New Noise présente “Chacun Mes Goûts”, une série limitée de discussions où groupes et artistes habitués de nos colonnes nous parlent de leurs disques de chevet. Aujourd’hui, ce sont Marky Edelmann (ex-batteur de Coroner), Stefano Mauriello et Daniele Merico de Tar Pond qui se prêtent au jeu…

Le premier disque en votre possession ?

Daniele Merico (guitare) : …And Justice For All de Metallica. Je ne me souviens plus vraiment, je devais avoir 12 ou 13 ans et un peu d’argent de poche pour la première fois. J’avais trouvé le CD chez un disquaire. C’était monstrueux… Je ne sais vraiment pas quoi ajouter !

Stefano Mauriello (guitare) : Mes souvenirs sont flous également, ça devait être un album de Nirvana, probablement Nevermind. Mais la première fois que j’ai écouté « Smells Like Teen Spirit », j’ai su que je voulais jouer ce genre de musique. Marky va peut-être citer quelque chose de plus ancien… (Rires)

Marky Edelmann (batterie) : Bien sûr, étant donné que j’ai presque 70 ans… (NdR: 55 en réalité, Stefano éclate de rire) C’est en fait un disque qui figure encore aujourd’hui dans mon top 3 : Physical Graffiti de Led Zeppelin. Une amie d’enfance un peu plus âgée me l’avait offert pour mon 11^ème anniversaire, je crois. Elle m’a dit « Tiens on m’a recommandé ça, apparemment c’est pas mal« , et je n’avais jamais entendu parler du groupe. Je n’oublierai jamais ce moment ! Je l’ai posé sur la vieille platine de mon père et « WOW ! ». C’était la meilleure chose que j’avais jamais écouté, et encore aujourd’hui je l’adore. Surtout « The Rover »… Probablement dans mon top 2 des meilleures chansons du monde !

 

Un disque qu’écoutaient vos parents ?

S.: Ma mère n’écoute presque que du classique, il est donc difficile de ne citer qu’une œuvre ou une symphonie en particulier. Je sais que Bach et Beethoven sont deux de ses préférés. Et mon père écoute de la musique traditionnelle italienne.

D.: Mon père écoute beaucoup Pink Floyd. J’étais tombé sur le groupe un peu par hasard à ce moment-là, une découverte cruciale alors que je commençais juste à jouer de la musique, puis je me suis rendu compte qu’il connaissait déjà tout. Et pour ma mère, également beaucoup de musique italienne. Mais j’ai définitivement grandi avec la musique de mon père !

M.: Il me semble que mon père écoutait surtout des musiques militaires et des marching bands. (Rires) Quand à ma mère, je pense qu’elle a grandi avec Elvis et les versions allemandes de ses chansons. Comme mentionné plus tôt je suis très vieux, donc ça se situe autour des années 40-50. (Rires)

Un disque qui vous a donné envie de devenir musicien ?

S.: Eh bien, comme dit précédemment, « Smells Like Teen Spirit » a été un déclencheur pour moi. Je jouais déjà un peu de guitare classique, puis j’ai découvert qu’une guitare pouvait sonner « comme ça ».

D.: Nirvana également. Mais je choisirais plutôt In Utero. C’est l’album avec lequel je les ai découvert d’ailleurs.

M.: Pour moi c’est Alive! de Kiss. Après avoir découvert Led Zep, je suis devenu un grand grand fan de Kiss. Je n’avais que des posters d’eux dans ma chambre. Ma première copine était aussi une immense fan. Ça m’a vraiment motivé pour devenir une rock star ! (Rires)

 

La question à 1000 dollars : le meilleur album de tous les temps ?

S.: Et merde… (Rires)

M.: Tough one…  Par genre ? (Rires) Ce serait plus facile… Là, il est pratiquement impossible de choisir…. Bon, ce serait vraiment l’album de Led Zeppelin que je citais tout-à-l’heure. Mais il y en a plein d’autres !

D.: Je suis bien d’accord, trop dur de n’en choisir qu’un seul… Mais s’il n’en restait qu’un je dirais Acid Bath, Pagan Terrorism Tactics.

M.: C’est surprenant ! (Rires)

S.: (Grosse hésitation) Je ne sais vraiment pas… Peut-être Wish You Were Here de Pink Floyd. C’est du génie du début à la fin. Ça termine comme ça commence, et avec tout le concept autour, je ne peux que choisir celui-là. Et… Non, rien, je choisi celui-là ! (Rires)

Celle-ci sera peut-être plus facile : votre disque de doom metal incontournable ?

M.: Pour moi, sûrement le premier album sans titre de Saint Vitus. On les présentait comme la continuité de ce que faisait Black Sabbath dans les années 70, en plus extrême, ça m’avait attiré et j’avais accroché. En particulier « Burial At Sea », je ne sais pas combien de fois je l’ai écouté… Elle est si lente et extrême à la fois. Mais aujourd’hui je pourrais très bien citer Electric Wizard, que j’aime beaucoup.

 

S.: J’écoute du doom, mais bien moins que d’autres genres, à vrai dire… Je ne sais pas, je dirais peut-être un disque de Black Sabbath. Ou peut-être un vieux Neurosis ou Isis. Ce n’est pas vraiment doom, mais on y retrouve pas mal d’éléments du genre…. leur côté « sludge ».

 

D.: Je ne sais pas si c’est très représentatif du doom, mais je pense au groupe japonais Corrupted, n’importe quel album. 

Votre album de Coroner préféré ?

 (Rires généraux)

M.: Ils sont tous fantastiques ! (Rires) Peut-être No More Color…

D.: Ou Mental Vortex !

M.: Mais oui, Mental Vortex !

S.: Pareil !

Votre album de Celtic Frost préféré ?

S.: Le premier et le deuxième ! (Rires) Je dirais plutôt Morbid Tales.

M.: To Mega Therion est fabuleux. Dommage que Martin n’en a été que musicien de session, vu son talent de songwriter. Mais j’adore cet album, ainsi que Morbid Tales.

 

S.: Après réflexion, il faut que je me corrige : Monotheist est mon préféré. Ainsi qu’un de mes albums de doom préférés du coup !

D.: Oui, Monotheist aussi !

Votre disque d’un groupe ou artiste suisse incontournable ?

D.: Je choisi Mani Matter, chanteur très populaire en suisse qui n’a sorti que deux albums je crois. C’est très vieux !

S.: Pareil pour moi !

 

M.: Impossible de ne choisir qu’un album des Young Gods. Ils ont apporté tellement à la musique et ont tant changé de style tout au long de leur carrière. J’adore leur album acoustique, je ne pensais pas qu’ils y parviendraient dans la mesure où leur musique est par essence électronique. Je les adore, ils sont fantastiques.

 

Pour Marky : un groupe avec ton/ta batteur·euse préféré·e ? 

M.: Led Zeppelin ! (Eclats de rire)

C’était évident !

M.: Mais il y en a un autre quand même. J’aime vraiment beaucoup Stewart Copeland de The Police. J’adore son jeu sur Regatta De Blanc. Mais bien sûr, John Bonham est incroyable. La liste est sans fin comme tu l’imagines. Je pourrai te parler des heures de Dave Lombardo. En ce moment j’écoute beaucoup Car Bomb, et le batteur est excellent.

Pour Stefano et Daniele : un disque avec votre guitariste préféré·e ?

(Grand moment de réflexion)

M.: Bon, je vous laisse, à ce train j’ai le temps de fumer une clope ! (Rires)

D.: Je choisirais Isis avec l’EP The Red Sea, pour Aaron Turner.

S.: (Encore hésitant) Je répondrais peut-être Jerry Cantrell d’Alice In Chains. J’aime ce qu’il fait : pas trop technique, un bon son, de bons riffs. Il est aussi très bon en acoustique. Je choisirais donc Dirt ou Jar Of Flies. Certains ont remarqué l’influence d’Alice In Chains sur l’album de Tar Pond, j’en suis très heureux.

 

Et bien justement, un disque qui a influencé Tar Pond ?

S.: Chacun aura une réponse différente, on fait de la musique ensemble mais on n’écoute jamais rien ensemble, ni les mêmes choses. En ce qui me concerne, quand on était en studio j’ai pas mal bloqué sur les albums solos de Dax Riggs, le chanteur d’Acid Bath, surtout Say Goodnight To The World.

M.: Encore une fois, c’est difficile. Je pourrais répondre Black Sabbath, mais aussi Electric Wizard ou Goatsnake. Il y a tellement d’influences sur ce disque. Mais c’est typiquement en écoutant ces albums que je me dis « voilà exactement ce que j’aimerais jouer ». Quand j’étais dans Coroner j’étais un peu « forcé » de jouer des compositions rapides et compliquées. C’est devenu de plus en plus dur pour moi. Je ne veux pas constamment répéter, je veux prendre du plaisir à la batterie. Je pense donc que cette poignée de groupes a été particulièrement influente.

Un disque d’un groupe ou artiste avec qui vous êtes amis ?

M.: Pour moi, difficile de répondre ! Je me suis fait tant d’amis durant ces années de tournées… Je ne peux pas en citer qu’un seul. Celtic Frost, The Young Gods, Stefan Eicher… Des groupes américains, français… Je ne sais vraiment pas. Et vous les gars ?

S.: Mon petit frère Amedeo joue dans un groupe qui s’appelle In Love Your Mother, et j’aime ce qu’ils font. J’ai beaucoup d’amis musiciens, mais dans le tas il n’y a pas d’album que j’écoute régulièrement. Je vais à leurs concerts.

D.: Je te recommande The Great Ape Project, l’album d’In Love Your Mother, c’est très bien.

Un disque plaisir coupable inavouable ?

D.: Je l’attendais celle-là ! (Rires)

M.: Allez-y les gars…

D.: Je choisirais Bad de Michael Jackson. Est-ce un plaisir suffisamment coupable ? (Rires) PRÉSUMÉ coupable, je le précise ! (Pendant ce temps, Stefano scrolle sur son téléphone) Il explore sa playlist guilty pleasures… (Rires)

M.: Je remonterais jusqu’aux années 70, quand j’étais gamin j’adorais la chanson « Can’t Help » de Billy Swan. Je pense que c’est ce qui se rapproche le plus d’un plaisir coupable… Autrement, je n’écoute que de la bonne musique. (Rires)

S.: (Qui n’a pas interrompu son scroll) Je ne trouve rien… Oh si ! Chocolate Starfish and The Hot Dog Flavored Water de Limp Bizkit. (Daniele se marre) Je l’ai réécouté il y a quelques jours, certains morceaux sont putain d’incroyables. Wes Borland est excellent. On en dit ce qu’on veut, mais les musiciens de ce groupe sont vraiment bons.

Un disque que vous offririez à votre meilleur ami ?

S.: Je ne pourrais que recommander Patchouli Blue, le dernier album de Bohren & Der Club Of Gore, à n’importe qui, ami ou pas. À écouter seul et dans le noir. 

D.: Ah oui, je l’écoute moi-même au moins une fois par jour ! J’offrirais The Calendrical Cycle: Eye Of Earth d’Opium Lord, un groupe qui nous vient de Birmingham il me semble.

M.: Je viens en fait tout juste d’offrir un disque à mon meilleur ami et il s’agit de Monnos de Conan.

 

Un disque que vous offririez à votre pire ennemi ?

S.: (Rires) Voices de Wormrot ! (Daniele lève les poings au ciel) Pas parce que c’est à chier, mais parce que la toute dernière phrase qu’on entend sur le disque est « You are forever fucking dead to me ». Ce serait le message que j’aimerais faire passer !

D.: Je choisirais la même chose, c’est parfait ! 

M.: Je pense que certaines de mes connaissances deviendraient folles en écoutant n’importe quel album de Lightning Bolt, en seulement quelques secondes. Il se pourrait même qu’elles en meurent ! (Rires)

 

Le disque que vous écoutez en boucle en ce moment ?

D.: Encore Bohren, pour moi…

S.: Ruins de Grouper. Juste du piano et de la voix, c’est vraiment bon.

 

M.: Je n’écoute que du boogie woogie hillbilly en ce moment, mais pas d’artiste en particulier. J’écoute ça à la radio. Ça date surtout de la fin des années 50 et du début des années 60. Mais le niveau musical était incroyable. Ils avaient beau être fermiers, ils jouaient mieux que bon nombre de groupes d’aujourd’hui, mais la plupart sont restés totalement inconnus. 

Le dernier disque que vous vous êtes procurés ?

S.: Il y en avait plusieurs la dernière fois… You Fail Me de Converge et Daydream Nation de Sonic Youth.

 

D.: Moi c’était l’album de Tar Pond… (Rires) Stefano me l’a filé à sa sortie.

M.: C’était un il y a un petit moment., un disque du duo électronique allemand Deutsch-Amerikanische Freundschaft, ou D.A.F., qui a commencé la fin des années 70. Avec Coroner, on avait repris leur classique « Der Mussolini ». J’avais acheté les vinyles à l’époque, mais là je me suis procuré les versions CD de leurs deux albums de 1981 : Alles Ist Gut et Gold Und Liebe. Le chanteur, Gabi Delgado, est d’ailleurs décédé il y a quelques mois. Il était fantastique.

Et enfin : team CD, team vinyle, team cassette ou team streaming ?

S.: Je privilégie le streaming quand je me déplace ou quand je suis au boulot, mais la qualité du vinyle est inégalable.

D.: Vinyle ou CD, mais plutôt le second, c’est avec ça que j’ai grandi.

M.: Vinyle ! Mais j’avoue que j’écoute beaucoup de musique sur Youtube, j’aime regarder des images en même temps. Et je tombe sur des choses introuvables à l’époque.

 

Protocol Of Constant Sadness, le premier album de Tar Pond, est disponible depuis mars dernier. Chronique à lire dans new Noise #53 et interview dans new Noise #54, en kiosque mi-septembre.

 

Propos recueillis par Clément Duboscq

 

La playlist :

Tar Pond, le clip de « Please » :