[Report] Rock In Bourlon (Bourlon, 27, 28 & 29 juin)

Dans une commune pas-de-calaisienne (Bourlon) d’un millier d’habitants à peine, le festival fédère depuis une quinzaine d’années un paquet d’aficionados des musiques aventureuses et extrêmes venus de France, de Belgique et même plus loin encore. Pour un prix inversement proportionnel à la qualité de la prog et de l’accueil, deux spots en plein air (« l’abreuvoir » et « le paon ») déploient les concerts dans une ambiance conviviale et bienveillante qui n’empêche pas le professionnalisme (en témoignent les superbes captations live de la page facebook.com/rockinbourlon). Bénévoles passionnés et souriants, produits locaux (limonades et bières artisanales, options végétariennes savoureuses…), camping chaleureux, stands d’art enthousiasmants (Ëmgalaï Grafik, Aude Carbone, Matthieu Hackière…), afters à base de funk où l’on se déhanche en riant : pour des tas de raisons difficiles à inventorier, l’atmosphère de ce festival à taille humaine (5000 spectateurs sur trois jours si nos informations sont exactes) n’a guère d’équivalent et s’impose comme une parenthèse magique propice aux découvertes/retrouvailles musicales pointues comme au partage.

Vendredi 27 juin :

Dire qu’on attendait Eyes avec impatience tient du doux euphémisme. Le dernier album en date, Spinner, trouvant autant grâce à nos oreilles que Congratulations ou Underperformer, on se fait bel et bien rouler dessus pendant une quarantaine de minutes. La machine hardcore danoise menée par le survolté Victor Kaas (toujours l’un de nos frontmen préférés – ça bouge pas) n’en loupe pas une pour nous éclater encore plus que la température ambiante. Les tubesques « Underperformer » et « Better » couplées aux écrasantes  « Save Face On A Regular Basis », « Generation L » ou « Congratulations » feront le job à elles seules. Une mise en jambe et en bonne humeur pour le reste du festival que rien ne viendra émousser. (Alizarine)

Voir Alkerdeel en plein cagnard n’était pas exactement l’idée qu’on se faisait de notre première rencontre live avec ces énergumènes flamands. Mais puisqu’on a poncé leurs disques en long en large et en travers, on ne refuse pas l’invitation. Et finalement, quoi de plus crust que l’abondante transpiration ruisselante du quatuor ? Le soleil éclatant n’enlèvera en tout cas rien à l’evilitude de notre Darkthrone belge qui assènera sans ciller son black ascendant punk bâtard. Pas sûr que toute l’assemblée ait été séduite par la dégueulasserie ambiante, mais on n’a pas boudé notre plaisir d’assister à la sauvagerie de « Regardez Ses Yeux » et sa cavalcade de « urgh ! » et de « aaaargh ! », ni à la brutasserie d’« Eirde » et « Zop ». Puis, on aura appris de la bouche du chanteur qu’Alkerdeel signifie un truc du genre « distributeur de merde » et rien que pour cette leçon de néerlandais, leur set valait le déplacement. (Alizarine)

Si les Canadiens de Thantifaxath nous ont régalé en 2023 avec leur deuxième album teinté de black metal avant-gardiste et progressif, leurs prestations scéniques l’année suivante, avec pas moins de cinq dates en France, nous avaient laissé un goût amer. Malgré la perfection technique, le caractère approximatif du son avait rendu difficiles à saisir toutes les subtilités développées. C’est un peu le même sentiment qui nous habite à Bourlon. Si le soleil et la pleine lumière ne siéent pas aux ambiances sombres du groupe, la difficulté de percevoir toutes les nuances revient. Le trio ne ménage pas ses efforts mais nous ne retrouvons pas toute la grandeur de sa musique ; seule sa déstructuration sonore persiste. Nous ne désespérons pas de voir ces détails se régler un jour et restons de toute façon plus qu’attentifs à la suite de leur discographie. (Pierre-Antoine Riquart)

(c) Élodie Denis

Voir Coilguns sur scène, c’est la garantie de vivre un excellent moment et le set bourlonais des Suisses ne déroge pas à la règle. Bénéficiant d’un son aux petits oignons et d’un public acquis à sa cause, le quatuor balance tous les tubes de son dernier et excellent album Odd Love. Louis Jucker délivre, comme de coutume, une prestation vocale prodigieuse et physique de haute volée. Sauts, stagedive, lancer de micro, tout y passe et régale le public présent en masse. Le reste du groupe n’est pas en reste et nous confirme que Coilguns est devenu une vraie machine de guerre scénique. Il est également à l’image du festival, plein de bienveillance et d’empathie, attitude en adéquation totale avec leur discours. C’est à se demander s’ils ont des défauts ceux-là ?! (Pierre-Antoine Riquart)

On est déjà aux premiers rangs pour les noise-rockeurs de Couch Slut, toujours pas remis de leur prestation au Roadburn 2024. L’absolue queen de la déglingue Megan Osztrosits arrive clope au bec et bouteille d’alcool à la main – la désinvolture avant la tempête. Elle semble ravie d’être là : déjà parce qu’on peut fumer en plein air, et parce qu’en France, on tabasse la police, soit les critères de base pour être adoubés par la New-yorkaise. La grande majorité des morceaux seront tirés de You Could Do It Tonight : la fantastique « Couch Slut Lewis », « Ode To Jimbo » ou encore l’absurde récit sanglant de « The Donkey ». Pour notre plus grande joie, Couch Slut fera également un détour par Take A Chance On Rock’n’Roll avec « The Stupid Man », introduite par Osztrosits comme « une chanson à propos de mon ex qui m’a poignardée dans le bide quand j’avais seize ans ». Osztrosits est par ailleurs en grande forme : elle s’éclate volontairement le micro sur le front et commence rapidement à avoir le visage en sang, pour s’exploser la lèvre de la même manière quelques minutes plus tard. Elle en profitera pour embrasser Amy, la flamboyante guitariste, car apparemment, rien de tel qu’un échange de fluides corporels pour renforcer les liens entre membres d’un groupe (?). Bref, rien qui ne sorte de l’ordinaire dans le lore de Couch Slut. (Alizarine)

On passe des tréfonds crasseux de New-York à ceux non moins cracra de la Louisiane pour un concert qui nous donnera l’impression d’avoir duré cinq minutes tellement l’intensité froide de Thou nous aura aspiré dans son sillon. Umbilical tenant déjà de la grosse branlée en soi, c’est sans trop de surprise que « House Of Ideas », « The Promise » et « I Feel Nothing When You Cry » provoquent la même perche en live. Vu le caractère légèrement prolifique de leur discographie, on ne remet pas tous les titres joués (ils semblent dater, en tout cas) mais peu importe : impossible de détourner notre attention de la scène et du charisme encapuchonné de Bryan Funck. Finalement, quand les lumières se rallument, on se dit qu’on n’aurait pas craché sur un set de deux ou trois heures tant celui-ci nous a paru à peine effleurer le Thou-jet (il fallait bien en placer une). (Alizarine) Il est bien légitime que la sémillante Alizarine ait trouvé le set de Thou trop court ; il n’a effectivement duré que 45 minutes. C’est assez dommage, le groupe disposant d’un créneau d’une heure. Si le charisme de Bryan Funk met tout le monde d’accord, on a connu sa voix mieux mise en valeur – lors du concert donné quelques mois plus tôt au Roadburn, par exemple –, tant ce qui sort des enceintes est brouillon. (Pierre-Antoine Riquart)

Samedi 22 juin :

Si on était complètement passé à côté de Destiny Bond, il aura fallu moins de deux minutes de concert pour se retrouver embarqué : le temps de faire connaissance avec Cloe Madonna et son art de la vocifération bondissante ponctuée de baisers au public. Grosse énergie communicative, grosses mélodies in your face et cerise sur le pompon : discours pro-trans qui met forcément en joie les fervents partisans de la wokisterie dont nous sommes. Un set ultra convaincant, éclair et punchy comme seul le hardcore sait nous en servir si bien qu’on se promet de ne pas rater les prochaines aventures de ces Américains ! (Alizarine) Complètement d’accord pour ce qui sera mon premier concert du Rock In Bourlon 2025 : les démo-K7 du groupe de Denver au Colorado (malheureusement absentes du merch) s’ornent d’un chérubin armant son arc et je reçois la flèche en plein cœur dès les premiers riffs hardcore frondeurs et éructations de la très charismatique frontwoman aux cheveux roses. « Wow, Black Flag avec une chanteuse survoltée » soufflera l’ami Vincent, tout aussi enthousiaste, décrivant à merveille le registre hargneux, old-school et tubesque du groupe. (Élodie Denis)

Heave Blood And Die (c) Élodie denis

Voir Heave Blood et mourir… Privée de premier jour de festival pour des raisons professionnelles, je réalise avec les Norvégiens de Heave Blood And Die que le destin a décidé de se rattraper en doublant la découverte Destiny Bond d’un deuxième coup de cœur encore plus retentissant en mode buffet à volonté : arrangements et mélodies post punk (un peu à la Beastmilk/Grave Pleasures), riffs parfois heavy shoegaze ou stoner (une scène dont ils sont apparemment originaires) et souvent post hardcore ou indie, chant mixte un peu emocore et Moog majestueux… aussi insaisissable que surprenant, le quintette nous séduit instantanément avec une fougue scénique digne des meilleurs groupes post-hxc/emo 90s à claviers (Cursive circa The Ugly Organ, Song Of Zarathustra…) bien qu’à regarder s’insurger ces jeunes gens sur scène (ou au milieu de la foule), la guitare au ras du cou, tout lisses et frais comme s’ils s’étaient soigneusement enduits de l’écran total de Maman et avoisinaient la vingtaine en années de chien, j’ai senti mes genoux craquer… Ce qui ne m’a pas empêchée de lever le poing, sourire extatique aux lèvres, sur des tubes aussi puissants que « Men like you » ou « Hits » instantanément gravés dans mon cerveau reptilien – d’imparables brûlots issus de leur excellent quatrième (!!!) album Burnout Codes également absent du stand merch… snif. Love at first sight (hearing) ! (Élodie Denis)

Spaced (c) Élodie Denis

La puissance et le groove du NYC hardcore – le groupe débarquant de Buffalo, NY – avec des riffs riches en fiortures heavy metal aux entournures, des breaks imparables, un chant féminin et une section rythmique qui tue… Une rondeur fusion qui n’est pas sans rappeler le Turnstile des débuts (« Boomerang », « Bad Energy »…), Spaced met le feu aux planches fort d’une vitalité et d’une classe rares. Derrière ses lunettes de soleil et son casque de boucles oranges (et avec une énergie digne de l’hilarant clip fitness-core de « Landslide »), Lexi Reyngoudt remercie le festival et harangue le public de quelques stances politiques bien senties avant de bondir et hurler en tous sens « Quand je vous demanderai de bondir, bondissez avec moi ! » exhorte-t-elle sur l’imparable « Rat Race ». À en juger par notre réaction à tous, elle n’avait même pas besoin de demander… (Élodie Denis)

On a déjà assisté au meilleur concert de Brat : c’était en mars, à Anvers, en première partie de Full Of Hell, Crowbar et Napalm Death. La cheerleader en chef Liz Selfish était absente pour extinction de voix et c’est Brenner Moate qui avait pris le relais vocal, généreusement soutenu par Dylan Walker, Kirk Windstein et Barney Greenway. Un set fun et plein de bonne humeur – ce qu’essaye justement de véhiculer Brat via son éminent concept bimboviolence. Mais ce jour-là à Bourlon, on peine vraiment à être convaincu. Quelque part entre Britney Spears et la foire à la saucisse, Brat reste pourtant solide sur ses appuis et maîtrise le grand écart entre Barbie, Véronique & Davina, et le death metal. Mais impossible de ne pas ressentir un malaise proportionnel à la généreuse carrure du batteur. Plutôt que de s’infliger une telle gêne, on préfère s’éclipser prématurément et se placer en bonne position pour Initiate. (Alizarine)

Initiate (c) Élodie Denis

Après Destiny Bond et Spaced, Initiate venait délicieusement compléter le combo ultra classe de groupes hardcore à chanteuse, non pas façon « cerise sur le gâteau » (comme le voudrait le cliché éculé) mais plutôt comme un troisième pancake empilé dans la généreuse assiette de la journée… « Is it too much… » commence Crystal Park sur le premier morceau du set (le récent « Too much »). La réponse s’imposait comme un NON franc et massif – et pourtant je n’aime pas tellement les mélodies de guitare du titre en question. S’ensuivra un « Lavender » incendiaire et un set à l’avenant… mais l’enthousiasme (fondé) de ma chère Alizarine m’impose de lui laisser raconter la suite de cette ignition… (Élodie Denis) On est effectivement chaud comme la braise à l’idée de voir Initiate et de chanter gaiement le dernier couplet de « Fool ». Non seulement la setlist nous comble, en privilégiant l’excellent Cerebral Circus et en nous offrant un « Fool » punitif à souhait, mais on verra même les braises de très très près avec une reprise du « Sleep Now In The Fire » de Rage Against The Machine. Liesse générale, crowdsurfing, braillements (les collègues de New Noise on vous voit), discours aussi vénère qu’émouvant de la chanteuse Crystal Park : l’assemblée semble hyper satisfaite, le groupe y compris. Sans doute le set le plus enthousiasmant de la journée pour notre part. (Alizarine)

Puisqu’on était sur le sujet de la foire à la saucisse avec Brat, revenons-y avec Hellripper et ses effets pyrotechniques digne d’un barbeuk occulte. Pourtant zéro malaise ici, les Écossais maîtrisent tous les codes du speed metal et nous les délivrent comme attendus, balançant d’entrée de jeu la très efficace « All Hail The Goat » dans un jet de flammes. La setlist best-of est bien huilée, les musiciens en totale maîtrise de leur art, cependant, ce concert nous laissera une légère impression d’à l’arrache sur la fin. Il faut dire que le groupe tourne énormément depuis quelques années et on peut comprendre que jouer pour la millième fois « Bastards Of Hades » (qu’on a du mal à reconnaître tant elle est expédiée) peut finir par lasser. Malgré la sensation que le quatuor s’emmerde un peu derrière sa barrière de flammes, le public semble comblé – et nous aussi, du reste, toujours ravi de nous prendre les rafales black’n’roll d’Hellripper ! (Alizarine)

Fulci (c) Élodie Denis

En parlant de rafales : le groupe de death italien Fulci débarque sur la petite scène avec l’envie d’envoyer gicler ses riffs death et samples de film comme leur Saint patron les litres de sang sur un tournage. Dans l’optique de rendre hommage au maître du cinéma gore transalpin, le quintette aligne les morceaux brutaux (« Apocalypse Zombie », « Among The Walking Dead »…) sur fond de projections d’extraits de longs métrages – assortis des paroles du groupe en mode karaoké – le tout entre deux interludes synthwave. Exit la boîte à rythmes des débuts, Fulci s’appuie sur les blastbeats d’un batteur au taquet (vêtu d’un tee-shirt Madball, ça fait plaisir), mais aussi sur leur producteur Leandro Ando Ferraiuolo promu second guitariste. Un ingénieur option spéléo : leur son s’avérant caverneux en toutes circonstances, au point qu’on ne sache plus s’il sort d’un studio ou d’un gouffre que même Google Maps refuserait de cartographier. À l’ombre de House By The Cemetery de Mortician (1995), sans doute – pour la nature gutturale et pachydermique du son exploré mais aussi l’hommage geek à leur réalisateur italien de chevet (Quella villa accanto al cimitero, 1981) ainsi qu’au cinéma d’horreur en général. Une tradition qui ravit l’assistance – moi la première –, extrêmement réceptive à leur approche technique mais non dénuée de groove, à l’image du guitariste Dome, que son tee-shirt Satriani n’empêche pas d’headbanguer copieusement derrière ses immenses lunettes noires irisées de skieur. (Élodie Denis)

HEALTH (c) Élodie denis

Si vous lisez new Noise, vous connaissez la passion de la rédaction pour ce trio californien à la croisée des genres – noise, metal industriel, indie rock, shoegaze, etc. – sa générosité stylistique donc, son humour absurde, ses explosions bruitistes, ses danses (le bassiste John Famiglietti), ses rythmiques martiales (le batteur Benjamin Jared Miller) ou ses vocalises éthérées et plaintives (le guitariste-chanteur Jake Duzsik). Tout cela sera bien au rendez-vous, et même davantage, avec un doublé « Identity »/« God Botherer » qui donne immédiatement le ton (épileptique). La nuit, les stroboscopes, et les déhanchements de John aidant (de même que sa capacité à faire l’hélicoptère avec sa longue tignasse brune), on se met à danser au milieu des fans du groupe croisés toute la journée, bien identifiables dans leurs tee-shirts noirs, rouges et blancs griffés HEALTH. Particulièrement lorsque « Stonefist » et « New Coke » s’enchaînent, ou que retentit leur réappropriation du « Be Quiet and Drive (Far Away) » de Deftones, parfaitement indiscernable du reste de leur répertoire pour qui ne connaîtrait pas le tube de la bande à Chino, avec quelques accalmies mélancoliques en cours de set, comme le « Major Crimes » de la B.O de Cyberpunk 2077, le « Tears » de celle de Max Payne 3 ou « Ashamed (Of Being Born) ». Sans oublier les laminoirs de metal (indus) en fusion puissamment martelé entre deux élans mercuriels, tel le martial et planant « Demigods » (« You demigods/Either lift me up or let me burn »), sublime croisement de Fear Factory et Chapterhouse (Fear Chapterhouse ?). Un set intense et vibrant, digne d’un trio complètement à part ! (Élodie Denis)

Après la claque Health, la programmation de Giirls, projet du guitariste de DEAD et FTR joue les prolongations logiques en matière de froide mélancolie synthwave avec une patte à part, aussi élégiaque, dansante qu’épique (l’arrivée sur le « Fears » avec une bande qui diffuse la voix de Modern Men). Les magnifiques lumières bleues et mauves plongent le public dans une atmosphère neon et aquatique à la fois, propice à faire remuer et pleurer tous les blade runners qui se seraient perdus dans la foule bourlonaise. Brice Delourmel alterne bidouillages electro, tripotage de potards, notes de synthé et batterie sur son pad pour offrir à son public de vraies plages de danse cold wave (« Leave Home ») quand il n’accueille pas Berne Evol (DEAD) pour « Asylum For Evil » (dans une interprétation encore plus intense – et Reznorienne – du morceau chanté sur disque par le frontman de Rendez Vous) et « Black Horse ». La lune, majestueuse, veillait indéniablement sur ce set d’une grande classe, et qu’elle était douce… (Élodie Denis)

The Bug (c) Élodie Denis

Posté entre deux rangées d’amplis Sunn comme un archer encapuchonné à sa meurtrière, Kevin Martin alias The Bug nous décoche des basses propices à la transe, et des infrabasses capables de ballotter nos cloisons nasales. Un mur de basses, en fait, qui nous traverse, nous emporte et nous mâchouille avec des variations subtiles, le tout dans une lumière continûment rouge. The Bug est une pulsation cardiaque dont la foule ondulante est le fluide vital, variable (sanguine) d’ajustement. D’une intensité probablement déstabilisante pour les oreilles profanes et/ou fourbues, le set de dub industriel largement basé sur la rythmique, les textures et le volume (indécent) fera fuir les plus timorés (fatigués) et ravira les autres (dont je fus) le temps d’incroyables montées en puissance comme « Buried (Your life is short) ». Tu m’étonnes, surtout la vie de mes tympans… (Élodie Denis)

Dimanche 23 juin :

Sur le papier, la description, fort prometteuse, de Lowen m’emballait – une Anglaise issue de l’émigration politique iranienne rencontre un guitariste à un concert londonien d’Ackercocke où ils décident de former un groupe metal riche de sonorités orientales. Et sur la scène de l’abreuvoir, je songe d’abord à une version doom du The Gathering de l’époque Mandylion, surtout quand le groupe entonne « Ashurbanipal’s Request ». Mais de titre en titre, la théâtralité de la frontwoman finit par me sortir du truc, à grand renfort de gesticulations avec une dague recourbée et surtout d’envolées lyriques qui m’évoquent bientôt toute la tradition des groupes symphoniques à robes de princesse (Lacuna Coil, Within Temptation, etc.). J’aime pourtant les riffs doom et l’orientalisme des mélodies ; n’empêche que je ne finirai pas le voyage avec le reste du parterre conquis (les veinards !), éjectée en cours de route du tapis magique. (Élodie Denis)

Witchfinder (c) Élodie Denis

Les Clermontois de Witchfinder assurent un set stoner-doom tout en lourdeur, en groove et en fuzz. On pense à Electric Wizard, tandis que certaines mélodies vocales nous rappelleront presque Torche/ASG par moments (« The Maze » lancée par une ligne de basse bien rampante et vénéneuse), ce qui n’est pas pour nous déplaire. La pesanteur devient volontiers planante à l’image du titre final, le fédérateur « Majijuana » (Élodie Denis)

Les Anglais de Five The Hierophant, encapuchonnés, m’entraînent dans leur psychédélisme occulte atemporel grâce à un saxophone qui structure certains morceaux, spiralant jusqu’à devenir leur colonne vertébrale (« Apeiron », « Moon Over Ziggurat »…). Je retrouve un peu l’orientalisme enviable de Lower – la chanteuse Nina Saeidi lançait d’ailleurs un morceau sur l’exorde « Lord Of The Ziggurat, hear my caaall » (« The Fortress Of Blood ») mais avec une plus grande sobriété (classe) due à l’approche instrumentale et parfois presque jazz (je songerai par moments à John Zorn ou Kayo Dot). Malgré la lumière zénithale cuisante, l’expérience vire au vortex noir nourri de gongs, cloches, cuivres et percussions divers pour un set envoûtant qui fait perdre toute notion du temps. (Élodie Denis)

Zig-Zags (c) Élodie denis

Zig Zags ou mon coup de cœur live perso de ce derrière jour de fest… Le power trio californien débarque torse nu pour envoyer son metal crossover (pensez D.R.I, ce genre de groupes) ; savoureux mélange de punk, de noise et de thrash. « The Fog » donne le ton : on va bouffer du Metallica circa Kill’em all (« Killer of the Killers » balancé dans les dix premières minutes histoire de mettre tout le monde d’accord, « At War With Hell »…), délayé avec un peu de Stooges, de Mötörhead et de Black Flag. Quant au groove et à la disto, ces darons américains ont fait le plein, vendant leurs âmes (et leurs tee-shirts) au rock’n’roll. Les brûlots s’enchaînent sans répit, qu’ils soient récents (« Deadbeat at Dawn », « Say It To My Face »…) ou plus anciens (le bien nommé « Punk Fucking Metal » qui vient conclure en beauté), inspirant pogos, slams en pagaille et gros sourires, malgré la chaleur difficilement supportable. (Élodie Denis)

En matière de sourires et de jolie conclusion, mention spéciale au set des Allemands de My Sleeping Karma qui lancent la transe avec leur « Brahama » suivis d’autres longs instrumentaux gorgés de claviers cosmiques, le tout dans un lightshow bleu et rouge du plus bel effet. Les spectateurs, conscients du fait que le dernier moment de partage musical est arrivé, ondulent au rythme lancinant des longues pérégrinations stoner psyché (dignes d’un Monkey 3 qui aurait atteint le nirvana, et se serait donc « allégé »). Les rictus de plaisir envahissent l’ensemble des visages, à commencer par ceux des musiciens (le guitariste géant en marcel semblant particulièrement aux anges), complètement hallucinés et émus par l’accueil qui leur est fait – sans oublier la team sécurité qui encourage les slammeurs à se déchaîner par des moulinets des mains (sous-titre « par ici les amis, lâchez-vous, c’est maintenant ou jamais ! »). La communion se termine sous le regard bienveillant du dieu Ganesh en backdrop, au rythme plus enlevé du déjà vingtenaire (et plus rock) « Hymn 72 ». Au revoir Bourlon, et merci pour cette superbe édition ! (Élodie Denis)