Knut + Dirge + Time To Burn 22/09/07 (Paris – Point Ephémère)

(photo Dirge : Stéphane Burlot)

Terrasse, bord de canal et salle blindés – qui a dit enivrés ? -, ni l’éclectisme de l’affiche ni la coupe du monde de musclés ne semblent avoir refroidi le public ; déjà pas si mal en ces temps de concerts-bide… Vive les préventes alléchantes, parce que vingt euros sur place, « c’est tout de même bien cher pour un groupe ayant joué ici-même un an et demi plus tôt et n’ayant rien de neuf à proposer » (dixit le batteur suisse). Bref, passons le détail financier, de toute façon c’est de la musique d’intellos paraît-il – si on veut bien croire certains aficionados de sons plus « métalliques » -, or qui dit intello dit bourge, c’est un fait bien connu…

Qui est habitué des concerts post-machins ou truc-noisy a obligatoirement déjà vu Time To Burn. La sortie du premier album approche à grands pas, chaque concert nous en montre un peu plus. Il y a quelques mois, c’était en ouverture de Nadja (si si, ce concert fadasse ultra-décevant… desservi par de mauvaises conditions), plutôt convaincant ; ce samedi, c’est grosse confirmation. Seul point noir, et encore c’est du pointilleux : la présence sur scène, deux sur trois sont un poil trop statiques, on attend plus de coups de nerfs calqués sur les coups de butoir. Côté son, ça tarte. C’est carré, tout est bien assuré, le groupe confectionne une ambiance noisy tripante, les plans répétitifs sont bien placés, écrasants, ça sent l’urgence, tripes lâchées et musique arrachée, c’est fichtrement prometteur.

Puis, sans un mot, les lumières crues s’effacent pour laisser place à un camaïeu de bleu vert, un écran sur lequel sera projeté tout du long un film mêlant avec brio sens et esthétique, un vrombissement utérin : les premiers accords de Dirge. Le mouvement s’alourdit, s’allonge, les corps ondulent emportés par les flots lourds de « Meridians », également ouverture de leur nouvel album renversant. Le chant arraché de Marc T. épouse la transe silencieuse du public pendant ces premières 20 minutes. Suit « Epicentre » dont l’intro cristalline et les plans aériens, voire cold, assoient l’hypnose collective et la résonance onirique qu’on ne prêterait pas au premier abord à la musique tellurienne du quintette, qui s’impose, s’enrichit et enfle sous nos yeux. Bien sûr on s’attend à voir surgir Nicolas Dick des Kill pour poser son timbre unique sur le final de ce morceau exaltant (tel que cela figure sur Wings of Lead over Dormant Seas) – ce sera bien le seul moment du concert où la réalité matérielle se rappellera à nous -, mais Marc assurera la partie et l’invité fantôme s’évaporera sans heurts ni gros regret sur fond de paysages sulfuriques. « Lotus Continent », avec sa rythmique issue des forges vulcaniennes, viendra alors clore de sa beauté sombre, rêche et vertigineuse cette heure appartenant à un autre espace-temps, tant la prestation fut brillante, magistrale et parfaitement à sa place sur ce plateau. On espère ne pas avoir à attendre encore un an et demi avant de pouvoir goûter à nouveau à un tel déferlement émotionnel. A bon entendeur…

Quand ce cher Roderic (batteur, pour les non-intimes) annonce que Knut est redevenu plutôt violent sur scène, expliquant pourquoi certains crurent – à tort – il y a quelque temps entendre le groupe rejouer plus de titres de Challenger, il ne se fout pas de notre gueule. Comme au Hellfest, comme au Batofar, comme au Point Ephémère en 2006, l‘entame est en Terraformer. Peu de chant, son qui assomme, pachyderme en rut, c’est une fois de plus jouissif. Mais tout semble plus nerveux, ils sont tendus, ça fait bloc, le groupe se fait plaisir et c’est palpable. L’intégration du nouveau gratteux ne semble pas poser le moindre souci… Puis, on s’y attendait, le ton se durcit, Terraformer s’efface un peu, Challenger reprend le dessus, ça devient sacrément chaotique. « H/armless » est jouée, c’est donc une soirée parfaite vous dit le fan de base. Maîtrise totale, concert précis – ce batteur !, stoïque, incompréhensible, fluide… impressionnant -, enragé, écrasant, ce sont cinquante minutes qui pètent en pleine tronche. Mention spéciale au lourd bourré – l’excuse qui tue – qui aura su agacer la moitié de la salle, dans et autour du « pit ». On remarquera aussi un public moins nombreux pour Knut que pour Dirge – voire T2B. On retiendra un point : ce concert de Knut est à ranger quelque part entre le tremblement de terre et la pluie de mammouths, entre la déferlante sonore et la leçon de technique ; ça passe – trop – vite, explose les esgourdes et défonce les cervicales, c’est absolument monstrueux. La suite messieurs, la suite !

Catherine Fagnot & Alexis Laffilé