[Report] Hellfest 2025 (Clisson, dimanche 22 juin)

Régionaux de l’étape, les Nantais de Gravekvlt bénéficient d’un petit comité de fans pour les accueillir tôt le matin sur la Temple. Un soutien auquel se greffe très vite celui du reste du public tant le black’n’roll speedé des auteurs du récent Full Moon Fever convainc également en contexte live. Riffs punk, ambiance froide, les titres s’enchaînent avec une volupté aussi instable et directe que leur crédo musical autoproclamé, le « dungeon punk ». Ravigotant.

Si huit ans séparent les deux albums des Italiens de Guinea Pig (les bien nommés Bacteria et Parasite), leur gore/grind expéditif ne met pas autant de temps à mettre à l’amende leur auditoire. Puissant, destructif et éruptif, le trio ne fait évidemment pas dans la dentelle et bourrine en toute conscience, en dépit d’un nombre de concerts plutôt réduit ces derniers temps. Une vraie bonne redécouverte dans un genre pas forcément très mis en avant par le festival cette année.

On se demandait comment le groupe parisiano-grenoblois Aluk Todolo allait adapter son univers occult rock magnétique à une scène aussi grande que celle de la Temple. Quelques jours après leur incroyable concert à Petit Bain en compagnie des fantastiques Spirit Possession, le défi semblait de taille. Comme d’habitude, le groupe attaque sans crier gare, chaque musicien semblant absorbé par sa propre dynamique. Tandis que le batteur Antoine Hadjioannou et le bassiste Matthieu Canaguier distillent leurs lignes respectives dans un tissage rythmique/mélodique souple, Shantidas Riedacker déploie ses longues attaques de guitares en piqué, survolant la mêlée de ses éclairs électriques fantasques, de ses riffs obliques et de ses pulsations plus en rondeur. Le jeu scénique est désormais bien rôdé, avec la prise à deux mains de son pedalboard pour en jouer comme d’un instrument à part entière. Beaucoup de néophytes dans le public semblent hypnotisés, autant qu’une sécu bluffée par l’absence du moindre slammer à l’horizon. Respirez, vous êtes happés.

On aime souvent donner au genre « metal » une connotation gothique, guidée par la noirceur des looks et la prééminence des maquillages de goules. Mais les Américains d’Unto Others (précédemment appelés Idle Hands, jusqu’à leur changement de nom en 2020) jouent véritablement la carte d’un death rock nourri autant au heavy metal qu’au rock gothique de Christian Death et Bauhaus. Et ça fonctionne au-delà de toute espérance ! Originaire de la riche scène alternative de Portland, le groupe conduit par l’imposant guitariste/chanteur Gabriel Franco n’est peut-être pas parvenu à reproduire l’aura de ses albums Mana et Strength sur le petit dernier, Never, Neverland, mais sur scène, on se laisse complètement gagner par une formule mêlant structures flirtant avec le post-punk et la cold wave (« Can You Hear The Rain »), le metal brut de décoffrage (« When Will God’s Work Be Done », « Heroin ») et les guitares finement ciselées et soyeuses d’un rock gothique étonnamment volatile (« Suicide Today »).

Après huit ans de stand-by – le dernier album studio du groupe remonte à 2015 avec Exhausting Fire – retrouver Kylesa sur la Valley faisait visiblement plaisir à pas mal de monde. Certes, la formule à deux batteries du groupe de Savannah est révolue, mais le combo dispose toujours de deux préposés aux fûts, puisque le batteur Casey Rogers remplace pour la tournée le pourtant fraîchement arrivé Roy Mayorga, batteur de Ministry (et ex-Nausea, entre autres, tout comme le nouveau bassiste John John Jesse), mais aussi de Jerry Cantrell qui jouait quelques minutes plus tard sur la Valley. Reste que la musique du groupe n’a rien perdu de sa puissance irradiante comme le prouvent « Tired Climb » et « Don’t Look Back » qui ouvrent le bal et résument déjà ce que riffs et envolées harmoniques façon Kylesa veulent dire. Retour gagnant.

La curiosité nous mène devant la scène Altar pour découvrir l’intrigant projet Dethklok, groupe death metal studio initialement fictif et lié à la fameuse série animée américaine Metalocalypse. On découvre avec stupeur que c’est un Gene Hoglan considérablement aminci qui se tient derrière le kit de batterie, survolant comme à son habitude les éléments percussifs avec une maestria en concordance parfaite avec celle de la formation. Car Dethklok s’est désormais matérialisé sur scène, dans le sillage de son mentor, l’incroyable acteur/producteur et principal auteur de la série animée, Brendon Small. Et diable, qu’est-ce que ça claque ! Plus possédé qu’incarné physiquement sur scène, le groupe n’en a pas pour autant oublié la démesure visuelle des images d’animation qui constitue la matrice du projet (en résumé, pour ceux qui l’ignorent, l’histoire fantasmagorique d’un groupe de metal extrême typée Maîtres de l’univers maléfique – si j’ai bien compris, ce qui n’est pas sûr…). Et c’est justement le dialogue incroyable des deux qui précipite l’intensité folle de la performance. Cette quintessence de death metal mélodique et de brutal death, jouée sans temps mort se télescope à grande vitesse avec les images hypnotiques qui défilent sur l’écran derrière. Le cerveau a donc du mal à choisir sur quoi fixer son attention. La musique ? Le film ? Le choix est cornélien et le résultat dantesque. De quoi pousser ceux qui connaissent mal la série à s’y pencher plus sérieusement, même si on imagine que le déboulé du live n’a que peu à voir avec le modus operandi narratif d’un épisode habituel. (Laurent Catala)

Encore beaucoup de hardcore au programme de la Warzone ce dimanche, avec notamment Pain Of Truth, l’un des meilleurs représentants de la nouvelle vague US racaille et brutale (qui cartonne). Pour occuper cette grande scène, les New-yorkais ont installé un immense molosse gonflable, aussi affreux que parfaitement raccord avec leur direction artistique – une sorte de Pat’Patrouille du ghetto – ce qui s’avère objectivement génial. Michael Smith, serviette à la main, profite à fond de l’espace ; la setlist, bien équilibrée, pioche dans les différents EP et l’album. Tout roule… mais les problèmes de son plombent le set, surtout au niveau de la basse (pauvre bassiste, qui quitte la scène le temps d’un morceau, excédé et dépité). En plus, le groupe tourne en Europe avec un seul guitariste et la prestation y perd clairement en impact. Smith, lui, reste imperturbable : il boxe le gros chien gonflable et continue à haranguer une foule peu massive mais déterminée. On espérait mieux, mais Pain Of Truth sauve les meubles.

Ce qu’on apprécie au Hellfest, c’est que les programmateurs – enfin, surtout l’un d’entre eux – osent chaque année des paris improbables. Prayers en est l’exemple parfait. Projet solo de Rafael Reyes, Prayers balance une electro-goth/darkwave à direction artistique chicano-gangsta. Du « cholo-goth », selon ses propres mots. Voix aiguë, beats lascifs : Reyes fait le job pour ambiancer la Valley en début d’après-midi. Le public, en revanche, reste clairsemé. Ceux qui assistent au set se figent, scotchés par les deux colosses surtatoués, torses nus, poignards en main, immobiles pendant 45 minutes. Reyes récite un poème, balance son tube « From Dog To God » et assure le show… devant décidément pas grand monde. Programmer Prayers : excellente idée, on trouve génial que le Hellfest explore « l’extrême » ailleurs que dans le metal pur. Mais en after ou dans un autre contexte, ce concert aurait peut-être mieux fonctionné.

Par curiosité, on jette un œil (et une oreille) au phénomène deathcore prog Lorna Shore, désormais porté par la popularité de son chanteur « instagrammable » Will Ramos. Pyro massive, compositions alambiquées : le contraste intrigue. Les titres, interminables, alignent les démonstrations techniques… jusqu’à l’épuisement. Le guitariste lead, avec un son tellement trafiqué qu’on croirait entendre un clavier, incarne bien cette esthétique. Lorna Shore, c’est le FromSoftware du deathcore : exigeant, impitoyable et pas destiné à tout le monde… mais ça cartonne. En bons « casuals » du genre, on préfère les bourrinades de The Acacia Strain à cette tambouille symphonic death black metalcore. Peut-être est-on « trop vieux pour ces conneries », tout simplement.

Avant le dernier concert de Refused au Hellfest (tournée d’adieu), on subit la fin de Motionless In White, Mainstage oblige. Leur metalcore efficace (il faut l’admettre), porté par un son pachydermique, un gros light-show et des maquillages outranciers, ne présage rien de bon… Face à un public bien moins pointu qu’à l’époque, la tâche s’annonce rude pour les punks suédois. Et ça se confirme. Réduit à un quatuor depuis le départ de Kristofer Steen, Refused peine à investir la scène. Setlist irréprochable, toujours centrée sur The Shape Of Punk To Come, avec même « Pump The Brakes » en bonus, mais le tout manque cruellement d’énergie, autant visuelle que sonore. Dennis Lyxzén donne tout, mais ça ne suffit pas. Lui-même semble mal à l’aise avec l’immense avancée scénique prévue pour Linkin Park. Quand il s’y aventure, on sent qu’il déteste cette posture de rock star à contre-courant de l’éthique Refused. De toute façon, dans un Hellfest désormais gouverné par la logique du parc à thèmes, un simple backdrop ne suffit plus pour exister en Mainstage. Il faut proposer une attraction. Ce qui n’est pas le cas de Refused. Lyxzén s’interroge même à voix haute sur la pertinence de leur présence à cet endroit. Le public réagit mollement (et ce n’est pas qu’à cause de la chaleur), sauf lorsqu’il s’agit de crier « Free Palestine! » ou de s’embraser sur « New Noise ». On aurait rêvé d’un meilleur adieu à Clisson pour ces vétérans essentiels.

Le concert de Walls Of Jericho, ce dimanche à la Warzone ? On pourrait copier/coller ce qu’on a écrit en 2022 lors de leur énième passage. Sur disque, pas grand-chose à signaler depuis dix ans. Mais sur scène, c’est toujours le bulldozer ultime. Candace Kusculain, encore plus affûtée qu’en 2022, balance une prestation de brutal crossfit pendant 45 minutes, sans jamais rien lâcher. Elle court, saute, kicke, hurle et motive la foule à la suivre. Le line-up rajeuni assure derrière, et la setlist – quasiment figée depuis des années – déroule sans accroc. Encore un concert XXL pour WOJ. Et Candace reste, toutes disciplines confondues, notre athlète préférée.

Que Knocked Loose, l’un des deux poids lourds hardcore actuels avec Turnstile, ne remplisse pas entièrement la Warzone à cause de Linkin Park en face, résume bien l’évolution du public du Hellfest. Tant pis pour les absents : le quintette du Kentucky livre ce soir le meilleur concert des quatre jours. Grande croix en néon, light-show spectaculaire, son massif, riffs plombés : Knocked Loose a franchi un cap (et ce n’est pas fini, vu qu’ils ouvriront pour Metallica l’an prochain). Bryan Garris fait du two-step en mocassins entre deux hurlements stridents, la robe de samouraï du guitariste Isaac Hale amplifie ses mouvements, et les titres de You Won’t Go Before You’re Supposed To écrasent tout. Seul regret : l’absence de Poppy sur « Suffocate », alors qu’elle jouait plus tôt sur une Mainstage. Pour le reste, c’est un sans-faute. Knocked Loose fait même du Slipknot mieux que Slipknot, avec deux percussionnistes encapuchonnés martelant des toms sur « Take Me Home » (on croit reconnaître Trey Garris, frère du chanteur et batteur dans xWeaponx et Dare). Même si la Warzone a déjà vu plus de monde, le public reste scotché, pris à la gorge. Mention spéciale à Garris qui se mue en troisième guitariste sur « Sit & Mourn », au « arf! arf! » de « Counting Worms », aux breakdowns de « Mistakes Like Fortune », et à ce « Everything Is Quiet Now » final qui laisse tout le monde K.O. Knocked Loose s’impose ce soir comme un mastodonte du metal… sans jamais renier ses racines hardcore. D’ailleurs, au moment où l’on écrit ces lignes, Garris et Hale viennent de donner un concert explosif avec xWeaponx au Sound & Fury, le festival hardcore le plus brutal des États-Unis. Ils ne lâchent rien. Et c’est exactement ce pourquoi on les adore. (Bhaine)

Il fallait être motivé en ce dernier jour de festival pour être sur site dès midi mais admettons-le, revoir sur scène le groupe post-hardcore américain Gouge Away était l’argument le plus motivant pour y parvenir. Devant une Warzone encore clairsemée, le groupe attaque avec « Only Friend » et convainc instantanément. Christina Michelle impressionne au chant, d’une justesse bluffante, et dévoile toute l’étendue de son talent sur le tube « Maybe Blue ». Trente minutes de set, pas une seule de trop : Gouge Away déroule avec brio une large sélection des superbes morceaux de Deep Sage, et parvient, au fil des titres, à densifier sensiblement le public devant la scène. Ce groupe mérite tous les succès. On croise les doigts pour que le quatrième album confirme les espoirs qu’on place en eux depuis déjà un moment.

16h00, le soleil cogne toujours aussi fort. C’est sous une lumière écrasante que les Italiens de Messa entament leur prestation. Vous le savez peut-être – et l’avez sans doute lu dans notre report du Roadburn – on voue une réelle passion à leur dernier album, et leur concert à Tilburg frôlait la perfection. Ce dimanche, le quatuor joue à nouveau The Spin dans son intégralité, mais dans un ordre bouleversé. Toujours aussi irréprochables techniquement, les musiciens livrent une performance d’une grande tenue, même si l’émotion s’avère un peu moins saisissante que dans l’écrin tamisé du Roadburn. La faute aux conditions climatiques, sûrement. Cela dit, vu isolément, ce concert force le respect. Le public présent ne s’y trompe pas : l’adhésion est totale. Messa dégage une classe unique, et chaque morceau de The Spin – « The Dress » en tête – le confirme. Vivement octobre, pour les retrouver en ouverture de Paradise Lost. (Pierre-Antoine Riquart)

Guilt Trip sur scène, c’est à chaque fois l’assurance d’un show rôdé, tout en puissance frontale et harmoniques dissonantes. Leur passage à 15h10 sur la Warzone ne déroge pas à la règle : les Anglais embarquent rapidement un public encore peu fourni, mais très réceptif à leur hardcore metal aux accents 90s. En contrepoint de la posture un peu figée des guitaristes, Jay Valentine capte tous les regards, véritable toupie humaine, grand frontman capable d’enflammer n’importe quel pit, club ou open air : peu importe le cadre, l’intensité reste intacte. Le set fait la part belle à Severance, excellent second album du quintette, dont les morceaux composent les trois quarts de la setlist – pour notre plus grand plaisir tant on l’a poncé depuis sa sortie en 2023. Avec 45 minutes au compteur, on n’aurait pas boudé quelques titres supplémentaires, histoire de replonger un peu plus dans River Of Lies, premier opus très solide dont on n’aura ici qu’un seul extrait. En revanche, le groupe glisse un inédit prometteur, augurant du très bon pour la suite. Et comme à son habitude, il clôt son set avec sa reprise du « Davidian » de Machine Head, qui retourne tout le monde, sans surprise.

Journée bien chargée à la Warzone, et si Gorilla Biscuits ne joue pas en tête d’affiche, sa présence tient clairement de l’événement. Dès que résonnent les cuivres de « New Direction » (ici sur bande), frisson garanti. Comme pour Pain Of Truth ou Guilt Trip, la Warzone ne déborde pas, mais les premiers rangs accueillent avec ferveur ces légendes du New York Hardcore version Youth Crew. Souriant et chaleureux, Anthony « CIV » Civarelli déborde d’énergie, à l’unisson d’un Walter Schreifels toujours aussi en verve. Les titres old school s’enchaînent à un rythme effréné, tirés de l’unique album Start Today et de l’EP sans titre, tous balancés pied au plancher. La setlist ne s’arrête pas là : quatre reprises parfaitement exécutées viennent enrichir le tout – « Sitting Round At Home » des Buzzcocks, « Minor Threat » de Minor Threat, « As One » de Warzone, et surtout « Can’t Wait One More Minute » de CIV, tube imparable au refrain entêtant. On aurait volontiers signé pour d’autres morceaux post-Gorilla, mais on chipote. Les New-Yorkais livrent un set solide, même si CIV le reconnaît lui-même : la scène paraît légèrement surdimensionnée.

Seul représentant du hardcore mélodique cette année, Good Riddance fait figure de choix logique face au concert de Refused, programmé au même moment sur une Mainstage – lieu peu adapté à l’énergie punk des Suédois, qui auraient largement mérité la Warzone en tête d’affiche. Quelques t-shirts Bad Religion, Pennywise, Lagwagon ou NOFX laissent penser que les amateurs du genre ont fait le déplacement pour saluer l’un des meilleurs ambassadeurs californiens de la scène. Et Good Riddance ne déçoit pas : setlist généreuse, en mode best-of, le groupe enchaîne les tubes avec fougue et ferveur. Seul vrai bémol : le son. Le chant, parfois étouffé, peine à percer, tandis que la guitare se noie dans une rythmique métronomique trop dominante. Frustration inévitable, car au-delà de leur précision instrumentale, ce sont les mélodies – portées par la voix ou par les riffs – qui font toute la force du groupe. Et là, elles peinent à émerger. Malgré tout, le plaisir de retrouver Good Riddance prend le dessus. La générosité du set, la sincérité de l’interprétation et l’énergie partagée avec le public suffisent à transformer ce concert en moment fort pour les amateurs de punk mélo.

Une marée humaine accueille Cypress Hill en début de soirée sur la Mainstage 1. Signe d’ouverture du festival, leur présence s’impose néanmoins avec évidence pour qui connaît leur parcours : au-delà de son ADN hip-hop West Coast, le groupe a toujours flirté avec le rock et le metal, comme en attestent l’album Skull And Bones, par exemple, ou les projets parallèles de ses deux MCs (SX-10, Powerflo, Prophets Of Rage…). Mais même avant ces incursions saturées, Cypress Hill figurait déjà – aux côtés de Public Enemy ou House Of Pain – parmi les rares formations rap adoubées par le public metal dans les années 90. DJ Muggs, absent de la scène, laisse les platines à DJ Lord (Public Enemy), qui chauffe l’ambiance avec un mix mêlant Body Count, The White Stripes et Metallica avant l’arrivée de B-Real, Sen Dog et Eric Bobo (batteur/percussionniste). Le premier acte du concert aligne les classiques des quatre premiers albums : « I Wanna Get High », « Dr Greenthumb », « Hits From The Bong », « I Ain’t Goin’ Out Like That », « Cock The Hammer », « Insane In The Brain »… tous accueillis comme des hymnes. La complémentarité entre Bobo et Dj Lord est l’un des atouts du groupe sur scène, ce que vient démontrer l’énorme break instrumental à mi-parcours, véritable démonstration de technicité, mettant en avant leurs talents respectifs. En revanche, la seconde partie du set, à partir d’un « How I Could Just Kill A Man » glissant vers des sonorités rock/metal, se révèle un peu moins percutante. L’absence de musiciens live (guitare, basse) se fait sentir, et Bobo, trop martial sur la reprise du « Bombtrack » de Rage Against The Machine, assèche le groove du morceau. Heureusement, les deux titres rap metal « Can’t Get The Best Of Me » et « (Rock) Superstar » remontent la barre, portés par les scratchs inspirés de DJ Lord. En fin de set, Muggs annonce « le titre hip-hop le plus puissant au monde »… et quand retentit « Jump Around » de House Of Pain, la foule explose. Version raccourcie, mais effet garanti. Un show solide, à la hauteur des attentes, qui légitime totalement la présence de Cypress Hill et donne envie de rêver à un futur Public Enemy sur ces mêmes terres clissonnaises.

Parmi les rendez-vous à ne pas manquer de ce dimanche, Jerry Cantrell figure en bonne place en tête d’affiche de la Valley. Le public, nombreux, espère entendre quelques morceaux d’Alice In Chains, comme lors de son passage en 2022 où la setlist en débordait. Cette fois, Cantrell met davantage l’accent sur ses quatre albums solo, sans pour autant faire l’impasse sur quelques classiques du groupe légendaire. Comme il y a trois ans, Greg Puciato (Better Lovers, ex-The Dillinger Escape Plan) l’accompagne au chant, un choix une nouvelle fois payant : sur les titres d’Alice In Chains, la ressemblance vocale avec Layne Staley frôle parfois le mimétisme. Les ovations pleuvent sur « Them Bones », « Down In A Hole », « Would? » ou « Rooster », mais les compositions solo brillent elles aussi : « Vilified », « Cut You In », « Afterglow », « Had To Know » ou « Brighten » rappellent à quel point Cantrell excelle aussi comme auteur-compositeur-interprète en dehors d’AIC. Entouré d’un backing band solide (avec notamment Roy Mayorga à la batterie), le guitariste offre un show d’une grande classe, qui passe à une vitesse folle. Un set qu’on aurait aimé prolonger, tant ce heavy rock à la fois racé et incarné reste des plus précieux. (Bertrand Pinsac)

Quel plaisir de retrouver les Italiens de Messa, formation qu’on a souvent croisée ces dernières années sans jamais ressentir la moindre lassitude. Leur élégance scénique, l’alchimie entre Sara (chant) et Alberto (guitare), leur forte identité visuelle et sonore… tout concourt à cette impression d’intemporalité. On les retrouve d’autant plus heureux que le groupe a choisi, pour cette tournée, de consacrer l’intégralité de sa setlist à son dernier disque, l’excellent The Spin. Et même si ce n’est – on l’avoue – pas encore notre préféré dans une discographie déjà solide (quatre albums remarquables, presque sans déchets), la démarche, assez rare, force le respect. On aura donc droit à trois quarts d’heure de concert, sept titres au compteur, dont la richesse parfois étourdissante continue de tracer les contours d’un groupe décidément à part. Toujours insaisissables, les Italiens brassent une large palette d’influences : on leur connaissait une passion pour le jazz, le rock progressif, les musiques orientales ; The Spin ajoute une touche eighties (« Fire On The Roof »), des reflets cold wave… un mystère qui s’épaissit, et c’est tant mieux. Du bouleversant « The Dress » au très doom « Thicker Blood » en passant par l’imparable « Reveal », le quatuor déroule son set avec une maîtrise technique totale. Sara, d’une sobriété touchante dans ses interventions entre les morceaux, capte l’auditoire sans forcer, grâce notamment à sa prestation vocale souvent proche de la perfection. Ses trois complices brillent tout autant : Alberto, habité, livre un jeu d’une finesse presque scandaleuse ; Mark, tranquille et concentré, tient la basse et les claviers avec un naturel déconcertant ; Mystir, batteur plus extrême que prog dans ses inspirations, injecte depuis les débuts cette touche metal parfois incongrue, souvent bienvenue, dans les compositions du groupe. Un concert presque parfait, vite passé – trop vite, même. Seul bémol : si le son se révélait très bon, voire excellent, il n’atteignait pas le niveau d’exception de leur passage mémorable au Hellfest 2022, lors de la tournée Close. Rien de rédhibitoire, mais assez pour être noté. Cela dit, difficile d’imaginer meilleure façon de passer ce dimanche après-midi.

Le Hellfest 2025 touche déjà à sa fin : des obligations professionnelles nous rappellent à Paris dès le dimanche soir. Impossible toutefois de quitter les lieux sans un dernier détour par la Valley, où se joue un événement de taille : le premier concert de Kylesa en France depuis sa réactivation début 2025, après quasiment dix ans de silence. Reformé pour ses 25 ans (dont à peu près dix passés à ne rien foutre, certes), le légendaire groupe de Savannah, porté par le duo Laura Pleasants/Phillip Cope et fondé sur les cendres du culte Damad, revient sans l’une de ses deux batteries, et conserve des limites vocales assez nettes – Laura comme Phillip n’ont jamais été de grands chanteurs. Mais pour le reste… quel bonheur de les revoir ! D’autant que le son est excellent, qu’un public bien chaud est au rendez-vous, et que la setlist ne déconne pas du tout, Kylesa sachant parfaitement bien où aller chercher ses morceaux les plus marquants. On oublie donc les dispensables Exhausting Fire (aucun morceau joué) et Ultraviolet (un seul morceau joué, « Unspoken ») pour se concentrer sur le chef-d’œuvre du groupe, Static Tensions, fièrement et légitimement représenté par cinq extraits dont les monuments du sludge que sont « Unknown Awareness », « Running Red », « Nature’s Predators » ou « Scapegoat ». Ce dernier est bien accompagné par plusieurs passagers des excellents Spiral Shadow (dont « Tired Climb » et évidemment le tube « Don’t Look Back ») et Time Will Fuse Its Worth (« Hollow Severer », « Where The Horizon Unfolds »). L’ensemble forme une setlist assez imparable qui colle un grand sourire à toute la Valley, le groupe étant lui-même, de toute évidence, ravi d’être là. On ne regrette clairement pas d’avoir fait le détour. Une très belle manière de clôturer notre Hellfest 2025 – le dix-septième, si on compte à peu près bien. À l’année prochaine, Clisson. (Romain Lefèvre)

Journée du jeudi 19 juin
Journée du vendredi 20 juin
Journée du samedi 21 juin