je le kiffe toujours !
Olivier : Le live On The Night de Dire Straits, sorti en 1993. Je l’avais écouté chez l’un de mes oncles, qui avait pas mal de disques. Pink Floyd, Iron Maiden… Et Toto, que je n’ai jamais pu blairer… La musique à guitare quoi ! Bref, j’ai vraiment adoré le jeu de Knopfler. « Brother In Arms » a été mon premier morceau écouté, c’était merveilleux. Le son sur ce live est fantastique. Une interprétation incroyable. Mais aujourd’hui, je dirais que j’aime un morceau sur deux de Dire Straits. Soit c’est terrible, soit c’est ce que tu entends au Buffalo Grill ! (Rires)
Un disque que vous faisaient écouter vos parents ?
C: Alors moi, c’est un peu la foire… Franchement, si j’en avais un à retenir, je dirais Hey Stoopid d’Alice Cooper, et peut-être Nursery Cryme de Genesis. Tout ce qui est Floyd et Uriah Heep, j’ai aussi baigné là-dedans. Et sûrement Thiéfaine avec Soleil Cherche Futur. J’ai beaucoup écouté dans la bagnole avec mon père. Tout ce qui est Black Sabb, Led Zep. Il bossait à la maison. La salle de bain n’était pas loin du salon et chaque soir il se faisait couler un bain mettait un vinyle à donf et pendant 20 minutes… C’était le bain du daron !
O: Tu as été mieux loti que moi… Jean-Jacques Goldman, Rouge, avec Carole Fredericks et Michael Jones… Tout n’est pas « mauvais »… Francis Cabrel aussi avec Les Murs de Poussière et « Petite Marie ». Mais il y avait aussi Gerard Lenorman, et ça c’est hardcore. Et Celine Dion, le clou du spectacle. Je pense aussi à Mecano, avec le titre « Hijo de la luna » !
Un disque qui vous a fait découvrir le metal ?
O: Chaos A.D de Sepultura, en metal un peu plus poussé. Ça devait être la première fois que j’entendais un truc avec des voix un peu hurlées. Et juste après j’ai découvert Pantera avec Far Beyond Driven. C’est Sepultura qui m’a le plus impressionné et donné envie d’aller vers le metal bien sauvage. Et puis, ce côté tribal m’a marqué.
C: Slipknot, Iowa. En tant que batteur on prend une grosse claque la première fois. Je n’étais pas bien vieux… Essayer de reprendre Joey Jordison ce n’était pas évident. Et même si tu y parviens, ça ne sonne pas ! Nevermore m’a aussi mis une claque, avec Dead Heart In A Dead World… Conseillé par un vendeur dans un magasin de musique à Reims alors que j’allais acheter une cymbale.
Un disque qui vous a donné envie de faire de la musique ?
O:Eric Clapton avec le live Unplugged. C’est le disque qui m’a donné envie de jouer de la guitare. Mais aujourd’hui je pense que je ne serais pas aussi fan, le blues à papa m’emmerde. Mais il y a deux-trois morceaux incroyables, notamment l’intro du live, « Signe ». Quelques ballades aussi, et les arrangements de cordes sont super beaux !
C: Alors moi, le déclencheur c’était à sept ans, à une Fête de la Musique. Je suis resté bloqué sur deux batteurs qui jouaient face à face sur le trottoir… Je suis rentré à la maison et j’ai dit à mes parents que je voulais une batterie. Du coup, il m’est vraiment difficile de choisir un album…
La question impossible : le(s) meilleur(s) album(s) de tous les temps ?
O: Anathema avec Eternity. Une claque monumentale en matière de doom gothique. Ce sont les héritiers de Pink Floyd, qu’ils ont « doomisé ». Et j’aime beaucoup le guitariste. Je suis vraiment fan de cette époque. Ensuite, Symbolic de Death. Il n’y a pas un riff, pas une compo à jeter. Il n’a pas vieilli, ça a été un gros choc en musique extrême. Je l’écouterai toute ma vie. Et après en y réfléchissant, …And Justice For All de Metallica reste un disque important pour moi.
C: Meshuggah, Destroy Erase Improve. Le meilleur album du monde. Prod fabuleuse, compos fabuleuses et le meilleur son de batterie du monde, je suis complètement fan. Mais je suis aussi un gros gros fan de Groundation et leur album Hebron Gate, je peux l’écouter en boucle. Si je devais partir quelque part avec deux disques, j’emporterais ceux-là. Et le Live de High Tone. Pour avoir fait du dub, c’est le live qui fout la tarte.
Votre album post metal préféré ?
O : Neurosis, A Sun That Never Sets. C’est l’album avec lequel j’ai découvert le genre, et j’y reviens souvent.
C: Bonne question… (il réfléchit) Je n’en écoute pas beaucoup à vrai dire. Je vrille plus vers le prog un peu jazz…
Votre album prog metal préféré ?
O : Porcupine Tree, In Absentia. C’est celui que je préfère de tous. Je connaissais déjà quand j’ai choppé ce disque. Celui-là je l’attendais et j’ai pris une claque mo-nu-men-tale. Pour moi l’album parfait dans le genre, on ne peut pas faire mieux. Au casque, c’est merveilleusement ciselé.
C: Opeth, Watershed. Juste le grand monde d’Opeth, un mélange de metal prog, des riffs à faire chialer, il y a tout… Et puis la batterie c’est vraiment « Oui bonjour comment vas-tu ? » !
Votre album doom préféré ?
O: Je vais citer de nouveau Anathema, mais les vieux. Pentecost III, dont le premier morceau « Kingdom ». Ça a été ma découverte du doom. J’ai découvert Death le même jour, sur le même lecteur à la Fnac. Deux tartines aller-retour le même jour !! Très sombre, dans toute sa splendeur. Le son granuleux, la prod d’époque mais avec des voix de dragon malade.
C: Je vais décevoir mais je n’en écoute pas du tout… Les premiers Black Sabbath, c’est le plus doom que je puisse écouter. Mais globalement ce n’est pas ma tasse de thé.
Votre album non metal préféré ?
O: Je dirais le live de Portishead, Roseland. L’interprétation, le son, les samples, tout est ouf. Minimaliste et hyper riche, je suis vraiment fan. Je ne suis pas ultra fan de minimalisme d’habitude, mais là c’est l’exception. Il n’y a rien à jeter.
C: Alors mois ça n’a rien à voir… Hadouk Trio avec Utopies. Un trio de jazz world, c’est une dinguerie. Album exceptionnel que j’écouterai toujours.
Olivier, un disque avec ton/ta guitariste préféré·e ?
Rien à voir avec mon jeu, mais Waldemar Sorychta de Grip Inc. je le trouve monstrueux. Notamment sur le tout premier album. Il est hyper fort sur les rythmiques thrash, les solos sont peu nombreux mais incroyables. Ce n’est peut-être pas mon préféré, mais je l’aime beaucoup ! Et je suis obligé de citer Pink Floyd avec Wish Your Were Here, pour David Gilmour, tout simplement.
Chris, un disque avec ton/ta batteur·euse préféré·e ?
Bah… Meshuggah ! Encore avec Destroy Erase Improve… Mais aussi Symbolic de Death avec Gene Hoglan. Pour l’époque c’était ouf, personne d’autre ne peut jouer ça, et c’est toujours la fessée.
Un disque d’un groupe ou artiste avec qui vous êtes potes ?
O: L’album de Krv ! Finalement je ne connais pas Nico depuis super longtemps, mais c’est un mec hyper cool et talentueux, qui ne se la raconte pas. Il est prof de piano, super bassiste, une bible en musique. Krv est vraiment cool, et c’est même pas pour lui rendre la pareille (Cf. notre Chacun Mes Goûts avec Nicolas Zikvovich). Et si je peux en citer un deuxième, qui ne sont pas forcément des potes, mais j’échange beaucoup avec Pierre d’Erlen Meyer, et leur dernier album Sang et Or est mortel.
C: J’ai des potes qui jouent de la musique, mais aucun qui sorte quoi que ce soit d’exceptionnel… Ça reste de la petite production sans plus.
Votre pochette d’album préférée ?
O: Je vais rester dans les 90s. On peut la trouver moche, mais chez moi elle fait forte impression. In The Nightside Eclipse d’Emperor. Découverte avec mes yeux d’ados, et elle continue de me scotcher. Elle représente bien la vibe parfaitement glaciale du black metal de l’époque. Tu enlèves la pochette, ce n’est plus du tout la même chose… Pleine de détails, et il me semble qu’elle a été directement peinte à la main. Ce que je trouve génial, d’autant plus que cette technique revient pas mal dans le metal extrême en ce moment ! Et je peux aussi citer Conduit de Proscription. Celle-ci est très récente mais je devais la placer car j’ai commandé la version vinyle juste en voyant le visuel et ce sans même en écouter une seconde. Ça ne m’était pas arrivé depuis mon adolescence d’ailleurs. Objectivement elle est graphiquement bien supérieure à celle d’Emperor, elles ne datent pas de la même époque… Je la trouve vraiment sublime : les couleurs, les textures, la symbolique mystique, tout. En tout cas, elle a un pouvoir d’attraction fort. Et la musique est mortelle ! Du death metal old school et un peu occulte comme je les aime. Après, je ne prenais pas trop de risque car le label sur lequel est sorti le disque, Dark Descent, est à mon avis le meilleur pourvoyeur de ce genre de musique.
C: Je vais en choisir deux de Jethro Tull. D’abord, Stand Up : quand t’ouvres le vinyle tu as les personnages qui se déplient, je trouve ça hyper beau. Et Thick As A Brick, avec carrément du papier journal… Pour l’objet, je trouve ça mortel. Et j’ajouterais également Shinin’ On de Grand Funk Railroad, en 3D, avec les lunettes !
Votre B.O. de film préférée ?
O: Interstellar. Direct, sans hésiter. Elle fait partie des B.O. qui font tellement partie intégrante du film que tu ne pas imaginer le voir sans. Pas d’arrangements complexes, au contraire des thèmes hyper simples, mais tout est à sa place.
C: Danny Elfman, avec L’Étrange Noël de Monsieur Jack ou Batman : Le Défi. J’adore tout ce qu’il fait, il est fou. Et les orchestrations derrière sont dingues.
Un disque plaisir coupable inavouable ?
O: Attention c’est du lourd… Viva La Vida de Coldplay. (NdR : sincère stupéfaction de mon côté de l’écran). J’adore, même le méga tube avec les violons. Je continue de l’écouter de temps à autres, j’aime bien la prod. Bon, c’est une catastrophe hein, mais jusqu’à cet album je suis client. Et puis le premier album de HIM, j’adore.
C: Je dois bien en avoir, c’est sûr… Bon, ce n’est pas un plaisir si coupable que ça, parce que l’album est vraiment super : La Femme Chocolat d’Olivia Ruiz, j’adore. En vrai plaisir coupable, « La Chenille » de La Bande à Basile, je suis le premier à me lancer dessus ! Ou bien Comme On A Dit de Louise Attaque !
Un disque sous-estimé ?
C: Bah, Maudits ! (Rires)
O: Il y en a plein ! Difficile de n’en choisir qu’un seul… Ah j’en ai un ! Morgoth, Feel Sorry For The Fanatic. Ils avaient complètement changé de style à l’époque, avec une musique un peu à la Killing Joke, alors qu’à la base il s’agit d’un groupe death metal. Je le trouve vraiment cool. Et The Final Cut de Pink Floyd. Je l’ai toujours trouvé sous-estimé, et à l’arrivée c’est l’un de mes préférés de l’ère Waters.. Il arrive juste après The Wall et est beaucoup moins immédiat, donc de toute façon il était voué à être descendu d’office. Un morceau comme « Your Possible Pasts » fait partie de mes préférés des Floyd, et plus globalement sur cet album Waters montre son côté sensible, contrairement à l’aspect très froid d’album comme Animals, que j’adore aussi hein, ou même The Wall. Il évoque notamment son père militaire qu’il n’a jamais connu, et je le trouve très poignant. Et enfin, Alain Bashung avec L’Imprudence. Je ne suis pas du tout amateur de musique française mais celui-là m’a totalement scotché. Tout le monde parle de Fantaisie Militaire, qui est un superbe album, mais L’Imprudence ne revient jamais quand on évoque les meilleurs disques français. Il est beaucoup moins immédiat, mais tellement riche, et beaucoup plus viscéral et sombre que bien des groupes de doom ou de black metal. On pourrait comparer ça à une sorte de bande originale d’un film très tordu avec des arrangements incroyables. D’une richesse musicale et émotionnelle infinie pour moi. Tous les amateurs de belles musiques se doivent d’y poser une oreille.
C: Métronomie de Nino Ferrer. Une pièce exceptionnelle, c’est fabuleux. Personne ne connaît cet album. Je pourrais en dire de même pour Blanat. Vraiment un des rares artistes français à avoir sorti autant de disques exceptionnels. Et je placerais aussi A Drop Of Light d’All Traps On Earth. Une véritable pièce progressive instrumentale. Il devrait être obligatoire à l’école !
Un disque surestimé ?
O: A Momentary Lapse Of Reason de Pink Floyd. Il s’était bien vendu, il y a encore beaucoup de fans à travers le monde, mais je le trouve nul à chier. La prod est affreuse, je ne retiens rien du tout. C’est nul nul nul !
C: Metallica sort des albums daubés qui se vendent très bien…. St Anger, tiens, rien que pour le son de caisse clair, il n’aurait jamais dû sortir !
Votre disque préféré de 2020 ?
O: Spook The Horses, Empty Body, grosse tuerie. C’est d’ailleurs Chris qui m’a fait découvrir !
C: Pareil. Et je suis content parce que c’est la première fois que je prends une claque, que je fais écouter à Olivier, qu’il écoute vraiment et qu’il prend une claque à son tour. La prod est dingue !
Le disque que vous écoutez en boucle en ce moment ?
O: Le dernier Napalm Death, j’adore presque tous leurs albums, et celui-là met une bonne claque. Ils arrivent toujours à être pertinents, les sons un peu « indie rock » et noise sont bien intégrés. Et ça reste Napalm. Je ne m’y attendais pas. Et A.A. Williams, j’ai découvert via le split avec Mono que j’avais bien aimé. Album écouté par curiosité, avec des petites influences à la OK Computer de Radiohead. Dans les arpèges, la voix… C’est super beau, bien produit, et pas trop long.
C: Le dernier The Erkonauts. C’est la branlée. Un mélange de Primus et System Of A Down, ce genre de délire. Un peu de Psykup sur les bords, un bassiste chanteur fabuleux. C’est vraiment cool. On y entend même un peu de Gojira.
Votre dernier disque acheté ou acquis ?
C: If These Trees Could Talk, j’écoute Red Forest en ce moment.
O: Un truc inécoutable mais que j’adore, un one-man band de black chelou qui s’appelle Skáphe, dont c’est le troisième album. Un délire comme Leviathan, très sauvage, hyper dissonant, à la Deathspell Omega.
Et enfin : team vinyle, team CD, team cassettes ou team streaming ?
O: CD et vinyles pour moi. Surtout pas de stream, impossible, je ne comprendrais jamais. C’est peut-être une question de génération mais je ne comprends pas le concept de payer pour obtenir des fichiers audio.
C: Pareil, vinyles et CD. Mais surtout CD, car plus simple à écouter, et parce que je passe beaucoup de temps en voiture. Les vinyles, c’est pour l’hiver, avec une bonne tisane et une BD de Gotlib !
Maudits, premier album de Maudits, est sorti fin septembre. Vous pouvez l’écouter ICI. Interview et chronique à lire dans new Noise #54, en kiosque actuellement
Propos recueillis par Clément Duboscq