Report : Roadburn 2017 (Tilbourg, Hollande)

Par Thierry Skidz, Émilie Denis et Pierre-Antoine Riquart, photos : Niels Vinck et Jostijn Ligtvoet.

Big Business (c) Niels Vinck

Un Roadburn cuvée 2017 placé sous le signe de la diversité, avec des invités tout aussi inattendus que bienvenus (Dälek, Trans Am, Oxbow, Perturbator, The Bug vs Earth, Youth Code…), preuve supplémentaire que le festival a dépassé depuis longtemps le simple événement stoner/doom/psyché, pour devenir une référence des musiques exigeantes et pointues. L’occasion d’en prendre plein les oreilles dans l’autre plat pays et d’échapper au battage médiatique des élections en ce week-end de premier tour. Report internet circonstancié… le poids des mots, le choc des photos.

 JEUDI

Gnod (c) Niels Vinck

On part du bon pied sur le black metal des Cascades d’Ash Borer, lignée Wolves In The Throne Room, qui réussit à savamment distiller âpre rugosité calleuse et opulence épique, en parsemant le tout d’ambiances brumeuses aux mélodies funestes. Très bon warm-up, au rythme assez soutenu. (T.S.)

Au même moment Wretch balance son stoner doom gras dans l’ancienne chapelle du Her Patronaat, mené par le guitariste chanteur Karl Simon, ancien The Gates Of Slumber. Dans une veine très Wino, il se fend de la reprise du « Winter » de Judas Priest puis d’une autre de Motörhead, « Sweet Revenge », histoire de se mettre l’auditoire dans la poche. C’est inutile puisque sa musique se révèle déjà une parfaite entrée en matière, les premiers festivaliers arrivés headbangant dès leur entrée dans la salle.

S’ensuit Alaric dans la Green Room, très attendu en ce qui nous concerne tant End of Mirrors a su revenir sur notre platine. Sous influence Amebix et Joy Division, et originaire d’Oakland comme Neurosis (le dernier album est sorti sur Neurot), il procède de la même approche tribale et froide que ses aînés à leurs débuts, une bonne dose de mélodie en sus. Basse cold wave en avant, projections géométrico-psyché noir & blanc, bonnes compos (le superbe « Mirror »), mais au final un set qui peine à décoller, les musiciens ne semblant pas se lâcher tout à fait. (Ém.D.)

On part se dérider avec les caustiques Those Poor Bastards, le genre de truc qui doit pulluler aux États-Unis, mais qui constitue toujours une curiosité de ce côté de l’Atlantique. Adepte d’un alt-blues grinçant plus que d’une alt-country bio, ce divertissant duo guitare/batterie au look de prêcheur méphistophélique enquille une belle flopée de chansons courtes entre Hank Williams III et les délires de l’impayable Mojo Nixon ou même les géniaux Butthole Surfers sur de très bons titres plus déviants et groovy. Pour déconner, on aura aussi droit à un morceau BM et un autre doom batterie/synthé avec une voix à la Alice Cooper. Il se murmure que Jello « DK » Biafra serait le curateur l’an prochain. Peut-être aurons-nous la joie de voir Mojo Nixon en personne, voire même Lard. On peut toujours rêver.

Side project de deux membres d’Ash Borer (dont le sosie de Dan Lilker, en plus gras, évidemment à la basse) accompagnés d’un chanteur à la voix de prêtre sidérurgiste, Vanum s’adonne à un BM plus brut et intense malgré de longues plages quasi cold wave aux superbes mélodies. Malheureusement, leur set, qui se déroule dans la salle du bar de l’Extase, pleine comme un œuf, est handicapé par un son où surdominent la basse et la batterie, surtout quand celle-ci passe la double, broyant toutes les guitares dans un déluge drum’n’bass. (T.S.)

Coven (c) Jostijn Ligtvoet

On passe voir le dernier morceau d’Esben And The Witch, soit les quinze minutes menaçantes de « The Jungle » appuyées d’une batterie tribale et de la voix magnifique de Rachel, puis c’est l’heure de la tête d’affiche du premier jour : Coven, groupe culte et vague pendant féminin de Black Sabbath (plus dans l’image que dans la musique) – en fait, on a devant nous la chanteuse Jinx Dawson entourée de nouveaux musiciens. Les ancêtres de Ghost et autres groupes shock-rock ont soigné leur arrivée (pas loin de Spinal Tap lorsque la blonde de presque soixante-dix ans émerge de son cercueil) mais musicalement tout ceci reste bien faiblard.

Sur la grande scène, SubRosa enchaîne le premier de ses deux sets et – surprise – convainc. Il faut dire qu’on gardait un souvenir particulièrement douloureux de leur passage au Hellfest en 2014 (notamment à cause des lignes de chant massacrées). Leur musique épique, largement issue du dernier disque For This We Fought the Battle of Ages et portée par les violons, emporte cette fois le public de la grande scène. C’est décidé, on retournera les voir au Hellfest 2017. (Ém.D.)

Après une excellente entrée en matière sur « Into the Spiral » en total mode noise de camionneurs entre Unsane, Barkmarket, early Helmet et early Bongzilla, (ce son de basse massivement fuzzy !), Unearthly Trance se perd sur des titres beaucoup plus décousus. Leur violence gratuite peine méchamment à rebondir sur la sécheresse des riffs. Ce ne sera quand même pas complètement perdu puisque le trio de Brooklyn nous offre encore au moins deux morceaux killers, d’abord dans une veine noise tractosaure à la Årabrot, puis un magnifique stoner noise cramé chanté avec une voix à la Dave Wyndorf.

Retour au Patronaat pour voir et surtout écouter Rome, projet dark folk/indus du Luxembourgeois Jérôme Reuter, parfaitement à sa place dans cette enceinte protestante, comme Michael Gira ou King Dude en leur temps. Mais Reuter n’est pas venu en solo, un batteur et un second guitariste viennent renforcer l’interprétation d’excellentes compos dark folk, soutenues par des infra-basses ambient indus. Parfaite pause à déguster depuis le petit balcon cosy où sont servies les bières spéciales, créations originales de Mysticum associé à une brasserie flamande de qualité, avant d’enchaîner sur Wolves In The Throne Room qui se sont visiblement remis au black metal (même si leur projet ambient-drone 100 % synthé, Drow Elixir, jouera aussi dans la nuit) et n’ont pas perdu la main (ni leurs lasers bleus), surtout pas le batteur, toujours aussi incroyable. Super set, quelques nouveaux titres, des vieux qui percutent la rotule comme jadis. Retour sur le trône. (T.S.)

Puis on file à l’Extase voir le duo texan Pinkish Black : de derrière des synthés s’échappe une musique entre goth et psyché avec une voix mélodique pouvant rappeler Brendan Perry. Très statique, leur prestation ne s’appuie que sur une ambiance enveloppante et litanique qui sait récompenser ceux qui ont persévéré : vu la capacité de la salle et la hauteur de la scène, il faut vraiment s’y prendre en avance pour voir les groupes qui jouent là-bas ou dans le Cul de Sac. (Ém.D.)

Premier jour et premier set de Gnod, invités à jouer tous les jours avec des line-up différents. Ce soir, ce sera un set total electro-noise avec trois musiciens aux machines, un autre aux spoken- words. Le premier « morceau », sub-bass music typiquement british qui rassemblerait Jah Wobble, Techno Animal et Coil, emporte tout sur son passage. Malheureusement, tout part en couille les 50 min restantes du set, triste bouillie electro nawako-noise aux basses telluriques qui feront fuir la moitié de la salle. Même Saint Johannes dont le vitrail doit méchamment trembler à 3 m des enceintes fait un peu la gueule. (T.S.)

Dälek (c) Niels Vinck

Jamais vu une queue pareille pour entrer dans le Patronaat que pour ce show de Dälek ; preuve que l’ouverture du festival vers une plus grande diversité est un succès total. Les heureux qui ont pu pénétrer dans l’antre auront la chance d’assister à un excellent set noise-rap et de voir Walter, boss du fest, danser comme un damné. (T.S. & P.-A.R.)

Catégorie stoner-noise pour truckers, difficile de passer à côté de Scissorfight, vétérans du label Tortuga (sous-division de Hydra Head) et dignes représentant d’un lifestyle redneck du Nord, mi-bikers mi-bûcherons (New Hampshire represent). Nouveau batteur et surtout nouveau chanteur (bye bye Ironlung, bienvenu un clone) qui font plutôt bien illusion. On retrouve ce son ultra-massif si caractéristique, les riffs rock’n’roll rustique et ce groove de camionneur qui sied à merveille aux compos qui tiennent autant de Clutch que de Moistboys, même si c’est toujours à peu près le même topo, en plus ou moins bon.

Après s’être assaisonnés comme des porcs tout l’après-midi, Bongzilla, maîtres incontestés du THC-core, débarquent dans un nuage vert, finissant tranquillou leurs joints et proposant à toute la salle d’en allumer à loisir – sans tabac surtout, c’est leur message de santé publique. Seuls quelques braves s’y risqueront, ce qui scandalisera les quatre reformés du Wisconsin. Ce soir, ils jouent leur fabuleux album de 2002, Gateway, dans son entier et dès les premières notes de « Greenthumb », s’abattent 38 tonnes de glaire crayeuse, de groove animal et de riffs turgescents (« Stone A Pig », « Hashdealer »), pégueux comme la chique, du genre à pénétrer le corps calleux aussi aisément que le soc de la charrue dans la terre meuble de l’automne, pour ne plus jamais s’en retirer. Du Muddy Waters saignant, grillé à point sur un mur de barbecues Orange et Green, c’est bien suffisant pour former un groupe de formidables pouilleux et marquer les tympans au fer rouge. Plaisir total. (T.S.)

 

VENDREDI

Zeal & Ardor (c) Niels Vinck

Beherit + Coil ou Abruptum + Scorn ou Satanic Warmaster + Skullflower = sub-bass terror sur un lit de blast beats = rude p’tit déj’. C’est presque à jeun qu’on arrive pour se faire sécher par Mories aka Gnaw Their Tongues, aujourd’hui à la basse cinq cordes, grognements et hurlements divers, accompagné de sa copine aux machines. Ses amples et riches compos fonctionnent très bien avec ce line-up sur les titres les plus minimalistes, ambient-indus et downtempo, un peu moins sur le black-noise orchestral qui sonne un peu trop punk gabber. (T.S.)

King Woman se révèle impeccable instrumentalement, dommage que le chant poussif de Kristina Esfandiari vienne tout gâcher. On essaye d’y croire, surtout lorsque « Burn » résonne, mais non, ce groupe ne convainc vraiment que sur disque. En revanche, dès le songeur et mélancolique « Sunday Driver » tiré de son premier album, True Widow nous transporte au son d’un slowcore doom hanté, tantôt chanté par le guitariste Dan Phillips tantôt par la bassiste Nicole Estill appuyés du métronome Timothy Starks à la batterie et donne le meilleur concert qu’on ait vu d’eux. (Ém.D.)

Direction planète Kobaïa. Presque une heure et demie de set pour Magma qui aura le temps de déployer le vaisseau-amiral « Mekanïk Destruktïw Kommandöh » et plusieurs extraits de Theusz Hamtaahk. Si, en 2014, la chorale de voix stellaires nous avait particulièrement rebutés, cette fois, elle nous aura transportés dans leur monde grâce à leur scat de sirènes intersidérales à l’enchanteresse étrangeté. On aura même droit à un étonnant solo vocal de Vander pour finir, tour à tour crooner western tout en yodle, halluciné fondu du village et griot kobaïen. Un voyage jazz-prog rétrofuturiste un poil anachronique, mais on se dit que la planète Magma conçue par Druillet VS la planète Pink Floyd par Moebius dans le fantasme avorté du Dune de Jodorowsky, ça aurait quand même eu une sacrée gueule…

Honnête groupe hard rock psyché rétro-culte du New Jersey, Ruby The Hatchet se distingue de la masse (autrefois, on croisait ici ce genre de groupe par paquet de douze, beaucoup moins maintenant) par une solide chanteuse et surtout un orgue psychotronique diabolique à la Danava dont ils ne poussent malheureusement pas les potards aussi souvent, ni aussi loin que leurs congénères de la côte Ouest. Pour une fois, on a réussi à se faufiler dans le bar de l’Extase malgré une longue attente, même pour ce genre de petits groupes. Pour voir Batushka ou Zhrine (qui ne sont quand même pas les plus grands groupes de la Terre, ni la dernière sensation en vogue) au Patronaat, les files d’attente sont aussi impressionnantes que rédhibitoires… (T.S.)

Oathbreaker (c) Jostijn Ligtvoet

Sur la grande scène, Oathbreaker fait la part belle aux titres de son dernier album Rheia et donc à un black metal bipolaire ponctué d’accalmies où la chanteuse Caro, dissimulée derrière ses longs cheveux, délaisse les voix gutturales pour évoquer Björk avec des morceaux comme « Second Son of R. » ou « Being Able to Feel Nothing ». (Ém.D.)

À voir Big Business en 2017, on se dit que Karp n’est pas si loin finalement. Sinon le duo fait une nouvelle fois la démonstration « que la guitare dans le rock, ça sert à rien ». Contrairement à la voix de stentor qui rattrape à chaque fin de morceau les gens sur le départ, à grands coups de « Hey, te barre pas, le prochain est pour toi ! » Et ça marche. En plus de la maîtrise vocale parfaite de Jared, le Big Biz semble avoir acquis une nouvelle dimension par son aptitude à orchestrer parfaitement des ambiances particulières à chaque morceau. Chapeaux bas. (T.S.)

Chelsea Wolfe livre une interprétation impeccable mais aux allures plus froides et indus façon Nine Inch Nails, impression sans doute accentuée par la distance (on a l’habitude de la voir dans des configurations plus intimistes). Le trio italien Zu et son saxophone en lieu et place de guitare nous assène bientôt la claque noise free rock de la journée avec sa musique ultra-physique entre metal, no-wave et math-rock… (Ém.D.)

T’en veux du crunchy ? T’en auras plus que de raison…. Preuve qu’une Telecaster peut sonner goulûment grasse tout en gardant une formidable attaque, bien rêche. Whores. (et son logo de poubelle dorée) attaque très fort et ne rendra jamais les armes avant reddition complète de la totalité du public. Barkmarket VS 16, noise intense, sludge castagneur, hardcore abrasif, tout ce que tu veux, tant que ça reste tendu : Whores. le prend et le fait sien, avec un batteur brut de chez brutasse et deux autres sauvages qui se démènent comme des démons en sueur. Aussi bons sur scène que sur disque. Et big up au vieux DJ qui passe du super latin jazz éthiopien entre Big Biz et Whores., comme à l’infatigable accordéoniste qui joue tous les soirs dehors, dans la rue rebaptisée Weirdo Canyon.

Gnod sort les instruments pour son set du jour : deux guitares, deux basses, une batterie et son ancien chanteur, Neil Francis (parti bambouler chez Terminal Cheesecake), de retour au micro et au Moog. Toute la troupe s’entend pour déverser une psyché-noise lourde, abrasive et martelée, sans aucune concession, à l’image de la veille et de leurs derniers albums. Un concassage brutal qui aurait vite pu s’avérer indigeste si leur excellent batteur ne faisait pas tout ce qu’il faut pour que ce mur de parpaings continue de groover à mort dans une totale hypnose, fixé sur le slogan vidéo répété en boucle : « Just say no to the psycho right wing capitalist fascist industrial death machine ». (T.S.)

Les très attendus Zeal & Ardor nous font le coup de la panne. Au bout de quatre morceaux, leur sono lâche, interrompant le concert. Le groupe s’éclipse puis revient, mais rebelote. Un peu frustrant pour le public qui se montre compréhensif et applaudit, mais n’a qu’entraperçu les vertus live du mélange gospel/black metal. One-man band sur disque, Manuel Gagneux s’est entouré d’une bassiste, d’un guitariste, d’un batteur et de deux choristes mais avouera au public, tout confus, qu’il s’agit seulement de son quatrième concert en tant que Zeal & Ardor. (Ém.D.)

Démonstration tout en nerfs et en muscles de la part de Fange dans l’Extase, malaxant sludge, noise-core, skin-core, death gras, black à cru, harsh noise et power electronics. Un set killer dont la fin sera accueillie avec un profond soulagement par l’ingé-son à la console.

Triste de voir le peu d’enthousiasme soulevé par Integrity qui peine à remplir cette grande salle de 3000 places, pour le coup bien vide pour accueillir ces pionniers du hardcore-metal, faut-il le rappeler ? Dans les gradins très clairsemés, tout le monde reste assis. Dwid et son groupe, recruté ces dernières années (sans l’ex-Gehenna, Robert Orr, remplacé par le guitariste canadien Domenic Romeo, ex-Day Of Mourning, Slumlords, Pulling Teeth, et boss du label A389), n’en ont visiblement rien à carrer et délivrent un set punitif de bout en bout, plein de haine radioactive et de rawk sale, alternant classiques (« Rise », « Hollow ») et nouveaux titres, hardcore rapide, tough guy, holy terror, crust, hardrock festif (« Into the Night »), metal lourd et solos WTF dignes d’attendrir Trey Azagthoth de Morbid Angel. En plus d’une ambiance proche de la glaciation (à part une cinquantaine de fans hardcore en transe devant la scène), le son est hyper changeant suivant où l’on se trouve. Dans la fosse est servie de la bouillie, mais depuis le balcon, on a la joie d’assister à une guerre thermonucléaire (la distance étant quand même embêtante côté contacts, chaleur humaine et baffes dans la gueule), à mille lieues du set boiteux délivré par un ramassis de bras cassés que l’on pouvait redouter. Grand moment malgré tous ces bémols, c’est dire le niveau de la performance. Mention spéciale « pure incandescence » aux titres les plus mid-tempos, rock’n’roll et même bluesy, comme ces fabuleuses versions allongées de « Jagged Visions of True Destiny » et « Incarnate 365 ». Super concert et une excellente surprise qui donne envie de se replonger dans la copieuse discographie du groupe de Cleveland en attendant le petit dernier à venir cet été sur Relapse.

Auðn est le seul des groupes de black metal islandais qu’on aura la chance de voir ce week-end, puisqu’ils sont tous programmés en dehors du 013, d’où des queues de cent pieds de long… Bien dommage, car cette jeune scène hautement consanguine souffle un petit vent d’air frais sur le genre, sans corpsepaint, ni sang de porc caillé, juste des costards cintrés. Même si on aurait peut-être préféré voir Naðra ou le show-surprise de Misþyrming au Cul de Sac le lendemain (qui avait l’air très bien depuis le baby-foot), avec Auðn, on ne sera pas non plus tombé sur les plus mauvais. L’impression d’écouter du Envy BM sur disque se confirme en live, avec de belles mélopées scandinaves garanties 100 % pagan, alliées à une force de frappe certaine et des arrachées laryngiennes de haute volée. (T.S.)

Perturbator ravit une salle remplie à ras bord et totalement dévouée, avec un set massif, agressif, limite electro punk. Parfait pour terminer. (P.-A.R.)

SAMEDI

Oranssi Pazuzu (c) Niels Vinck

Warm-up en douceur avec le surprenant duo formé par Dylan Carlson (Earth) et Kevin Martin (Ice/God/Techno Animal…) aka The Bug. Pas franchement une bonne surprise pourtant, par rapport au disque déjà très moyen. Cette association entre la carpe et le lapin ne fonctionne que très modérément et beaucoup trop rarement. Martin laisse pourtant beaucoup de place à la guitare de Carlson qui n’a pas l’air de savoir qu’en faire, perdu sur cette grande scène.

Le marathon peut commencer dans la joie et l’allégresse du Patronaat avec le set karaoké de Razors In The Night, groupe monté pour l’occasion par John Baizley de Baroness (curateur de cette journée) et Scott Kelly de Neurosis, accompagnés d’un autre membre de Baroness et d’un roadie commun aux deux groupes. Le but est de reprendre quelques-uns de leurs hymnes punk-rock favoris, et susciter moult sing-along en retour. Histoire de tuer le suspense, le set débute par une excellente doublette de Blitz évidemment (« RITN » + « New Age »). Suivront « Borstal Breakout », « ACAB » (voir Scott Kelly chanter du Sham et du 4-Skins ou jouer du Discharge mid-tempo est un plaisir !), « Sick Boy », « Skulls » et deux Ramones (« Commando » + « 33rd & 3rd »). On quitte la salle entre deux Stooges et deux Minor Threat.

Si Integrity aura été la grosse bonne surprise du fest, Oranssi Pazuzu n’en sera que la petite déception. Leur programmation au Patronaat l’année dernière avait frustré bien des gens restés bloqués dehors, et créé trop d’attentes sans doute… Enfin, le groupe n’a pas non plus choisi une setlist particulièrement bandante, délaissant les morceaux les plus mordants de son répertoire au profit de virées plus languides et atmosphériques aux intros/outros parfois interminables. On appréciera quand même les parties les plus intensément psychédéliques et BM sauvages de titres comme les hallucinants « Saturaatio » et « Vasemman käden hierarkia ». Idem pour les lessiveuses « Vino Verso » et « Olen Aukaissut Uuden Silmän » et on se dira que, décidément, ces Finlandais imbibés de rock 70s ont dû bouffer du Floyd période Barrett à haute dose. Mais aussi que les psylo sont sûrement de qualité supérieure dans ce pays.

Le set de Gnod du jour est une collaboration avec le duo violon/machines Kuro. On n’en verra que la fin, toujours aussi duraille et monolithique, avec un violon qui peine à émerger de ce socle de béton armé. (T.S.)

Le duo d’anciens coreux Youth Code assène son EBM purement nostalgique à base de voix saturées façon Skinny Puppy et de programmations indus avec une chanteuse hargneuse et énergique. (Ém.D.)

Même si le top serait de les voir en drive-in, c’est un grand plaisir d’écouter Trans Am jouer son math-rock trance-laser au Patronaat, condensé de post-rock cramé et de synth-wave aux embardées spacey, à la croisée de The Fucking Champs, Kraftwerk, Battles et Devo. Sebastian Thomson, également batteur de Baroness, est juste parfait, balançant un groove à la fois tout terrain et autoroutier, offrant un confort de route maximal en toute situation. Old tennismen rule.

Space rock overdrive, black metal désossé, noise élastique, krautrock tribal aux rythmiques infernales, souples et fermes comme la trompe d’un éléphant, Aluk Todolo nous aura tout fait, déployant son excellent dernier album, Voix, avec vigueur et passion. Même si la seconde partie du set est plus détendue, bordélique et décousue, mais cool comme du Rallizes Dénudés.

Disfear (c) Niels Vinck

Meilleure ambiance du fest, fist in the air, pour Disfear. Avec pogo tout du long et circle pit à l’occasion. Malgré un petit relooking dans le line-up, les vieux briscards du d-beat suédois ne sont pas revenus pour sucrer les fraises, mais pour foutre le feu, comme avant. Mission totalement accomplie, notamment grâce au toujours impeccable entertainer, Tomas Lindberg, le genre de chanteur que n’importe quel groupe de punk ou de metal peut désirer comme frontman.

Obscur (donc sûrement cultissime) groupe de black metal industriel norvégien, Mysticum délivre un show mémorable, claquant paraît-il l’intégralité de son cachet dans les lights et pour le décorum. Merci pour cette abnégation philanthropique à offrir le meilleur show possible, ça valait le coup ! Les trois membres s’élèvent sur des plateformes, monolithe piédestal à la Kiss, dont ils ne redescendront qu’à la fin du set, permettant des projections kabbalistiques finement étudiées sur les piliers en plus de l’écran géant, et un light show stroboscopique tout en noir et blanc. Musicalement, le terme BM industriel est amplement mérité. Après Kobaïa, direction Planet Satan, leur dernier album en date, hypnotique mais éprouvant voyage au pays des blast beats mitraillettes et des growls robotiques.

 

DIMANCHE

Oxbow (c) Niels Vinck

Dernier jour et dernier set « épreuve sans concession : 4e chapitre » de Gnod qui a les honneurs d’ouvrir le bal sur la grande scène en compagnie de ses potes de Radar Men From The Moon pour leur projet commun Temple Ov BBV. Ils sont donc dix sur scène et creusent tous ensemble le même sillon psyché-noise primitif sur rythmes kraut-indus martelés. On n’en verra que le début. (T.S.)

C’est un Oxbow en petite forme qui investit la scène. Pourtant, « Down a Stair Backward » ou « She’s a Find » sont toujours aussi efficaces et les titres du nouvel album passent très bien l’épreuve du live, même sans leurs arrangements symphoniques (« Cold & Well-lit Place », « A Gentleman’s Gentleman »). (Ém.D.)

On apprécie beaucoup le metal doom tendance prog de Pallbearer et leurs tubes épiques « I Saw the End » « World’s Apart » et surtout « Fear and Fury », entonnés par le leader Brett Campbell coiffé d’un mohawk et portant un t-shirt Neubauten. Ulver embrasse ensuite ses velléités electro pop le temps d’un set qui fait la part belle à son dernier album, proche de Depeche Mode mais frôlant souvent le kitsch. Les projections dignes d’un mauvais space invader où sont parfois écrites des paroles qui n’ont rien d’exceptionnel (« So Fall the World ») n’aident pas forcément à prendre le concert au sérieux, tout comme la longue plage improvisée en début de set qui ne provoque que bâillements. Quand ce n’est pas le rire de l’assemblée lorsqu’un membre du public crie au groupe de revenir au black metal. « Non » répond tout simplement Kristoffer Rygg aka Gam.

La chanteuse/guitariste de Marriages et ex-guitariste de Red Sparowes Emma Ruth Rundle ensorcelle la Green Room seule avec son goth folk (sur le reste des dates, le groupe Jaye Jayle officie comme son backing-band) alors que les trois frangins de Pontiak jouent un stoner psyché qui n’est jamais aussi attrayant que lorsqu’il s’aventure sur les contrées d’OM, avec une basse ronde en avant (cf. Dialectic of Ignorance, son très bon dernier album sorti sur Thrill Jockey). (Ém.D.)

Author & Punisher (c) Jostijn Ligtvoet

L’homme-machine Author & Punisher alterne les titres indus martial métallique et plages ambient stellaire rouillé avec le talent qu’on lui connait.

Come To Grief reprend les choses là où Grief les avait laissées, dans la fange la plus bilieuse d’un sludge-doom old school, brutalement primitif, pachydermique et laboureur. On aura même droit à un titre doom-death à la Autopsy, de toute beauté. (T.S.)

Inter Arma dont on n’attendait pas grand-chose et qui joue la carte d’un metal extrême aux penchants psychédéliques sera la surprise de la journée : massif et envoûtant. (Ém.D.)

Fin des réjouissances avec un set kraut-pop mou de Radar Men From The Moon, entre Acid Bonanga, Fuck Buttons et Gnod, mais en beaucoup plus retenu, groovy mais au ralenti. Les boucles stellaires lévitent lentement sur des rythmiques minimales entêtantes pour une redescente tout en douceur. (T.S.)

Au final, une édition ayant tenu les promesses de son affiche, avec en seul bémol la capacité de quatre des cinq salles qui prive souvent le spectateur de certains groupes. Le choix est donc parfois cruel pour les concerts hors main stage : voir le set en entier ou s’assurer une place au concert suivant ? C’est semble-t-il le prix à payer depuis que la jauge a été augmentée, évitant ainsi le sold-out quasi instantané des billets qui réservait le festival aux happy few les premières années : une autre preuve d’ouverture de la part d’une manifestation toujours plus ambitieuse et variée dans sa programmation.

roadburn-festival.com