Shearwater – Free as a Bird

 

Shearwater

Un grand groupe c’est quoi ? Une formation qui passionne sur album et enthousiasme sur scène. Ces critères et qualités, Shearwater les possède assurément. Seulement voilà : trop peu d’individus en sont informés. La faute à tout le monde et personne à la fois, mais surtout et principalement à une indifférence quasi-générale et très polie lors de la sortie l’an dernier du (pourtant) magnifique Palo Santo. Il convient donc de rattraper le coup comme on peut, pour crier haut et fort combien Shearwater est important et à quel point Jonathan Meiburg est un compositeur et un chanteur fabuleux ! Entretien avec l’intéressé.

Palo Santo ?
En fait, il s’agit du nom d’une variété d’arbre qui grandit sur les îles Galapagos. J’y ai passé quelques mois, il y a de cela deux ans lorsque je travaillais sur divers projets de recherches. Ces arbres sont vraiment très résistants : ils poussent tout droit en sortant de champs arides de lave, ils ont une sorte de présence mystérieuse en eux. J’ai écrit la plupart des chansons de l’album lorsque j’étais là-bas. Il m’a alors semblé logique de donner à l’album le nom de ces arbres.

Pourquoi le titre de la première chanson de l’album est-il en français (« La dame et la licorne ») ?
Eh bien, pendant que j’écrivais cette chanson, j’étais plongé dans un ouvrage sur les tapisseries représentant des licornes, tapisseries qui se trouvent d’ailleurs à Paris, au Musée National du Moyen Age. Bref, quelque chose en elles semblait convenir parfaitement à l’imagerie et au thème à la fois de la chanson et de l’album, puisque ce dernier traite partiellement de la vie et de la mort de Nico.


Il s’agit également du premier album de Shearwater où toutes les chansons ont été seulement écrites par tes soins. Peux-tu nous dire pourquoi Will Sheff n’a pas participé à la composition ?
Il se trouve que ces chansons fonctionnaient bien ensemble sans que l’on ait besoin d’en rajouter, voilà tout.


Comment réussissez-vous, toi et Will, à conjuguer les actualités de Shearwater et d’Okkervil River ?
En nous arrachant les cheveux tout en faisant un énorme effort ! Parfois, ça me met hors de moi et me rend dingue, mais la vérité est que ces deux groupes ont des énergies très différentes : chacun opère comme une bulle d’air par rapport à l’autre, une forme de break salvateur. Pour l’instant, personnellement, j’arrive à combiner les deux sans trop de mal. On verra bien ce qui se passera dans les années à venir.


Le nom de chacun des deux groupes fait mention de l’élément aquatique. Es-tu fasciné par l’eau ?
C’est en fait un choix complètement accidentel. Ou peut-être pas (rires) ? En vérité, un Shearwater (Puffin en français) est une race d’oiseaux qui passe le plus clair de son temps en mer ou au bord de celle-ci.


Considères-tu l’un de tes deux groupes comme une priorité par rapport à l’autre ?
Disons que Shearwater ne peut fonctionner si je ne suis pas là, alors qu’Okkervil River lui le peut. Donc, on peut considérer effectivement que Shearwater est une priorité aussi longtemps que l’on pourra tourner. Ceci étant, j’aime autant les deux groupes.

Le dossier de presse de votre label Fargo Records vous concernant fait référence fréquemment à Talk Talk ou Talking Heads. Es-tu d’accord avec ces comparaisons ?
Il est vrai que j’aime ces deux groupes et je ne peux qu’être honoré d’être comparé à eux. Cependant il ne faut pas que cela soit ou devienne réducteur dans le sens où j’écoute, bien évidemment, beaucoup d’autres groupes. Ainsi que différents styles de musique, fort heureusement !


Je pense qu’Okkervil River sonne plus folk, alors que Shearwater a un côté bien plus indie rock. Qu’en penses-tu ?
Je ne sais pas réellement ce que signifie folk ou indie rock : cela veut-il dire qu’il y a plus de guitares acoustiques chez Okkervil et plus d’électriques chez Shearwater ? Souvent ces catégorisations ont un petit côté superficiel et insignifiant. Comme de dire : « Si votre groupe a une mandoline ou une pedal steel, c’est que vous devez jouer de la folk ou de l’alternative-country » Pourtant régulièrement Shearwater utilise un banjo ! Et Okkervil a un guitariste qui joue en électrique… alors ! Je suppose que je suis en train de te dire que, clairement, je n’aime pas ces étiquettes. Je pense qu’elles induisent les gens en erreur.


Comment avez-vous composé votre album ? Y a-t-il eu une large part d’enregistrement live ?
Nous essayons d’enregistrer le plus live possible, en une prise, mais il y a toujours un processus d’overdub qui altère le son des instruments. Dès lors, chacun d’entre eux prend une importance et une place différentes au sein du morceau par rapport au moment où nous avions effectué l’enregistrement. Selon moi, il existe un monde qui sépare la scène du studio. Ce dernier requiert une approche véritablement différente dans le sens où vous n’avez (et n’aurez) jamais l’immédiateté, la soudaineté de la présence d’un groupe qui joue face à vous. Globalement, je ne suis pas vraiment un fan hardcore des enregistrements strictement live, à moins de rechercher des effets très simples, très délicats.


Quand vous entrez en studio, toutes vos compositions sont-elles déjà écrites et prêtes ?

Oui, autant que faire se peut nous essayons. Écrire des chansons pendant que l’onéreuse horloge du studio tourne à plein régime n’est assurément pas une bonne idée ! Cela dit, certaines chansons tendent à pointer le bout de leur nez assez tardivement. Il convient donc de rester ouvert et disponible à toutes sortes d’éventualité.

Dans le livret de l’album, hormis deux membres, l’ensemble du groupe est crédité comme jouant de tous les instruments. Pourquoi donc ?
Nous jouons tous de différents instruments. Après les avoir tous listés, il nous est apparu qu’il n’était pas très important de savoir qui était l’utilisateur de chacun d’eux. Qui plus est, j’aime assez l’idée de laisser l’auditeur s’imaginer qui joue quoi. Les deux autres musiciens crédités à part ne font pas partie du noyau dur de la formation, et nous avons pensé que les lister séparément était sensé.

SHEARWATER – Palo Santo (Fargo Records/Naïve)

www.shearwatermusic.com