New noise présente “Chacun Mes Goûts”, une série limitée de discussions où groupes et artistes habitués de nos colonnes nous parlent de leurs disques de chevet. Aujourd’hui, c’est SURE. au grand complet qui se prête au jeu…
Votre premier disque acheté ?
Greg (chant) : Ace of Base Happy Nation. J’avais même acheté tous les singles en version “CD 2 Titres” avant. C’est fou que comme ce groupe mettait tout le monde d’accord. Le mélange d’eurodance et de reggae, c’est quand même hautement improbable.
Michael (basse) : Le premier « objet musical » que j’ai demandé, c’est la cassette de Benny B. Mais le premier CD que j’ai acheté c’était Nirvana, Bleach, avec l’étiquette “prix choc” à 89 francs.
Nicolas (guitare) : La cassette de Nirvana From the Muddy Banks of the Wishkah. J’avais douze ans et connaissait seulement leurs singles qui passaient à la radio sans savoir qui les avait composés. Quand je l’ai enfin eu, j’ai fait chier mes parents comme pas possible pour qu’ils m’achètent la discographie complète.
Un disque qu’écoutaient vos parents quand vous étiez gamin ?
G : Le Best-Of de Fleetwood Mac. La quintessence de la musique de parents je trouve ! Que des tubes, auxquels je suis encore très attaché aujourd’hui. Une vraie science de la simplicité et de l’efficacité. Un couple d’amis proches s’est récemment marié sur “The Chain”, comme quoi ça marche toujours.
M : La BO des Blues Brothers. Très entraînant, très jovial, l’inverse de SURE.
N : Pour le plaisir d’Herbert Léonard… Rien d’autre à ajouter. (Rires)
Un disque qui vous a donné envie de faire de la musique ?
G : Radiohead, Kid A. “Idioteque” m’a retourné, je n’avais jamais entendu quelque chose d’autant “fait pour moi”. J’ai commencé à produire mes premiers morceaux quelques semaines plus tard. C’était bien évidemment nul et salement pompé, avec des samples “E-Jay”.
M : J’hésite entre les compilations du label punk suédois Burning Heart (Satanic Surfers, Breach, Refused, Millencolin…) ou tout simplement le premier Rage Against The Machine. Au final, beaucoup d’intensité et d’énergie.
N : From the Muddy Banks of the Wishkah, Nirvana.
Le meilleur album de tous les temps ?
G : Quelle angoisse cette question. Allez, Marvin Gaye, What’s Going On. C’est toujours la révélation à chaque écoute, ça se déguste à l’infini. Je crois qu’on n’aura jamais de meilleur chanteur d’ici la fin du monde. Le mec peut chanter “Saaaaaaaaaaave the babies” à fond les poings serrés, et ce n’est même pas ridicule. Certains morceaux sonnent encore très modernes, comme le dernier, “Inner City Blues”. Le reste est une usine à samples intemporelle.
M : Comme Gregory, je pense qu’il s’agit d’une question à laquelle il est impossible de répondre, mais je dirais Neil Young, Harvest. Je peux l’écouter tout le temps, dans n’importe quelle disposition, sans me lasser.
N : Clairement impossible de répondre. Tu veux pas plutôt un top 5 par genre musical ? (Rires) Mais sinon allez, je dirais My Bloody Valentine, Loveless. Il reste toujours pertinent, peu importe mes humeurs musicales du moment.
Votre disque new wave incontournable ?
G : Depeche Mode, Violator. “Enjoy The Silence”, meilleure chanson du monde, merci au revoir !
M : New Order, Substance. Pas un choix typique du mouvement new wave, mais néanmoins un monument musical.
N : The Jesus and Mary Chain, Automatic. Pas totalement new wave mais “Head On” est un gros gros tube dans le genre, je trouve. Merci les Pixies pour la découverte.
Pour Greg : un disque avec un chanteur qui t’influence ?
G : Blood Orange, Freetown Sound. Cet album a réellement changé ma vie car il m’a prouvé qu’on pouvait faire de la pop avec TOUT : de l’ambition, des risques, du plaisir, un énorme éclectisme, et quand même sonner unique et cohérent, enfin si on est un génie hein ! Dev Hynes s’est totalement réinventé vocalement en passant de Lightspeed Champion (son ancien projet) à Blood Orange. On sent qu’il s’est libéré, et je crois que c’est cette impression de liberté totale qui me touche le plus.
Encore pour Greg : un disque qui fait le plus honneur à l’utilisation des pads/du Roland SPD/de la boîte à rythme, bref un disque ou le batteur est mis au placard ?
G : The Knife, Silent Shout. Album redécouvert récemment, où les boites à rythmes sonnent encore très actuelles, avec des patterns pas évidents mais toujours dansants et hypnotiques. Du très beau minimalisme.
Pour Nicolas : un album avec un guitariste qui t’influence ?
N : Kevin Shields sur Loveless de My Bloody Valentine. Le son te fout la nausée et te berce en même temps.
Pour Michael : un album avec un bassiste qui t’influence ?
M : Simon Gallup de The Cure semble être une réponse assez évidente, sans album particulier vu son beau parcours. Mais je reviendrais aussi à Peter Hook période New Order.
Un album qui selon vous résume l’inspiration de SURE. ?
G : Health, Death Magic. C’est l’album où tout a été poussé à l’extrême, dans le côté bruitiste comme dans le côté mainstream. J’adore car il y a une vraie ambivalence… C’est très américain et show off, et en même temps complètement à part. Ça m’évoque un peu la même chose que Sophie, l’impression que ces artistes veulent nous dire “avec votre monde de taré, regardez ce qu’on doit inventer pour ne pas devenir fous !”. C’est de la musique moulée dans les codes du mainstream, mais avec un instinct dangereux et tournée vers le futur.
M : Bizarrement, Tears For Fears avec Songs From The Big Chair. Non pas pour le côté sombre mais pour cet apport pop et mélodique de Gregory qui offre une bouffée d’oxygène.
N : Pas mieux que mes collègues.
Un disque d’un groupe ou artiste avec qui vous êtes potes ?
G : Toh Imago, Nord Noir. De la techno-ambiant super organique et texturée, avec une vraie narration, et une vraie personnalité.
M : Double Vedette, Rogatons. Du synthé en folie, une ambiance sombre, un disque étouffant.
N : Je vais tricher et en donner deux : les prochains albums de The Worst Doubt et de The Phantom Carriage. Du hardcore metal pour le premier et du black metal/screamo pour le second. C’est vraiment le haut du panier pour moi dans leur style respectif.
Vos pochettes d’album préférées ?
G : The Asphodells, Ruled by Passion, Destroyed By Lust. C’est juste un collage, mais comme dans tous les très bons collages, une magie mystérieuse opère. Cet album pue tellement la dope que vous aurez l’impression d’être défoncé avec de l’air.
M : Roxy Music, Flesh + Blood. Magnifique photo et quelque chose de puissant s’en dégage.
N : Darkthrone, A Blaze in the Northern Sky. Elle dégage une énergie vraiment malsaine et primitive. Comme pour certaines affiches de film d’horreur, je trouve qu’elle surpasse la matière quelle est censée juste illustrer.
Vos B.O. préférées ?
G : Michael Nyman, Gattaca. C’est dur de l’écouter sans finir en larmes. Il faut bien choisir son moment.
M : Forcément influencé par mes parents, j’aurai tendance à reparler des Blues Brothers, mais le travail d’Alexandre Desplat sur Tree Of Life m’a vraiment fait frissonner.
N : Wojciech Kilar pour la BO du Dracula de Coppola. Je regardais la scène d’ouverture (qui défonce) tous les matins avant de partir à l’école. C’était mon seul moyen d’écouter l’OST. Je l’écoute toujours assez régulièrement d’ailleurs. T’as envie te prendre ton cheval et de partir à la guerre puis de te foutre en l’air de chagrin l’instant d’après.
Un disque plaisir coupable inavouable ?
G : J’ai l’impression que le plaisir le plus coupable pour les gens de notre âge est de se complaire dans la nostalgie, ce qui ramène parfois au nu-metal… Donc je dirais Linkin Park, Hybrid Theory. C’est redevenu cool ou pas encore ? A la sortie, j’étais un peu déçu en l’achetant car je m’attendais à quelque chose de plus subversif. Et en fait c’était de la pop avec l’esthétique du moment… Dans ma tête je le met à côté du premier Justin Timberlake. “Crawling” est le “Cry Me A River” du lycéen en détresse, c’était le mix parfait pour moi à l’époque… J’étais parti pour 4 ans de cheveux peroxydés, mon coiffeur de banlieue était aux anges.
M : Il n’y en a plus trop, avec l’âge on a tendance à presque tout assumer. Cela étant dit je dirai que mon péché mignon plus que mon plaisir coupable est le hardcore “bas du front” à savoir très basique et violent dans le style de Unit 731, avec A Plague Upon Humanity.
Un disque qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans votre discothèque ?
G : Cette question me fait sévèrement vriller… Est-ce qu’il faut se mettre dans la tête des autres et imaginer la vision qu’ils ont de nous ? Seraient-ils réellement surpris du choix ? Ça y est je ne sais plus qui je suis. Carly Rae Jepsen, E•Mo•Tion. Et les B-Sides sont encore meilleures !
M : Beaucoup de disques de Claude François. Je ne sais pas pourquoi mais il me berce aussi depuis que je suis petit.
Un disque que vous offririez à votre meilleur·e ami·e ?
G : Tyler The Creator, IGOR. C’est en train de devenir une blague, car ça fait deux anniversaires d’amis très proches où je l’offre, et à chaque fois quelqu’un d’autre l’a offert avant moi ! C’est le genre d’album qu’on peut écouter partout, avec à peu près n’importe qui. C’est très malin, mais en même temps très accessible car en apparence simple. Le mec est sur une pente ascendante ça se sent, il fait de l’or sans effort.
M : The Tallest Man On Earth, Shallow Grave. Un disque sensible et profond. Un mec à la guitare avec une voix qui rappelle Bob Dylan.
Un disque que vous offririez à votre pire ennemi·e ?
G : Admiral Angry, Buster. Dessus, un titre s’appelle tout simplement “Kill Yourself”, pour aller dans la violence mentale. C’est tout ce que le metal peut faire de mieux sans les clichés, de manière très très sale. Le groupe était tout jeune à l’époque et n’a malheureusement pas survécu, car le guitariste et principal compositeur est mort peu de temps après. Il me semble qu’un des membres a ensuite rejoint Black Sheep Wall, qui continue dans la même lignée mais la magie en moins selon moi.
M : Ce serait quelque chose que j’adore et que il/elle déteste, donc quelque chose d’un peu extrême comme le screamo (ou skramz pour les plus jeunes) et quitte à n’en choisir qu’un ce serait Tristan Tzara, Da Ne Zaboraviš.
Le dernier disque que vous avez acheté/que vous vous êtes procuré ?
G : Tame Impala, The Slow Rush. Même si je suis un peu déçu par rapport à Currents, ça reste excellent. Gros crush sur le morceau “Breathe Deeper” et sa fin gentiment acid, et je suis même un peu ému sur le dernier “One More Hour”. Deux choses auxquelles je ne m’attendais pas sur un album de Tame Impala.
M : Un peu par hasard ce serait Diane Tell, En Flèche trouvé chez Emmaüs.
N : Emperor, Anthems to the Welkin at Dusk, j’ai eu une grosse période black old school dernièrement, style que je trouvais imbitable plus jeune. Du coup, un peu tous les classiques y sont passés.
Le disque que vous écoutez en boucle en ce moment ?
G : Childish Gambino, 3.15.20. C’est comme si je le découvrais à chaque écoute, c’est troublant. Ce disque me transforme en poisson rouge. Je ne comprends pas tout, mais tout me plait. C’est globalement assez expérimental, mais il y a un tube incroyable qui porte bien son nom : “Feels Like Summer” (10ème piste de l’album). Attention tout de même, ce disque peut heurter l’ambiance d’une soirée avec ses passages “chelou-narratifs”.
M : Built To Spill, Keep It Like A Secret. Un disque apaisant, agréable, mélodique et très léger.
N : Planes Mistaken For Stars, Mercy. Je redécouvre cet album, il tue ! Et cette voix ! Je l’avais détesté quand il était sorti. J’avais beaucoup trop la tête dans le beatdown et les conneries à mèches à ce moment là. Content d’avoir pu corriger ce rendez-vous manqué.
Et enfin : team CD, team vinyle, team cassette ou team streaming ?
G : Vinyle car le monde physique est quand même très gratifiant.
M : Team vinyle avec des infidélités dans le monde du streaming.
N : Team CD. Ça prend pas de place et les prix sont souvent peu élevés. J’en profites pour acheter pleins de disques que je ne pouvais pas m’offrir ou que j’avais zappé quand j’étais plus jeune. Mais c’est vraiment pour avoir l’objet. Au quotidien, c’est streaming.
G : Oui, en vrai je fais le malin, mais streaming au quotidien aussi.
20 Years, le premier album de SURE., est sorti en mars dernier chez Weyrd Son Records. Vous pouvez l’écouter ICI.
Interview du groupe à lire dans new Noise #53, en kiosque jusqu’au 5 juillet.
Propos recueillis par Clément Duboscq
La playlist :
Les clips de SURE. :