New noise présente “Chacun Mes Goûts”, une série limitée de discussions où groupes et artistes habitués de nos colonnes nous parlent de leurs disques de chevet. Aujourd’hui, ce sont Javier Varela et Lad Agabekov de Nostromo qui se prêtent au jeu…
Le premier disque en votre possession ?
Javier Varela (chant) : The Goats, Tricks Of The Shade. Je venais enfin d’acheter ma propre chaîne hi-fi avec de l’argent soigneusement mis de côté pendant des mois et un pote m’avais conseillé cet album, en pleine période fusion, hip-hop, éveil social et politique. Je l’ai réécouté récemment et j’ai trouvé le cynisme des paroles tellement d’actualité par rapport à la situation actuelle aux États-Unis.
Lad Agabekov (basse) : Le premier disque ever ? Et bien je pense que comme beaucoup d’ados dans les années 80, c’est Thriller de Michael Jackson. En vinyle !
Un disque qu’écoutaient vos parents ?
JV.: Mes parents n’écoutaient pas vraiment de disques, plutôt de vieilles émissions de télé avec de la bonne variété 80s française. Bisous Michel Drucker ! Du coup, Herbert Léonard, Daniel Guichard ou Sylvie Vartan n’ont plus aucun secret pour moi.
LA.: Mon père avait une très belle collection de jazz, j’ai le souvenir d’un album de Sonny Stitt et Paul Gonsalves, Salt & Pepper avec Hank Jones au piano… Il écoutait également assez souvent Stan Getz dans sa période bossa. On retrouve un peu ces influences dans mon jeu de basse dans Nostromo, n’est-ce pas ? (Sourire)
Un disque qui vous a fait découvrir le metal et ses dérivés ?
JV.: Agnostic Front, Liberty & Justice For… En pleine éruption «punk», avec les sorties de chez Bondage (Bérurier Noir, Ludwig Von 88, etc.) ce disque m’a mis une claque, aussi bien de par sa brutalité que sur le plan technique. Je n’avais jamais entendu un batteur jouer comme ça et des riffs aussi agressifs. En plus, leur look était bien menaçant. La totale pour faire flipper les parents.
LA.: WASP, Live… in the RAW en 87. J’avais 12 ans hein ! Un pote en Croatie m’avait fait découvrir le groupe. Je m’étais acheté la K7 et je l’ai écoutée en boucle avec mon frangin pendant tout l’été, notamment le morceau « I wanna be Somebody » ! Ensuite, d’autres chefs d’œuvres comme Saxon avec Rock The Nations. Suivi logiquement, comme tout le monde le sais très bien, par mon groupe préféré : Whitesnake et son album sans titre. Voilà c’est dit, c’est fait, que ces phrases restent à jamais présentes sur la toile et que ma progéniture me renie à tout jamais ! Non je plaisante, de supers disques.
Un disque qui vous a donné envie de faire de la musique ?
JV.: Mr Bungle. L’OMNI. Au collège on écoutait ça en boucle. Ce disque nous a fait réaliser qu’il était possible de mélanger des genres musicaux aussi diamétralement opposés et de les enchaîner de façon à ce que le résultat sonne. Bon, on n’a jamais réussi à être aussi précis qu’eux, mais ça nous a ouvert à tellement de musiques autres que le punk, le rock, le hard rock de l’époque. On est quand même la même année que les Guns N’ Roses avec Use Your Illusions et les Red Hot Chili Peppers avec Blood Sugar Sex Magik.
LA.: Iron Maiden, Live After Death ! Même période. C’est vraiment un condensé du meilleur de Maiden. Et, un peu après, Metallica, en 88, …And Justice For All qui est pour moi leur dernier bon disque avant le déclin.
Le meilleur album de tous les temps ?
JV.: La question à laquelle il impossible de répondre… J’ai quand même une affection toute particulière pour London Calling des Clash. Il me procure toujours des émotions et du plaisir, même après autant d’écoutes. Une vraie maîtrise de la mélodie, et quand même ce côté punk.
LA.: Le meilleur disque de tous les temps ?! Aïe… Il y a en tellement. On va dire Talk Talk, Spirit of Eden. Tout est beauté et subtilité dans ce disque, avec ce mélange incroyable de sonorités, de silence et d’émotion. La générosité des compositions, la pureté et la fragilité du son, tout me touche énormément. La petite anecdote qui me plaît particulièrement c’est que l’A&R de chez EMI a pleuré en l’écoutant, non pas à cause de la beauté de la musique mais parce qu’il savait que ce disque allait être un bide commercial. De fait, ça chiale…. Art vs Business.
Votre disque grind incontournable ?
JV.: Nasum, Human 2.0. En souvenir de Mieszko, de la tournée française Napalm Death/Nasum/Nostromo et pour hargne dégagée par ce disque. Du grind qui sonne, qui blaste, avec une esthétique qui change et des textes bien torchés.
LA.: Napalm Death évidemment ! Scum… Hommage aux patrons avec le morceau « Scum » et cette intro à la basse ! Honnêtement, vu ce qui a été dit précédemment et mes références de l’époque, je t’avoue que je me suis mis au grind un peu plus tard… Vers 97 en fréquentant Jérôme et Mike….
Votre disque metal incontournable ?
JV.: Pantera, Vulgar Display Of Power. Réussir à envoyer des riffs qui groovent à ce point, une voix qui te saute à la gueule et tout ça super tight, c’était impressionnant. Le mix parfait entre brutalité, groove, précision et son… qui a tout de même même un peu vieilli, surtout pour la batterie, pas très naturelle. Puis les vidéos qui ont suivi et leur concert à Moscou : c’était la première fois qu’on voyait un groupe associer la hargne du hardcore/punk, dans l’attitude du chanteur, et le gros son du metal. Tout ça dans un stade survolté.
LA.: J’hésite entre deux albums de Morbid Angel, mais je dirai Domination qui a fêté ses 25 ans cette année il me semble. Ce disque est une tuerie qui, mis à part le son, n’a pas pris une ride au niveau de l’originalité des riffs et de l’énergie brute qui s’en dégage. Et David Vincent est juste un killer. Et en 2ème position, Breach, It’s Me God. Ah, et en 3ème, Meshuggah, Destroy Erase Improve. ET EN 4ÈME… non, OK, ça suffit.
Votre disque hardcore incontournable ?
JV.: Catharsis, Passion. Dernière date de notre première tournée en France, on avait joué à Toulouse dans une cave, après avoir mangé des pâtes sauce ketchup avec des assiettes en plastique cassées en guise de fourchettes, on s’est dit qu’on allait directement tracer la route pour rentrer, parce que la bouffe était un bon avant-goût des conditions pour dormir. Un pote nous avait donné cet album qui venait de sortir. Je me suis réveillé à l’arrière du van et j’ai rejoins le conducteur pour lui tenir compagnie. On a inséré le CD dans le lecteur au moment même où le soleil commençait à se lever, puis on l’a écouté en regardant la route défiler. Un moment tellement épique.
LA.: Turmoil ! The process of Avec le morceau « Playing Dead » ! On avait découvert le groupe au Superbowl of hardcore en 1999. J’aime toujours écouter ce disque, malheureusement ils n’ont pas fait grand-chose après.
Votre disque d’un groupe ou artiste suisse incontournable ?
JV.: Knut, Bastardiser. Les copains, la base, les origines de ce qui nous a construit et fait avancer. Le premier album sur Snuff, leur label. C’est la famille.
LA.: The Young Gods ! On a de la chance d’avoir un groupe comme eux en Suisse. Ils ont la classe, ils ont toujours fait preuve de sensibilité, d’humilité artistique, et c’est ce qui me touche particulièrement chez eux. Leur dernier album Data Mirage Tangram est incroyable. Et vu que je suis aussi ingénieur du son, je vous conseille son écoute sur un vrai système, pas un laptop ou un iphone. Dynamique, stéréo, tout y est ! Pas étonnant, ils ont fait mixer leur disque par Alan Moulder, dont j’apprécie particulièrement le travail.
Pour Javier: un disque avec ton/ta chanteur•euse préféré•e ?
JV.: Songs For The Deaf de Queens Of The Stone Age. Josh Homme : quelle classe, quelle finesse dans sa voix. J’en suis jaloux, mais il faudrait que je prenne des cours de chants pour en arriver là.
Pour Lad: un disque avec ton/ta bassiste préféré•e ?
LA.: Évidemment, Les Claypool de Primus, avec Sailing The Seas Of Cheese. Puis Jaco Pastorius et son album sans titre… En ce qui concerne le metal, Alex Webster de Cannibal Corpse, avec Torture. Et chez les dames, les incroyables Esperanza Spalding, avec Esperanza, et Sarah Murcia, une contrebassiste française, avec Eyeballing.
Le disque de Nostromo dont vous êtes le plus fier ?
JV.: Le prochain album, même si Ecce Lex est quand même lié à énormément de bons moments et qu’en le réécoutant on se demande comment on a réussi à composer et enregistrer certains morceaux.
LA.: Je dirais celui sur lequel on est en train de travailler. Sinon Ecce Lex et Hysteron Proteron les deux derniers avant notre split. Ces deux disques sont un condensé de ce qu’on était à l’époque et de ce vers quoi on tendait.
Un disque d’un groupe ou artiste avec qui vous êtes amis ?
JV.: Greg Laraigné, Story Tellers, True Believers.
LA.: Monkey3, The 5th Sun ! Je ne les connais pas beaucoup, on ne s’est croisés que deux-trois fois, mais il y a un bon feeling ! Et leur musique est excellente. À découvrir absolument également, l’album de mon très cher ami Christophe Calpini, OKT4V. Ça c’est pour les suisses, sinon en France j’aime beaucoup Rodolphe Burger, que j’ai la chance de connaître et avec qui je travaille.
Un disque plaisir coupable inavouable ?
JV.: Rosalía, El Mal Querer. Je n’ai jamais trop aimé le flamenco, sûrement parce que c’était un peu notre « pop vieillotte » durant nos vacances en famille en Espagne, mais là, ce disque m’a scotché. Elle est bluffante. C’est hyper catchy, très bien produit, ses clips, son esthétique, sa voix., tout est excellent. De fait, je me suis perdu sur 2-3 de ses lives sur YouTube et j’ai même écouté des classiques de Camarón de la Isla, Paco de Lucia, etc.
LA.: France Gall « Evidemment » sur l’album Babacar… Je ne m’épancherai pas la dessus, restons brefs !
Un disque que vous faites écouter à vos enfants ?
JV.: Queen, Greatest Hits. Mes kids écoutent vraiment leurs propres trucs – K-Pop pour elle, Twenty One Pilots pour lui, par exemple -, mais Queen nous fait tous tomber d’accord, c’est notre groupe en commun. C’est facile, au premier abord, mais hyper bien foutu et maîtrisé. Freddie quoi !
LA.: Figure toi qu’en ce moment ma fille Zoé, du haut de ses 12 ans, m’a demandé de lui faire découvrir le metal. Je lui ai donc fait sauter la case « WASP et Saxon », pour entrer directement dans le vif du sujet… Et elle adore « Scourge of Iron » de Cannibal Corpse et « Bleed » de Meshuggah ! Bon début non ?
Un disque que vous offririez à votre meilleur•e ami•e ?
JV.: Michael Kiwanuka, Kiwanuka. J’écoute pas mal de soul, Curtis Mayfield, Donnie Hathaway, Otis Redding, etc. Son premier album avait ce côté un peu vintage qui me faisait penser à toute cette période. Il dégageait une fraîcheur et une douceur super agréables. Je l’avais bien bien usé et avec ce dernier album on retrouve ce côté soul, mais plus maîtrisé, plus puissant.
LA.: J’offrirais différentes choses : Talk Talk, The Köln Concert de Keith Jarrett, ou encore le le requiem de Duruflé qui pour moi touche au sublime. Ou Breach, It’s Me God, le dernier album de Daughters You Won’t Get What You Want. Et Tony Allen & Jeff Mills, Tomorow Comes the Harvest. Choix généreux et variés. (Sourire)
Un disque que vous offririez à votre pire ennemi•e ?
JV.: N’importe quel album des Enfoirés. J’en ai des frissons rien que d’y penser.
LA.: « Despacito » ou « Taki Taki », je crois que ça se vaut non ?
Le disque que vous écoutez en boucle en ce moment ?
JV.: Mike Patton, Mondo Cane. Le charme désuet de tous ces classiques italiens revisités et réarrangés par ce génie, c’est juste magique. Du coup, je me suis même crée une playlist avec les originaux et d’autres classiques de Paolo Conte ou même Dalida.
LA.: Nick Drake, Five Leaves Left… Que dire de plus.
Le dernier disque que vous vous êtes procurés ?
JV.: Mike Patton & Jean-Claude Vannier, Corpse Flowers.
LA.: Je me suis offert en vinyle un autre album ayant marqué mon adolescence : Red, de King Crimson. « Starless » me fout toujours autant la chair de poule quand je l’écoute…
Et enfin: team CD, team vinyle, team cassette ou team streaming ?
JV.: Team Streaming pour tous les jours, en balade, au taff, et team vinyle pour l’objet, l’écoute à la maison et le son. Et team encodage de tous les CD que je n’écoute plus, qui traînent partout à la maison et que j’aimerais bien vendre ou ranger à la cave.
LA.: Vinyle pour le son et le kiff, mais vu mon emploi du temps de ouf, je dirais le streaming qui me permet de découvrir tellement de choses.
Narrenschiff, le dernier EP de Nostromo, est sorti en mars 2019. Vous pouvez l’écouter ICI. Interview du groupe dans new Noise #48.
Propos recueillis par Clément Duboscq
La playlist :