Report : Hellfest 2018 (part 2/3)

(c) Ronan Thenadey

Par Olivier “Zoltar” Badin, Laurent Catala, Olivier Drago, Romain Lefèvre, Stéphane Leguay, Bertrand Pinsac et Benjamin “Bhaine” Rivière.

Samedi 23 juin

Quoi de mieux pour faire sa gym le samedi de bon matin que d’aller assister au set d’Incendiary à la Warzone ? L’exercice consiste en l’occurrence à pratiquer une forme sommaire de two-step avec un fier pichet d’1,5 L de bière en main, le tout à peine réveillé : périlleuse entreprise dans laquelle le groupe new-yorkais et son hardcore/hip-hop (pour le chant) nous aident bien, déployant une énergie folle et une bonne humeur communicative malgré un son un peu approximatif par rapport aux excellents standards de la Warzone. On assiste néanmoins à une bonne demi-heure d’échauffement, faisant la part belle à l’excellent dernier album du groupe (Thousand Mile Stare), avec notamment les bombes « Still Burning » et « Front Toward Enemy ». (R.L.)

Depuis quelques éditions, les organisateurs du Hellfest programment des journées « à thème » sur les scènes annexes. Le samedi, sur la Warzone, c’est donc un mini-festival hardcore qui est prévu avec un roster d’une densité à peu près jamais vue en France. Ça commence dès 11 h avec les New-Yorkais d’Incendiary, dont la fréquence des tournées est inversement proportionnelle à la qualité de leurs derniers LP. Il fallait se lever tôt, mais on ne regrette pas de ne pas avoir eu le temps de digérer les croissants. En une demi-heure très axée sur le récent Thousand Mile Stare, Incendiary convainc les festivaliers qui répondent déjà présents en nombre, malgré l’horaire. Le son, le groupe, le public, tout le monde est au taquet et la journée s’annonce exceptionnelle pour les coreux de toute obédience. (B.R.)

Ce qui se confirme avec l’affluence assez épatante à 12h30 pour les Canadiens de Get The Shot. Manifestement, le hardcore metallisé des Québécois (pensez Madball + Biohazard avec une voix à la Spudmonsters) a la cote. Le set est court et, après une entame balèze avec les deux meilleurs titres d’Infinite Punishment, le groupe se concentre plutôt sur l’avant-dernier LP. Dans tous les cas, peu importe, ça fonctionne. Enfin, ça stompe, ça moshe et ça circle-pite. Les speechs bon esprit entre les morceaux restent hyper cliché, mais ça fait partie du folklore, et sans ça, il manquerait un truc. Notamment le classique « le hardcore contre le sexisme et le racisme » devant un public composé à 98 % de mâles blancs. Et avec un accent québécois, c’est encore plus sympa. À l’image de cette grosse demi-heure chargée en transpiration et en adrénaline. (B.R.)

La fête à la mosh-part et au circle pit se poursuit plus tard avec le KFC (Kentucky fat-core) de Knocked Loose, qui déplace néanmoins légèrement moins les foules que les Canadiens. Étonnant, vu qu’eux sont en train de devenir des poids lourds de la scène hardcore moderne. Ce qui n’empêche pas des centaines de connaisseurs d’aboyer sur « Counting Worms » (les vrais savent) et de se défouler sur cet enchaînement ininterrompu de breakdowns tous plus looooouuurds les uns que les autres. Avec leur dégaine de figurants d’un film de Kevin Smith, leurs guitares sept cordes et leur grosse patate, KL se placent tout en haut sur l’échelle de la coolitude beatdown actuel. (B.R.)

(c) Ronan Thenadey

Hardcore toujours, mais un peu plus grand public et donc sur la grande scène, avec les Français cosplayeurs de Rise Of The Northstar. Le lieu n’est pas idéal pour le mosh-metal nipponophile des Parisiens, aussi bien en raison de la taille XXL de la scène (qu’ils tiennent pas mal, il faut le reconnaître) que pour le son pas optimum (putain de vent…). S’ils font de leur mieux, leur set a beaucoup moins d’impact qu’il y a trois ans, lorsqu’ils avaient littéralement mis le feu à la Warzone. Peut-être aussi qu’à force, la pose et le discours du groupe amusent moins. On a cru à des Madball français, on se retrouve peut-être seulement avec les nouveaux Mass Hysteria. Ce qui est décevant à défaut d’être honteux. On jettera une oreille à leur nouvel album qui sortira en septembre, même si l’extrait joué en teasing ne donne pas non plus envie de retenir sa respiration. (B.R.)

Pas grand-chose à redire sur le set des Suédois de Monolord, véritables stakhanovistes de la tournée depuis quelques années, et que tout fan de doom canonique a désormais dû voir douze fois (c’est en tout cas le cas pour nous). Son ultra mastoc, groupe bien en place, et à peine le temps de faire trois morceaux en une demi-heure. Mais le groupe joue « Empress Rising », la satisfaction est donc au rendez-vous. (R.L.)

On l’aura vu en solo, en duo, en trio, en quatuor, et c’est cette fois en duo que se produit Jessica93, d’où une scène, celle de la Valley, un peu vide. En face, le public se révèle par contre plus que conséquent, surtout si on considère l’heure. Et à en croire les quelques discussions glanées ci et là sous le chapiteau, Geoff La Porte et David Snug gagnent de nombreux adeptes parmi les curieux au fur et à mesure que les morceaux défilent. Snug, qui aurait pu trouver plus subtil qu’un T-shirt Oasis pour se démarquer de la plèbe metal, se dandine derrière sa batterie sommaire et sa boîte à rythmes, remercie « l’organisation », s’étonne de ne voir brandir aucun drapeau breton, puis le concert se termine très mal pour les instruments, balancés au sol dans la grande tradition Nirvana. (O.D.)

Turnstile (c) Ronan Thenadey

Il y a deux ans, sur la Warzone, Turnstile avait mis tout le monde d’accord. Cette fois, même chose, en mieux. S’appuyant sur le récent Time & Space sans négliger le reste de leur jeune discographie, les cinq de Baltimore sont déchaînés. Ni rage, ni colère, rien que de l’énergie en quantité astronomique. Les nouveaux rois de la « PMA », ce sont eux. Brendan Yates est un frontman incroyable et imprévisible, ne tenant en place que lorsqu’il va s’installer à dix mètres de haut sur un pylône de lights, le temps que le bassiste Franz Lyons, lui aussi impressionnant, le remplace au chant sur l’un des titres plus mélodiques (« Moon »). Pas mal de morceaux se ressemblent, c’est vrai, mais on ne va pas pinailler, c’est le pied. Snapcase pop, Rage Against The Machine hardcore, Shelter metal, Red Bull-core ? On ne sait plus trop, mais ça marche et tout le monde s’éclate, sur la scène comme dans la fosse. On n’est pas même pas à l’heure du goûter que la Warzone brûle déjà… (B.R.)

Un peu sortie de nulle part (enfin si, d’Islande) il y a quelques années, la scène black metal islandaise s’est fait connaître du reste de l’Europe grâce au Roadburn, qui lui a fait une place de choix lors de ses dernières éditions. Le Hellfest emboite donc le pas en donnant l’opportunité à Myspirming de présenter son black metal à une audience un peu plus « grand public » que celle du célèbre festival hollandais. Les Islandais ne laissent pas passer l’occasion de brutaliser la Temple à l’heure du déjeuner, avec un set intense, doté d’un son excellent. Définitivement un groupe à suivre de plus près, et qui mériterait une bien meilleure distribution que celle dont il dispose actuellement sur le continent. (R.L.)

L7 (c) Ronan Thenadey

Direction la Main Stage 1, pour voir L7. Déjà présentes au Hellfest en 2016, les filles avaient été desservies par un son abominable (c’était à se demander s’il sortait bien des enceintes en façade et pas seulement des amplis et des retours). Ce n’est donc peut-être pas un hasard si Donita Sparks demande cette fois au public « Is it loud enough? » La réponse ne se fait pas attendre : « Non ». Sans être aussi faible que celui d’il y a deux ans, le volume sonore est clairement insuffisant. Là encore, un des membres manque à l’appel puisque la batteuse Dee s’est cassé un bras quelques jours avant la tournée. Elle est remplacée par JoDee Locks, qui se donne à fond sur les classiques que sont « Shitlist », « Fuel My Fire » (eh oui, ce n’est pas un morceau de Prodigy !), « Andres » ou « Pretend We’re Dead ». Entendre les refrains des deux titres du nouveau 7’’ repris par le public fait plaisir, le nombre de commentaires concernant le physique des filles, beaucoup moins (eh oui, grande nouvelle, on vieillit tous !). Concert honorable donc, mais on est content de ne pas les avoir loupées quelques semaines auparavant à Paris, où malgré les limitateurs sonores, elles jouissaient d’une plus grande puissance de feu. (O.D.)

En death metal, les Finlandais de Demilich assènent l’un des concerts les plus impressionnants, même si depuis leur reformation de 2015, ils ne sont toujours pas parvenus à donner une suite à leur chef-d’œuvre de 1993, Nespithe. Derrière les empreintes vocales caractéristiques du guitariste/chanteur Antti Boman, plus ultra-graves que véritablement growlées, les musiciens délimitent un terrain oscillant entre brutal death et avant-garde technique (« The Faces Right Below the Skin of the Heart »), et, paradoxalement, font souffler un vent de fraîcheur sous la chaude bâche de la scène Altar. (L.C.)

Powerflo (c) Ronan Thenadey

Une heure d’écart entre chaque groupe de hardcore, ça devrait permettre de récupérer un peu, mais cette année, ça ne moshe pas qu’à la Warzone. Il faut donc courir pour ne pas louper Powerflo, la dream team metal 90s sur la Main Stage 1. Comme souvent durant tout le festival, avec l’affluence devant les scènes principales et cette saloperie de vent, difficile de rentrer réellement dedans, la faute à un son faiblard et à une densité très élevée de festivaliers. Mais les « vieux » se donnent à fond en s’appuyant sur la quasi-intégralité de leur album éponyme sorti l’année dernière. À mi-parcours, Sen Dog présente chacun des membres avec une citation emblématique de leurs formations d’origine (pour rappel : Cypress Hill, Fear Factory, Biohazard et Downset) comme autant d’entrées en scène de catcheurs WWE. Et, ultime gourmandise, ils finissent par reprendre, logiquement, « How It Is » de Biohazard où Sen Dog faisait déjà un featuring à l’époque. Sans être renversant, un très bon show. (B.R.)

Body Count (c) Ronan Thenadey

Le constat est à peu près le même, un cran en dessous, pour Body Count qui, après l’acte manqué d’il y a trois ans (la Warzone ancienne configuration était tellement bondée que beaucoup étaient restés bloqués à l’entrée), démarre son concert sur la Main Stage par la double reprise de Slayer « Raining Blood/Postmortem ». L’ambiance est détendue, Ice-T est venu en famille (le fiston assure les backing vocals, la petite dernière fait un petit tour sur scène, maman est assise sur le bord de la scène…), mais Body Count a le tort de trop s’appuyer sur son album éponyme. Ce dernier a beau s’être écoulé par palettes entières, niveau qualité, les titres du dernier album, Bloodlust, sont globalement bien au-dessus. Alors, même si on passe un bon moment devant le show sergent pépère de Fin Tutuola (il ne jumpe pas assez pour qu’on repense au kangourou de Tank Girl…), le choix est vite fait entre rester jusqu’au bout et ne pas rater le premier quart d’heure de Madball. (B.R.)

18h35 pétantes, Scott Vogel et sa clique de fouteurs de foire débarquent, et la fête, initiée plus tôt par Turnstile, peut reprendre ses droits. Jamais avare en énergie brute lorsqu’il s’agit d’agiter les apprentis tough-guys, Terror retourne, comme à son habitude, la Warzone en moins de deux. Le pit est furieux et le groupe en grande forme. Démarrant judicieusement son set par la tuerie « One with the Underdogs », la brigade angelinos ne laisse pas de répit à une foule qui de toute façon n’en demande aucun, bien au contraire. « Lowest of the Low », « The 25th Hour », « Keep Your Mouth Shut », « Keepers of the Faith », « Live by the Code » et surtout un « Spit My Rage » dévastateur : tout y passe dans un déchainement testostéroné, positif et hyper dynamique qui emporte tout sur son passage. Tant et si bien que l’heure accordée à la formation n’en paraît que la moitié… normal en fait puisque le groupe n’a en définitive joué que quarante-cinq minutes. (B.P.)

Soyons honnête, la perspective de nous immerger dans le kraut-black d’Oranssi Pazuzu à l’heure de la pétanque, dans une chaleur de gueux, n’avait rien de bien tentant. Et pourtant les cinq Finlandais ne mettent pas longtemps avant de plonger la Temple dans une profonde hypnose collective (« Tyhjä Temppeli »). Leur space rock nimbé de synthés enfumés, hanté de soli et arpèges sous LSD et de cadences tribales y prend sa pleine dimension live (en dépit de ce satané soleil), transformant le concert en rite puissamment occulte et psychédélique (« Lahja »). (S.L.)

Le problème des Finlandais d’Oranssi Pazuzu n’est pas leur concert en soi – très attendu – mais le fait qu’ils ont ensuite passé toute la soirée à se demander comment renvoyer par avion vers Helsinki leurs quatorze valises d’effets sonores. Oui, quatorze. En même temps, c’est ce qu’il faut pour donner toute son ampleur à cette musique qui n’a de black metal que le chant croassé (des plus sporadiques) et qui ressemble plus à une sorte de krautrock répétitif aux contours volontairement assez flous. Résultat, même en plein jour, le regard halluciné de leur guitariste/chanteur et surtout l’arrière-goût malsain et désorientant de leurs riffs tournoyants produisent le même effet que le genre de dope ultra-puissante que le Grand Bouc himself hésiterait à prendre. Intense ! (O.Z.B.)

Ho99o9 (c) Ronan Thenadey

Auteurs d’une énorme claque punk hardcore/noise rap/electro l’année dernière (l’album United States of Ho99o9), les malades de Ho99o9 sont attendus par une Valley densément peuplée – le public déborde. Mais une fois la poussière retombée, on n’a quand même pas la certitude d’avoir reconnu le groupe dont on est tombés amoureux sur album : quasiment aucun morceau d’obédience hip-hop dans leur set à part le monstre « War Is Hell ». Et pour le reste, on a surtout l’impression de voir deux fous fortement inspirés par Prodigy courir partout et gueuler au son d’une boîte à rythmes balançant des séquences punk hardcore certes efficaces, mais bien plus basiques que ce que promet l’album. Ice-T, lui, qui filme le concert du côté de la scène, semble grandement apprécier ce set chaotique fort en saturation en sub-basse et en gesticulation en tous genres (Eady slamme dans le public dès les premières secondes du concert et le termine par un salto arrière). (R.L. et O.D.)

Seul groupe purement hip-hop à l’affiche, Dälek se doit de convaincre les curieux, venus en nombre. Malheureusement, après un début de concert bien massif, le trio (Will Brooks et Michael Mary, accompagnés par un guitariste d’AmenRa, puisque là aussi, un membre est absent : DJ Rek) glisse vers un passage arythmique qui en fait décrocher plus d’un. Grosse erreur de calcul. Résultat : une bonne partie du chapiteau se vide. Dommage, les hostilités reprennent, et les brochettes de thrashers en veste à patches restés collés aux barrières tout ce temps reprennent leur séance de headbanging au ralenti. (O.D.)

Si le collectif Heilung, nouvelle sensation de la nébuleuse retro-pagan à souvent été comparé (à raison) à Wardruna, son rituel sous la Temple cet après-midi a largement démontré qu’il était bien plus que la réponse danoise à la tribu norvégienne. Car si le septuor partage la même fascination pour une Scandinavie pré-chrétienne, les instruments anciens et les mises en scène rituelles, sa performance tout en mystère et retenue oscille plus volontiers entre chamanisme païen (« In Maidjan ») et barbarie toute viking (« Alfadhirhaiti »). Reprenant une bonne partie de son album live Lifa, Heilung reproduit avec justesse une cérémonie sans âge où scansions et percussions tribales distillent une transe soutenue par de sombres nappes et survolée par les mélopées obsédantes de Maria Franz, la prêtresse sans regard (« Krigsgaldr »). Très impressionnant ! (S.L.)

De vieux Anglais, ex-Benediction et Bolt Thrower (entre autres), jouant un death martial et anguleux plagiant ouvertement le second nommé (vu le line-up, difficile d’en attendre autre chose) dans le cadre d’un groupe – Memoriam donc – monté comme un tribute band à la mémoire du défunt batteur de Bolt Thrower ? Voilà un projet plutôt alléchant, bien qu’un peu gras et funèbre, à l’Altar. Et sans non plus transcender quoi que ce soit, les vétérans s’en sortent avec les honneurs avec un set au son plutôt correct, et à la setlist répartie à peu près équitablement entre les deux albums du groupe (qui sont plus ou moins des clones l’un de l’autre d’ailleurs). Fatigués, mais pas fatigants. (R.L.)

Même si avec ses quelques kilos en trop Karl Willetts ressemble (hélas) de plus en plus à Marine Le Pen, on a juste envie de faire des gros poutous à Memoriam. Plein. Voilà des vieux briscards (moyenne d’âge : 50 ans) qui n’ont plus rien à prouver et sont juste là pour se « faire plaisir » et jouer leur death metal à eux, cru et direct, sans fioriture. Oui mais voilà, l’ombre de Bolt Thrower (dont Willetts et le batteur Andrew Whale ont fait partie) est encore trop écrasante. Et comme sur disque, leur guitariste (un « jeunot » de 41 ans) n’a ni la carrure ni le sens du riff nécessaire pour soutenir l’inévitable comparaison. Eux-mêmes enfoncent le clou sans le vouloir en reprenant « Spearhead » durant le soundcheck, mais pas pendant le concert en lui-même, se contentant de titres tirés des deux disques de Memoriam dont l’orientation limite power-metal du pauvre et les thématiques désormais un peu fatiguées à force d’avoir été éreintées pendant deux décennies par BT (la guerre, la solidarité entre soldats, la technologie au service des armées, tout ça) tournent très rapidement à vide. On vous aime les gars, mais rendez-nous « Cenotaph » ! (O.Z.B.)

Dead Cross (c) Ronan Thenadey

Autre concert très attendu, puisque l’album et l’EP de Dead Cross font partie de ceux que nous avons le plus écoutés ces derniers mois, et pas de déception à l’arrivée. Près de la scène, le son s’avère plus que correct, et la tornade Lombardo catapulte dans un tonnerre de toms les « Shillegah », « Church of the Motherfuckers », « Seizure & Desist » et autre « Idiopathic », alors que les hurlements schizocore de Mike Patton font dresser les poils sur les bras. Comme d’habitude, le groupe joue la montre et intègre quelques relatives accalmies avec des reprises des Stooges (« Dirt ») et Bauhaus (« Bela Lugosi’s Dead », morceau durant lequel un jeune garçon (7, 8 ans ?) est invité sur scène pour chanter les refrains) et Patton meuble avec une de ses histoires scato dont il a le secret, celle-ci ayant pour personnage principal Johnny Depp qui jouait la veille avec son groupe Hollywood Vampires. En guise de rappel fulgurant, l’intro de « Raining Blood » de Slayer est enchainée au refrain d’« Epic » de Faith No More : « You wan’t it all, but you can’t have it ». Pas bien grave, Body Count l’a joué il y a deux heures. (O.D.)

On a beau les avoir vus mille fois (environ), Madball, c’est toujours l’assurance d’un concert impeccable. Avec un nouveau guitariste pas manchot (recruté chez les efficaces Born From Pain) et un excellent nouvel album, la bande à Cricien est attendue de pied ferme. Et quel set ! Énorme gouache, setlist aux petits oignons (les titres les plus punk/oï du dernier LP, une bonne sélection de Set It Off, et une chanson de chacun des autres albums, rien à redire), et un son poids lourd, il faudrait être totalement hermétique au hardcore viril mais correct de Madball pour ne pas se laisser prendre. Freddy Cricien est sans contestation possible LE meilleur frontman dans le genre depuis vingt ans et il ne semble pas près de lâcher l’affaire. Comme les autres membres du groupe ne sont pas en reste (Mike Justian, ancien batteur de 108 et Trap Them, est un tueur), on a ce qui se fait de mieux, et de loin, en matière de NYHC. Cricien n’oublie pas d’annoncer que les « vrais Cro-Mags » vont jouer juste après. Ah ? Plutôt team Joseph que team Flanagan, donc ? En fait, lui, il est surtout team Mackie Jayson, batteur historique et emblématique des « Cro-Mags de Mackie ». (B.R.)

Plus tôt dans la journée, Terror et Madball ont eu, comme d’ordinaire, nos faveurs, mais Hatebreed nous laisse une fois de plus de marbre. Et on se sent bien seuls dans ce cas, tant l’audience présente en nombre répond massivement et comme un seul homme aux harangues de Jamey Jasta. Pourtant rien à redire, la qualité est là, visible et indéniable, les morceaux bastonnent et leur interprétation est au cordeau. Mais voilà, rien à faire, on reste extérieurs à un set justement peut-être trop rodé et propre sur lui, manquant de chaos et de folie. Le côté « hardcore de mainstage » n’est ici pas forcément très loin avec un Jasta qui invite constamment le public « à faire ci, à faire ça ». Consciencieux, on assiste à l’intégralité du show, espérant sincèrement que l’étincelle ayant mis le feu à un public en constante surchauffe va nous faire exploser comme une barrique de poudre… peine perdue. C’était notre troisième essai. Y’en aura-t-il un quatrième ? Rien n’est moins sûr. (B.P.)

Deftones (c) Ronan Thenadey

Heureusement que Dead Cross n’a pas déçu, car pour assister à son concert, il nous a fallu partir au bout de 30 minutes de celui de Deftones, qui s’annonçait pourtant fabuleux avec son démarrage placé sous le signe d’Around the Fur (« Head Up », « My Own Summer (Shove It) » et « Around the Fur »), suivi du plus récent « Swerve City » et de quatre extraits de White Pony, « Digital Bath », « Knife Party », « Change (in the House of Flies) » et « Elite », sur lequel la voix de Chino Moreno, se robotise étrangement par moments, passée au vocoder. Un couloir d’accès a été installé devant la scène, et le chanteur fend donc le public dans d’incessants sprints aller-retour. On n’en verra malheureusement pas plus… (O.D.)

L’aventure Bloodclot déjà terminée (quel gâchis), c’est donc la version Joseph (et son éternel sidekick AJ Novello) des Cro-Mags qui va, une nouvelle fois et sans surprise, interpréter l’intégralité du mythique Age of Quarrel. Pour ce qui est d’Alpha Omega, on a fait notre deuil, donc on s’en contentera. Surtout que le show est complété par le génial « Crush the Demoniac » (tiré de Best Wishes) et deux reprises des Bad Brains, « Right Brigade » et « Attitude ». Le vieux Jayson est monstrueux derrière les fûts et même avec la voix un peu cassée, John Joseph assure une prestation physique énorme du haut de ses 55 balais. Et, bien sûr, il ne manque pas de faire une référence indirecte à ses embrouilles avec Flanagan, le fondateur de Cro-Mags au moment d’entamer « Street Justice ». Oui, c’est aussi pour tout ce drama et ces embrouilles débiles sans fin qu’on adore Cro-Mags. (B.R.)

Dans une galaxie lointaine, très lointaine il y a longtemps, très longtemps, Dimmu Borgir était un groupe qui faisait (un peu) peur. Vingt ans plus tard, Shagrath change autant de costumes de scène (à paillettes) que Rob Halford. Mais surtout, tous leurs morceaux post-année 2000 souffrent de l’avalanche de samples auxquels ils doivent faire appel sur scène pour être reproduits fidèlement. On se demande d’ailleurs au final ce qui est vraiment joué et ce qui ne l’est pas, surtout qu’à cause de cette excroissance symphonique remplissant l’espace sonore, les titres de leur dernier album en date Eonian paraissent bien faméliques en riffs. D’ailleurs, lorsque le groupe clôt les débats par un antique « Mourning Palace » exhumé de 1997 (soit une éternité) où tout cet enrobage synthétique est quasi absent, on en est presque déstabilisés. On a au moins eu droit à beaucoup de pétards et de nombreuses grimaces, mais sinon… (O.Z.B.)

(c) Ronan Thenadey

C’est avec un son vibrant et ultra-massif que Neurosis investit la Valley à minuit pour un set volcanique et, comme souvent, totalement viscéral. Visiblement en grande forme, les cinq d’Oakland déroulent une setlist brassant intelligemment leur dernier album (« Reach », « A Shadow Memory ») avec quelques highlights de la décennie passée (« Given To the Rising », « Burn »). L’absence bienvenue de vidéo laisse la part belle à un light show discret mais ô combien immersif. Courbées, convulsées ou étirées vers le ciel, les silhouettes de Kelly, Von Till et cie font feu de tout bois à mesure que riffs et rythmes se font transe (« End of the Harvest », hypnotique) avant le grand incendie tribal final, « Through Silver in Blood », épilogue en apnée d’un des tout meilleurs concerts du festival. (S.L.)

Ice-T, Ernie C et Ho99o9 (c) Ronan Thenadey

Jour précédent
Jour suivant