New Noise présente “Chacun Mes Goûts”, une série de discussions où groupes et artistes mis en avant dans nos colonnes nous parlent de leurs disques de chevet. Aujourd’hui, c’est Steve Von Till, chanteur/guitariste de Neurosis et également artiste solo, qui se prête au jeu…
Ton premier disque acheté ou acquis ?
Steve Von Till : Je ne suis pas sûr de me souvenir avec exactitude du premier, mais mes parents ont toujours eu énormément de disques à la maison, et un bon système son. J’ai beaucoup fouillé dans leur collection. Mais peut-être que le premier en ma possession après qu’ils m’aient offert une platine fut la bande originale de Robin des Bois de Disney. Les chansons étaient notamment de Roger Miller. Il me semble qu’avant d’acheter mes propres disques j’enregistrais ce qui passait à la radio. Mais le premier album rock que j’ai possédé a probablement été Alive! de Kiss. La pochette était tellement cool ! Tu imagines bien, aux yeux d’un gamin de 7 ans…
Un disque que tu associes à ton enfance ?
John Denver, un de ses tout premiers, Rocky Mountain High.
Un disque qui t’a donné envie de faire de la musique ?
AC/DC, Highway To Hell. J’ai grandi avec le rock, je m’y suis mis très très tôt. Ma mère m’avait emmené voir Kiss en concert alors que j’avais 9 ans car elle savait que je les aimais beaucoup, mais cette musique me semblait encore si inaccessible à cette époque. Il y avait quelque chose de plus « terre à terre » dans celle d’AC/DC. Elle te donnait l’impression que toi aussi tu pouvais la jouer, ça ne paraissait plus aussi hors de portée. Plus tard, c’est le punk qui m’a convaincu que c’était possible, mais AC/DC a aussi compté dans cette prise de conscience.
Le meilleur disque de tous les temps ? Et tu peux en choisir plusieurs si tu veux…
(Rires) Je vais être obligé ! Tu sais ce que c’est quand tu es collectionneur, ça change sans arrêt. Je vais devoir réduire à ceux que j’ai le plus écouté dans ma vie. (Longue réflexion) C’est dur ! Le premier album de Killing Joke, Ozma des Melvins, Unknown Pleasures de Joy Division… Et Motörhead coule dans mes veines, il m’est difficile de ne choisir qu’un seul album. N’importe lequel du line-up originel. Et enfin Space Ritual de Hawkwind, je m’arrête là !
Ton disque folk préféré ?
Je ne suis pas sûr qu’il soit considéré comme folk à proprement parler, mais le premier qui me vient à l’esprit est Time (The Revelator) de Gillian Welch.
Ton disque néo-classique ou ambiant préféré ?
Fordlandia de Jóhann Jóhannsson. C’est un ami, Alex Hall de Grails, qui me l’a fait découvrir. Ce que j’ai vraiment aimé, c’est qu’en l’écoutant il ne fait aucun doute qu’il a grandi en écoutant du punk rock. Et je pourrais en dire de même d’autres compositeurs de cette nouvelle génération néo-classique. Ça se sent dans leur façon de passer leur musique à travers un filtre sombre, morose. C’est une sensibilité différente. J’aime la manière dont Jóhannsson ajoute des sonorités électroniques barrées. Il le fait subtilement, sans rien enlever à la beauté des parties de cordes. Ce n’est pas uniquement de la musique minimaliste. Le premier compositeur minimaliste que j’ai écouté a été Philip Glass. Les compositeurs dans la veine de Jóhannsson véhiculent plus d’émotions. Sa musique me touche vraiment beaucoup, et à vrai dire quand on me pose cette question, j’ai du mal à choisir entre cet album, et celui sorti après sa mort, Last and First Men. C’est la bande originale de son propre film en 16 mm, tourné dans les Balkans, c’est vraiment époustouflant. J’y retrouve la même noirceur que chez Joy Division, mais dans un contexte néo-classique que je trouve très novateur.
Ton disque punk préféré ?
Ça c’est presque impossible… Tout dépend de la période ! Proto ? Première vague ? Hardcore ? Pour moi le premier à avoir définit le genre avant même qu’il n’existe à proprement parler est le premier album des Stooges. Je l’adore aussi parce qu’il est sorti l’année de ma naissance, en 1969, et à l’époque il paraissait impossible que la musique en arrive à ce point-là. Le rock était encore très récent, apparu une quinzaine d’années plutôt, comme sorti de nulle part. Sinon, pour la première vague de punk américain, Los Angeles de X. D’une certaine manière on y retrouve certaines racines de l’americana. J’adorais la voix de John Doe, les harmonies vocales, les textes brillants, de la vraie poésie de rue. Et pour le punk hardcore, peut-être Rock For Light des Bad Brains
Ton disque post-rock ou post-metal préféré ?
Je ne sais toujours pas ce que signifie ce terme ! Je sais bien que c’est ainsi que les gens nous catégorisent, mais je ne saisis vraiment pas… Je comprends le terme post-punk, mais post-metal, je ne vois pas… Peut-être suis-je trop vieux ! Si tu parles de groupes heavy et modernes associés à des gens que je peux connaître ou avec lesquels je peux être amené à jouer, je pense que je choisirais les Belges d’Amenra, avec Mass VI.
Un disque avec ton/ta chanteur.euse préféré.e ?
Sandy Denny, The North Star Grassman and The Ravens.
Un disque avec ton/ta guitariste préféré.e ?
(Longue réflexion) J’aurais bien dû y réfléchir… Je ne suis pas guitariste au sens le plus traditionnel qui soit, je n’ai pas vraiment de « guitar hero » modèle. Mais je me dois de répondre The Joshua Tree de U2, pour le jeu de The Edge sur cet album.
Ton album de Neurosis préféré ?
Fires Within Fires. Parce que le plus récent est toujours le meilleur. (Sourire) Il s’agit toujours de la version la plus évoluée de ta propre vision de la musique et de ce dont tu es capable en tant qu’artiste.
Un disque d’un groupe ou artiste avec qui tu aimerais collaborer ?
Deafkids, Metaprogramação. Ils font partie des rares groupes extrêmes et heavy que j’ai entendu ces dernières années proposant quelque chose de vraiment unique et original. Je pense que la plupart de ce qui se fait actuellement est stylisé, il est rare de trouver des groupes qui parviennent à créer leur propre niche. J’aime la façon dont leur musique devient de plus en plus psychédélique et hypnotique. Je pourrais imaginer 1000 collaborations différentes, mais celle-ci ne tient pas de la fantaisie, ça pourrait vraiment arriver un jour ou l’autre. (NdR: Deafkids est signé chez Neurot Recordings)
Un disque que tu fais écouter à tes élèves ?
Dans ma salle de classe ? J’ai une bonne playlist de musique ambiante que je leur passe souvent, dans laquelle on retrouve Ambient 4: On Land de Brian Eno ou The Tired Sounds Of de Stars Of The Lid. Et je ne peux résister à l’envie de citer Talk Amongst The Trees d’Eluvium. Un des morceaux de cet album s’intitule « New Animals From The Air » et à chaque fois qu’il commence j’arrête toujours tout ce que je suis en train de faire pour l’écouter en entier, parce qu’il est magnifique.
Ton disque préféré produit par Randall Dunn ?
Il y en a beaucoup… (Longue réflexion) Marissa Nadler, July. On ne peut faire une superbe production qu’à partir de superbes chansons, et ce disque l’illustre bien. Elles sont géniales, vraiment belles. La voix de Marissa est magnifique et elle parle avec sincérité des sujets qu’elle traite.
Un disque plaisir coupable inavouable ?
(Rires) J’en reviens à U2 ! On peut facilement se foutre de l’égo et des extravagances de Bono ou que sais-je, mais rien de tout ça n’a d’importance si on se concentre sur la musique. Je pense qu’ils ont composé des disques vraiment uniques. Sur The Joshua Tree, les parties de guitares sont hors du commun. Tout repose sur le delay comme chez Pink Floyd par le passé. Le résultat est très spatial et trippant, ça respire beaucoup… des notes seules et un peu d’électroniques. D’une certaine façon c’est presque de « l’anti-guitare ». J’ai beaucoup appris en écoutant cet album.
Un disque que tu offrirais à ton/ta meilleur.e ami.e ?
African Head Charge, Songs Of Praise. Je pense que c’est une porte d’entrée pour quiconque n’écoute pas ou peu de dub. Parce qu’il ne sonne pas comme ce à quoi on peut s’attendre d’un disque de reggae. On y trouve plus de bandes audio trafiquées, coupées, des boucles, des samples, beaucoup de percussions africaines, de chants tribaux. Tout ceci est assemblé d’une façon unique, et tridimensionnelle d’un point de vue sonore.
Un disque que tu offrirais à ton/ta pire ennemi.e ?
(Long silence) Celle-ci me fait plutôt réfléchir avec philosophie ! (Rires) Est-ce que torturer son ennemi.e est la meilleure chose à faire ? (Rires)
Plusieurs participants à cette série d’interviews ont plutôt pensé à un disque pour se réconcilier !
Bon point ! C’est ce à quoi je pensais, il est quand même mieux d’essayer de ne pas se faire d’ennemis en premier lieu ! Dans un esprit de réconciliation donc, je choisirais peut-être Sly & The Family Stone avec l’album Stand.
Le disque que tu écoutes en boucle en ce moment ?
Un qui a pas mal tourné ces derniers jours… Ghosteen de Nick Cave.
Ton dernier disque acheté ou acquis ?
Il doit s’agir d’un CD gravé… (Rires) Bon en fait le dernier que je me suis procuré est un bootleg du Live at Pompeii de Pink Floyd.
Et enfin : team vinyles, team CD’s, team cassette, team streaming ?
Oh, vinyles ! La question ne se pose même pas. C’est avec ce format que j’ai grandi, ça a été ma première expérience tangible avec des disques. Enfant, j’ai découvert la musique en regardant les pochettes, en lisant les crédits, les paroles, et même les noms des labels sur les pochettes. J’aime tout ce qui touche au vinyle. J’adore l’odeur, la sensation, l’acte de poser un disque sur une platine. J’adore l’odeur du vieux matériel électronique, tu sais, quand tu allumes et que la poussière commence à chauffer. (Rires) Tout ceci fait partie de l’expérience, à mon humble avis.
No Wilderness Deep Enough, le nouvel album solo de Steve Von Till, est sorti en août dernier chez Neurot Recordings. Vous pouvez l’écouter ICI.
Propos recueillis par Clément Duboscq
La playlist :