New noise présente “Chacun Mes Goûts”, une série limitée de discussions où groupes et artistes habitués de nos colonnes nous parlent de leurs disques de chevet. Aujourd’hui, ce sont Marissa Nadler et Stephen Brodsky (Cave In, Mutoid Man, Old Man Gloom…) qui se prêtent au jeu…
Votre premier disque acheté ou acquis ?
Marissa Nadler : Le premier disque acheté avec mon argent :The Score des Fugees. Mais le premier en ma possession fut Abbey Road des Beatles. Mon père m’avait offert un transistor avec la cassette, j’avais environ 3 ans.
Stephen Brodsky : Pas mal… Bien sûr je connais les Beatles mais les Fugees ? Ça ne me dit rien…
MN.: Mais si ! Le groupe de Lauryn Hill, qui avaient explosé avec la reprise de « Killing Me Softly with His Song » de Robert Flack (NdR: elle se met à chanter. Évidemment c’était parfait). Ça a avait cartonné à l’époque ! J’ai eu ma période hip-hop !
SB.: Ça me revient, oui ! Mais c’est tout ce que je connais d’eux. Mes premiers disques achetés avec mon argent ont été The Real Thing de Faith No More et Cherry Pie de Warrant. Chopés dans un centre commercial à Methuen, là où j’ai grandi dans le Massachussets. Ville reconnue pour avoir abrité le plus grand Burger King du monde ! Je peux écouter The Real Thing et kiffer du début à la fin encore aujourd’hui, mais je ne peux pas en dire autant de Cherry Pie ! (Rires). Mais « I Saw Red » me touche encore beaucoup, « Uncle’s Tom Cabin » et « Cherry Pie » déchirent… Revenir dessus, c’est intéressant ; quand tu es jeune tu écoutes ce genre de disque du début à la fin parce que c’est tout ce que tu possèdes. Un peu comme s’il s’agissait d’une rareté… Je ne sais pas trop ce que je raconte, mon café de ce matin ne fait pas encore effet !
MN.: Non, tu as raison ! Quand tu investissais entre 7 et 12 dollars dans un disque, à l’époque de tes premiers boulot, tu l’écoutais en boucle pour t’assurer de bien aimer ce que tu t’étais procuré.
SB.: Oui, tu faisais en sorte d’en avoir pour ton argent !
Un disque que vous écoutiez avec vos parents ?
SB.: L’album de Noël d’Elvis Presley, à chaque réveillon ! Par quel morceau commence-t-il déjà ? « Silver Bells » ? Évidemment tout le monde connait « Blue Christmas » (NdR: il la chante en imitant le King).
MN.: Il me semble que les premiers groupes que j’ai vu en concert étaient Procol Harum et Jethro Tull. Mais en grandissant, on a beaucoup écouté Pink Floyd avec mes parents ! Probablement The Wall… Mais ils sont tellement fans, tous les albums ont dû y passer.
Un disque qui vous a donné envie de faire de la musique ?
SB.: Gun’s N Roses, Apetite For Destruction. J’étais un ado un peu à l’écart, durant les premières années de collège, en 6ème-5ème. J’avais beaucoup de mal à me fondre dans la masse. C’était difficile, je me sentais un peu comme un cube dans un trou rond. Mais il y avait ces moments où je me retrouvais à écouter Apetite, et je me disais « Et si j’essayais d’atteindre ne serait-ce qu’une fraction du niveau de guitare de Slash ? ». Ça me semblait cool d’apprendre la guitare, de sociabiliser un peu, de faire la fête, rencontrer de nouvelles personnes… Ça a été un tournant. J’ai commencé les cours à cette époque.
MN.: Ma réponse sera peut-être un peu controversée, je suppose que vous ne devez pas être de gros fans, car bien peu d’hommes que je connaisse le sont. J’adore Nirvana hein, mais Courtney Love et Hole m’ont beaucoup marquée quand j’étais ado. J’aimais son doigté à la guitare, ses cris. Mon premier groupe était plutôt punk rock, avec beaucoup de hurlements. J’aimerais bien retrouver cette capacité aujourd’hui, peut-être que Steve pourrait m’apprendre ? (Steve rit) C’était tellement cool. J’étais émerveillée par « Doll Parts » quand le clip passait sur MTV et VH1.
Mais tu as raison, je trouve Hole vraiment sous-estimé !
MN.: C’est sûr que si Hole était actif aujourd’hui, Courtney en prendrait encore plein la gueule… On lui a collé cette image de Yoko Ono du grunge.
SB.: J’aime les tubes de Live Through This ! Très catchy, puissants. Ça me rappelle Nirvana d’ailleurs. Ça me semble évident que les deux groupes étaient proches et inspirés l’un par l’autre.
MN.: Bien dit ! (rire)
Le meilleur album de tous les temps ?
MN.: Toi d’abord ! (Rires)
SB.: Effectivement, c’est impossible. (Grosse hésitation)
MN.: Ça n’existe pas !
SB.: Disons qu’il y a eu plusieurs disques-pierres angulaires, à différentes étapes de ma vie. Il faudrait que je puisse faire un graphique en les classant par intensité, en partant de ceux qui me sont le plus rentrés dedans comme un train en marche. C’est vraiment difficile. Mais puisqu’on parle de Nirvana, je pense que Nevermind a été un tournant majeur pour moi, comme pour beaucoup de gamins de ma génération. C’est sorti à un moment où peu de trios étaient aussi énormes, et capables de composer ce genre de mélodies entraînantes semblant sorties de nulle part. C’est d’abord la batterie qui m’a impressionné. Très forte dans le mix, si flamboyante, très énergique. Tout partait de là ! Et d’un coup sont apparus les nirvanaheads au lycée. (Rires) J’étais là « Hey j’aime Nirvana, mais toi aussi, toi aussi, toi aussi, et toi aussi, on monte une équipe ? ». C’était notre crew, on pogotait à la récré, même sans musique ! Tout dans la tête ! Donc je ne peux que choisir celui-là, que j’associe à un moment crucial où j’étais encore une jeune éponge, où j’avais besoin de tracer plus nettement le chemin sur lequel je m’apprêtais à progresser.
MN.: Il y en a tant qui se bousculent… Je peux en choisir plusieurs ? Beaucoup ont changé la trajectoire de ma carrière en terme d’écriture. Le premier a été Songs From A Room de Leonard Cohen. Il m’a fait réaliser que je n’avais pas besoin de chanter si fort, et que les textes pouvaient rester forts sans être très clairs, qu’ils pouvaient garder une part de mystère. Il a mis la barre très haut. Puis vers 17 ans je me suis mise à jouer en picking à la guitare lorsque ma mère m’a offert Blue de Joni Mitchell. Ceci en complément de disques de Leonard Cohen et de Carole King. Ma mère était une flower child… Ça m’a beaucoup influencé à travers les années. Et je citerais Nina Simone Sings The Blues. J’en était obsédée quand j’étais au lycée, à cause du film Point Of No Return avec Bridget Fonda (NdR: remake US de Nikita). Je ressentais tout le désespoir de la soul dans sa voix.
Votre disque folk préféré ?
MN.: Bob Dylan, Blood On The Tracks. Pas si folk que ça, on peut dire qu’il transcende le genre avec ce disque.
SB.: Un album folk doit-il obligatoirement être chanté ?
Non, bien sûr ! Il peut être instrumental.
Je n’étais pas sûr. Je vais choisir le best of de John Fahey dans ce cas. Un disque qui m’a donné envie de tenter le picking. J’ai toujours voulu m’y mettre, quand j’ai découvert « Blackbird » des Beatles, puis Elliot Smith… Mais ses capacités étaient très supérieures ! Quand j’ai commencé à écouter John Fahey, j’ai pu entendre et visualiser un peu plus ce que faisaient ses doigts, ce qui m’a beaucoup aidé à progresser. Je pense que c’est un instrumentiste très important. Jimmy Page le citait comme une influence. Ses enregistrements et ses performances avaient beau être très simples, c’était magistral.
Votre disque heavy préféré ?
SB.: Si on parle bien là de metal, pour moi la réponse est simple : Ride The Lightning de Metallica. Je le possédais en cassette, mais ce n’était pas un pressage original, c’était un dub. On aurait dit que la machine s’était arrêtée au moment de graver la bande. Je n’avais aucune idée d’à quoi ressemblait la pochette ou la tronche des mecs. C’est un des premiers hard-hitting albums avec lesquels j’ai été en contact. À ce stade je n’enfonçais même plus mon casque, j’étais à deux doigts de l’écraser sur mon crâne ! Je l’écoutais dans le noir et mon imagination se déchainait.
MN.: Faites-moi une mixtape metal, vous êtes bien plus calés que moi ! Le plus drôle c’est que de nombreux groupes metal me proposent de venir chanter sur leurs morceaux, le premier ayant été Xasthur, en 2006. Pour mon album metal préféré, je ne pense pas me tromper en citant Black Sabbath, puisqu’ils ont planté les graines du genre, et je choisis Master Of Reality. De jolies moments mais du très lourd également. C’est le groupe qui m’a orienté vers du rock un peu plus sombre. Mais je ne suis pas si branchée metal que ça… (Rires)
SB.: Ah oui, Master Of Reality est vraiment leur album le plus sale, cocainé à fond… Tu peux presque entendre toutes les drogues qu’ils se sont injectés à l’époque lorsque tu l’écoutes.
Un disque avec votre chanteur•euse préféré•e ?
MN.: La chanteuse française Catherine Ribeiro, son album avec Alpes, qui s’intitule Paix. Du prog des 70s, expérimental. On y retrouve cette chanson… Je ne parle pas français, je vais essayer de la prononcer (Elle fait plusieurs tentatives) « Jusqu’à ce que la force de t’aimer me manque » (Rires). C’est génial. J’ai écouté cette chanson en boucle et en boucle. Elle est la chanteuse la plus puissante que j’ai jamais entendu. Le reste de l’album est bon, mais alors cette chanson…
SB.: Je vais en citer quelques-uns, qui m’ont influencé en tant que chanteur. À commencer par Jeremy Enigk de Sunny Day Real Estate. Sur leur premier album en particulier, il chante avec cette espèce d’accent british, que je ne retrouvais pas sur leurs morceaux plus dark, emo, punk… Je me suis dit que lui piquer ça pouvait être une bonne idée. Pourtant, j’écoutais déjà beaucoup de groupes anglais à l’époque, mais ça ne m’est venu qu’à ce moment ! (Rires) Ça n’a pas duré bien longtemps, mais c’est là quelque part. Ensuite, je pense à Sandy Denny. Quand j’ai découvert que c’était elle qui chantait sur « The Battle Of Evermore » de Led Zeppelin, ça m’a époustouflé. Je ne m’en étais pas rendu compte avant de découvrir Liege and Lief de Fairport Convention. Ce disque m’a donné envie de chanter comme une femme. Sérieusement ! Si je venais à mourir et à me réincarner en femme, j’aimerais avoir sa voix. Et puis, en ce qui concerne le chant plus agressifs, Brian Lovro de Threadbare. Ce groupe déchirait tellement. Et laisse-moi te dire que leurs disques vieillissent très bien. J’adorais cette scène metalcore des 90s. Je n’y reviens pas souvent, mais Threadbare fait définitivement exception. Sa voix sonne torturée, sanguinaire. C’est comme si sa gorge était remplie de verre pilé et que quelqu’un y passait ses poings (Marissa rit). Les paroles sont très convaincantes. Ça m’a vraiment motivé à y aller le plus durement possible ! Je recommande le tout premier single Ignition, puis leur incroyable album Feeling Older Faster.
Un disque avec votre guitariste préféré•e ?
MN.: Encore une fois c’est difficile, il y a tant de styles de jeux différents ! Either/Or d’Elliot Smith est le premier qui me vient à l’esprit. Je l’adore. Sa façon de jouer, sa syncope entre rythme et mélodie est si difficile à reproduire ! J’ai essayé et essayé… Ce n’est vraiment qu’un exemple dans le genre.
SB.: Un bon choix, oui ! Pour moi, Led Zeppelin I. Jimmy Page est un peu le dès à vingt faces des guitaristes. Il peut faire du fingerpicking, de la folk, du très lourd, du fort, du rock, du tranquille, du mélo, du venteux, de l’aquatique… Tous les éléments terrestres en fait. C’est tout lui. Il est pivot. Il a été musicien de session pendant 10-15 ans avant de fonder Zeppelin, et tout ça vient de tous les styles auquel il s’est frotté. Blues rock, surf, folk… Il était prêt. J’ai aussi beaucoup écouté Zeppelin quand j’étais jeune. « Heartbreaker », sur II, est très efficace et simple à jouer. Très lent, un morceau qui laisse de la place pour faire ta tambouille. Une invitation !
Un disque inspirant pour Droneflower ?
MN.: Harold Budd et Brian Eno ! Ambient 2 : The Plateaux of Mirror, je l’ai beaucoup écouté. Lorsque j’ai envie d’être seule avec mes pensées, ce genre musical est parfait. Qu’en penses-tu Steve ?
SB.: Totalement d’accord. Surtout « First Light », en ouverture de ce disque. C’est le genre de morceau qui me remets les pieds sur terre quand je me sens en terrain glissant… Ça m’aide aussi beaucoup quand je suis triste, ça valide mes sentiments, en quelques sortes, et leur donne du pouvoir. Le son du piano me rappelle ma grand-mère. C’est d’ailleurs le premier instrument que j’ai essayé. Elle avait un piano droit dans son salon. Je n’ai jamais pris de cours, mais j’ai beaucoup de souvenirs de moi essayant de pianoter quelques trucs pour m’échapper un peu d’un contexte familial un peu chaotique. Chaotique dans le sens où ma famille est italienne, tout le monde parlait très fort (Rires). Écouter ce disque m’a donc fait remonter le temps jusqu’à ces moments.
Une chanson d’un groupe ou artiste qui s’avèrerait sympa à reprendre pour Droneflower ?
SB.: Il se trouve qu’on nous a suggéré quelques chansons ! J’essaye juste de me souvenir… Je pense à « Wicked Game », mais… (Marissa le coupe, enthousiaste)
MN.: C’est fou j’allais répondre exactement la même chose ! (Rires) On devrait la reprendre !
SB.: Oui, mais Lingua Ignota l’a déjà reprise !
MN.: C’est vrai ! Elle est géniale… C’est le genre de chanson à laquelle je n’aurais jamais touché, mais sa version est si magnifique, on peut difficilement faire mieux. Mais on peut tenter n’importe quoi !
SB.: On est sur notre lancée ballades 90s avec « More Than Words » d’Extreme, « Runaway Train » de Soul Asylum. Oh attends, ça ce serait du lourd : « Love Is On The Way » de Saigon Kick !
MN.: Wooow !! Tu m’envoies ça tout-à-l’heure ? Il se trouve que j’ai justement téléchargé hier toutes les maquettes de Steve pour Droneflowers 2. Elles n’attendent plus que moi. Je note cette idée de reprise de suite ! Saigon… Kick…
SB.: (Il imite le refrain, poing levé) Love is on the way, I can see it in your eyes, Let’s give it one more try tonight, baby…
MN.: Je m’en souviens ! Je pense aussi qu’on pourrait reprendre des classiques, comme Led Zeppelin. Et j’aimerais bien que Steve chante plus sur le prochain album. Plus d’harmonies… Nous avons une nouvelle bandmate, Emily, j’aimerais beaucoup l’entendre un peu plus.
SB.: Je suis chaud ! A fond sur les harmonies !
MN.: Tu aurais des suggestions pour nous ?
J’étais justement en train d’y penser… Du Prince ou du Bowie, ce serait fabuleux.
SB.: Oh man…
MN.: J’adore. Pourquoi pas « Lady Stardust » ? Il y en a tellement…
Ou des chansons un peu plus punk comme « Rebel Rebel » ou « Suffragette City », ce serait intéressant !
MN.: Yeah !
SB.: Bonnes suggestions !
Marissa, ton disque préféré auquel a participé Stephen ?
(Elle réflechit) Je les aime tous, Steve est l’un de mes meilleurs amis. Mais la première fois que j’ai vu Mutoid Man en live, ça m’a fait un choc ! Je ne me doutais pas du tout qu’il pouvait être un tel showman. (Steve rit) C’était au Saint Vitus, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. C’était en 2016 ou 2017, à l’époque de War Moans. C’était vraiment dingue. Et Steve est un excellent riffeur, quelqu’un avec qui il est facile de travailler, un super chanteur. Je n’ai rien entendu de lui qui ne m’ait pas plu. En tous cas ce concert était le plus fort auquel j’ai jamais assisté !
SB.: Ah ça, on joue fort !
MN.: Ce n’est pas non plus excessif, ça reste mélodique… et « mathy », très précis.
SB.: Je joue avec des gens intelligents. On connaît les maths, on aime bien les équations… (Rires) Je suppose que tu vas me poser la même question ?
Oui ! Ton disque préféré de Marissa ?
Je me dois d’abord de mentionner sa collaboration avec Xasthur, très intéressante. Il me semble même que je te l’avais directement commandé, Marissa, quand tu avais sorti cette collection de démos de Little Hells. C’est avec Portal Of Sorrow que je me suis tout de suite dit qu’elle était talentueuse, qu’elle avait cette superbe vibe éthérée, qu’elle était belle, qu’à Boston je n’avais jamais entendu personne chanter comme elle. (À Marissa) Tu as aussi le même nom que ma sœur ! C’est tout cet ensemble de connexions qui a éveillé mon intérêt. À partir de là j’ai découvert l’album de Sailors With Wax Wings auquel tu as participé, que j’adore. J’aime particulièrement le morceau de clôture sur lequel tu chantes.
MN.: Tu remontes à loin ! (Rires)
SB.: Et puis j’adore ce morceau avec du banjo, « Days Of Rum », sur Ballads of Living and Dying. Je le trouve magnifique. Mes choix sont un peu éparpillés, ce sont surtout des morceaux ça et là qui ressortent, pour moi.
MN.: Faire ce genre de choix est de plus en plus en difficile, à nous deux on doit avoir une vingtaine d’albums…
J’allais justement vous demander vos albums préférés issus de vos propres discographies ?
MN.: Pour moi c’est July. Principalement parce que c’est l’album de mon « come-back ». Je n’avais pas eu beaucoup de chance auparavant dans le monde de la musique. Mon label m’avais virée, j’avais abandonné et je suis devenue enseignante, j’ai travaillé avec des enfants handicapés… Puis j’ai été signée sur Sacred Bones, Caleb Braaten m’a dit : « J’ai toujours aimé tout ce que tu as fais, je sortirai n’importe quoi » ! Mon cœur était en miette, je me suis mise en tête de faire le meilleur album possible. Je ne pense pas qu’il s’agisse de mon meilleur, mais il marque l’arrivée d’une « nouvelle moi ». Depuis, j’ai aimé tous mes disques, mais je suis incapable de réécouter ceux sortis avant.
SB.: Probablement White Silence de Cave In. C’est une vraie victoire pour le groupe. Après tout ce qu’on a traversé, c’est notre premier disque sans drama : pas de gros label pénible, pas de changement de line up… Un vrai moment de cristallisation pour un groupe en paix. C’est aussi, de la même façon que Marissa le décrivait avec July, un disque transitoire pour moi. Il a été conçu juste avant que je ne m’installe à New York. Et peut-être étais-je en train de réaliser qu’un grand changement allait survenir dans ma vie ? Avoir un pied à New York et l’autre dans le Massachussetts depuis a changé mon point de vue sur beaucoup de choses. Je considère encore aujourd’hui cet album comme un moment véritablement chaleureux et merveilleux avec Cave In. C’est aussi le dernier qu’on ait fait avec Caleb. Une œuvre unifiée du début à la fin, on était très impliqués, on avait une vision claire de ce qu’on voulait. Il aurait peut-être pu sonner un peu mieux, mais on a tellement kiffé l’enregistrer et jouer les morceaux dans notre studio de répet’. Ça apportait à l’intimité et au sens de l’amitié que l’on célébrait.
Un disque d’un groupe ou artiste avec qui vous êtes potes ?
(Silence)
MN.: Il y en a tellement… Tous•tes nos ami•es sont musicien•nes !
Si vous voulez faire leur promo, c’est le moment !
SB.: (Rires) Pour moi le choix est facile, et celui-là est pour toi Clément puisque tu portes le t-shirt. Converge, probablement avec Halo In A Haystack. Je ne sais pas si tu le connais ?
Le tout premier album, bien sûr !
SB.: Oui ! Aujourd’hui disponible sous le titre de Caring And Killing, mais avec un mix totalement différent de l’original. C’est vraiment celui qui m’a piétiné. D’ailleurs, quand je les ai découvert avec ce disque, ils étaient en hiatus (NdR: qui n’a pas dû durer très longtemps…). Ça leur donnait déjà un côté un peu légendaire dans la scène hardcore locale. Je n’avais jamais entendu une musique aussi heavy jouée avec autant de mélodies atonales, de signatures rythmiques spéciales, une voix aussi torturée pouvant être aussi accidentellement mélodique qu’accidentellement agressive. Une montagne Russe d’émotions. C’était incroyable, et je n’aurais jamais pensé avoir la chance de faire partie du groupe quand je les ai écoutés la première fois ! (NdR: Stephen a été bassiste de Converge de 1997 à 1998 et a participé à Petitioning The Empty Sky) C’était largement au-dessus de mes capacités, mais ça m’a poussé à jouer des choses plus tordues, plus lourdes ou plus émotionnelles. Cocher toutes les cases en quelques sortes.
MN.: C’est vraiment une question difficile. Je vais citer plusieurs noms. J’essaye de m’entourer de femmes fortes et créatives, et d’hommes évidemment. Impossible de n’en choisir qu’un•e. Angel Olsen est formidable. On s’est rencontrées en 2005, on jouait dans un sous-sol à Chicago. Je suis ravie de voir où elle en est arrivée aujourd’hui, et j’adore son nouvel album. Emma Ruth Rundle, Chelsea Wolfe, Sharon Van Etten, Jessica Pratt, Lingua Ignota également… Shout-out à ces charmantes dames ! Ma liste est interminable… Nous vivons une époque où la sororité est plus que jamais importante. Et j’aimerais un jour concrétiser mon idée de grand cadavre exquis musical avec tout ce beau monde !
Un disque plaisir coupable inavouable ?
MN.: Je ne pense pas qu’on devrait avoir honte de quoi que ce soit ! Et surtout pas des disques qu’on écoute… J’adore Madonna, The Immaculate Collection a beaucoup compté. Je ne sais pas… Il y a de la place pour toutes les musiques, même la bubblegum pop qui te vide la tête.
SB.: J’aime vraiment beaucoup « The Middle » de Zedd, Maren Morris et Grey. (Il imite le refrain et éclate de rire). C’est sûrement un gros plaisir coupable !
MN.: Je crois que j’en ai trouvé un meilleur ! Eagles. J’emmerde quiconque pense qu’ils sont nazes, « Hotel California » est géniale ! Et c’est la première chanson que j’ai apprise à la guitare. Et j’apprécie Don Hanley qui a sauvé l’Étang de Walden dans le Massachussets, dans les 90s. Il a été à l’initiative d’un programme de protection de l’environnement. Donc n’oublions pas qu’il a sauvé un trésor national, lieu de naissance du transcendantalisme.
SB.: Je dirai que les Eagles sans Joe Walsh peuvent être considérés comme un plaisir coupable. Avec lui, OK, par contre le reste… Mais bon, si l’Étang de Walden est encore là grâce à Don Hanley, ça passe !
Un disque dont vous n’avez pas honte, mais qu’on ne s’attendrait pas à retrouver dans votre discothèque ?
(Silence)
MN.: Steve, toi d’abord !
SB.: Je jette un œil à ma collection… Un best of de Tom Jones ? Ma grand-mère était fan ! Elle l’a vu six ou sept fois en concert… (Il prend la voix de sa grand-mère) « À chaque fois je dansais sur les tables, les culottes volaient sur scène ! » (Rires)
MN.: J’ai du mal à choisir… On a déjà parlé de Hole mais peut-être que les gens ne s’attendent pas à ce que je sois fan de l’album précédant Live Through This, Pretty on the Inside, qui est très vulgaire et fun. J’écoutais « Teenage Whore » et « Garbadge Man » en boucle, des morceaux très punk rock. C’était de l’anxiété pure, parfait pour l’ado paumée que j’étais.
Le disque que vous écoutez en boucle en ce moment ?
SB.: Mon album de l’été, c’est le nouveau Hum, Inlet.
MN.: Je le note de suite, pour la coolness. (Rires)
SB.: Il m’arrive de sauter quelques chansons, mais « Desert Rambler », « The Summoning », les titres d’ouverture et de clôture, sont excellents. Ça aurait très bien pu être leur premier album. Je me suis penché sur leurs débuts, mais ce n’est pas vraiment nécessaire, cet album fait très bien l’affaire ! J’espère qu’ils continueront d’évoluer.
MN.: Aïe aïe aïe, je ne sais pas… Le disque de l’été ? Je peux ne choisir qu’une seule chanson ? J’ai beaucoup écouté « Drive » des Cars. J’aimerais vraiment la reprendre !
Votre dernier disque acheté ou acquis ?
SB.: Il se trouve que je suis passé acheter des disques pour la première fois depuis un moment. Un premier stade de « retour à la normale » pour moi. La pêche a été bonne, et j’ai choppé Country Life de Roxy Music en vinyle. J’avais du retard avec ce groupe, même si je suis fan des travaux de Brian Eno depuis un moment. Mais maintenant ça y est, je l’ai !
MN.: En ce moment j’achète beaucoup du numérique sur Bandcamp pour soutenir mes ami•es. Mais le tout dernier disque que j’ai acheté est un album d’Erik Satie, puisque j’apprends le piano en ce moment. Tout le monde m’a dit que c’était le top. En ce qui concerne les nouveautés, je suis preneuse de vos listes !
Et pour terminer : team CD’s, team vinyles, team cassettes ou team streaming ?
MN.: Vinyles ! Pour les artworks et la fidélité du son.
SB.: Je suis un gamin des 70s et mes premières écoutes se sont faites sur vinyles. J’ai refait l’expérience encore récemment, c’est comme si la distorsion créée par le diamant de la platine mettait le feu à la musique. Ce que ne permet pas le streaming.
Droneflower, album collaboratif de Marissa Nadler et Stephen Brodsky, est sorti en avril 2019 chez Sacred Bones. Vous pouvez l’écouter ICI. Comme évoqué dans cette interview, un deuxième est en préparation.
Propos recueillis par Clément Duboscq
La playlist :