Avec quinze ans d’existence au compteur, les Rennais d’Hexecutor ne sont pas forcément des perdreaux de l’année dans leur catégorie blackened thrash bien old-school, mais inutile de dire qu’ils n’ont pas pris le (relativement) nombreux public à s’être pressé pour les voir dans la matinée caniculaire de la Altar pour des pigeons. Fans de cuir et de clous (bon courage sous la chaleur), amateurs des premiers Sodom, Bathory (« Les Lavandières De La Nuit ») et autres réjouissances, welcome ! Le set est court, forcément, mais intense, se concentrant en particulier sur leur dernier album en date, Where Spirit Withers In Its Flesh Constraint, avec toujours cette couleur locale dans certains morceaux titrés en breton (« Paol Goz ») ou ciblant quelques personnages historiques du cru (« Dogue Noir » en référence au connétable Bertrand Duguesclin). Une noirceur ciblée qui frappe juste et fort, et qui se démarque agréablement dans des parties de basse et de batterie recherchées, venant habilement agrémenter des titres plus harmoniques qu’il n’y paraît.
Groupe à part, Årabrot assurément. Et si le chanteur/guitariste Kjetil Nernes prend le temps de présenter son projet comme jouant du rock insolite, le simple fait de voir en vis-à-vis leur emblématique croix celtique en surbrillance et un drapeau palestinien brandi dans le public symbolise toute sa singularité. De fait, l’énergie électrique est au rendez-vous. Derrière les riffs tendus et emphatiques de « We Want Blood », ou la lourdeur doom de « The Satantango », l’alchimie édifiante de l’association de Nernes et de sa femme et complice Karin Park, jouant dressée au milieu de ses claviers en toisant le public avec un dynamisme frondeur, ne fait aucun doute. La reprise plus alambiquée que l’originale du « Children Of The revolution » de T-Rex demeure aussi un must d’Årabrot, démontrant sa démesure mélodique notoire et son sens des arrangements sur le fil du rasoir. Mais, spécifiquement pour ce concert, l’énergie se fait aussi cérémonielle, le groupe norvégien ayant sous-titré sa performance Rite Of Dyonisus. À intervalles réguliers, choristes et danseuses paraissent sur scène dans des mises en scènes en mode bacchanale de midsommar scandinave, blancheur des costumes immaculés à l’appui. La cerise sur le gâteau tombe sur le dernier morceau, où une table d’agapes est amenée sur scène, alors que le dernier morceau, le titre-phare du nouvel album, le plus synthétique et limite-technoïde « Of Darkness And Light », fait entendre sa rythmique trépidante et dancefloor. Karin Park vend alors la mèche : il y a dix ans jour pour jour, Kjetil Nernes apprenait que son cancer était guéri et le couple décidait de se marier, offrant par voie de conséquence à son public les dix années de grâce musicale écoulées. Un anniversaire qui valait bien une célébration en effet et qui donne à leur concert une touche émouvante pas forcément habituelle dans la sécheresse claquée de la stage Valley.
Lorsque le groupe montréalais Dopethrone voit le jour en 2008 dans le sillage des idées embrumées de son leader, le guitariste/chanteur Vincent Houde, on capte rapidement l’alliage désiré. Leur formule plombée d’Electric Wizard parodiant Darkthrone électrise ainsi les premiers albums jusqu’à l’emblématique Transcanadian Anger de 2018 qui résume à lui seul la malice du projet. Depuis, le groupe de doom/sludge avait marqué une sorte de pause, interrompue seulement en 2024 par la sortie de Broke Sabbath. Leur venue sur la scène Valley du Hellfest s’annonçait donc capiteuse, ce qui se confirme très vite – lourd, grinçant, aussi métallisé que les plombages du meneur du trio que le grand écran nous donne à voir sous tous ses plans grimaçants, leur concert titille la rugosité brute de celui de Conan le lendemain (un cran en-dessous tout de même). Houde manie le verbe avec délectation, agitant ses longues dreadlocks entre deux commentaires en français québécois et une bonne rasade de son jerrican maison. Son chant râpeux accompagne parfaitement une setlist où perce quand même largement les hymnes du groupe (« Killdozer », « Planet Meth », « Wrong Sabbath » de Transcandian Anger, ou encore « Chameleon Witch » de Hochelaga) et on ne s’en lasse décidément pas.
Thrash is not dead! Bon on dit ça, on dit rien. Car au rythme où vont les choses, cet aphorisme ne vaudra peut-être plus grand-chose demain au Hellfest. L’âge aidant, les troupes combattantes des vieilles valeurs du thrash metal 80s se réduisent davantage à chaque édition, et la présence du style sur les main stages est désormais du passé. Mais la scène Altar servant désormais de zone de chantier musical permanent, où heavy metal, deathcore et restants de metal extrême se font la nique à qui mieux-mieux, le thrash canal historique avait au moins l’honneur d’une soirée nostalgique en bonne et due forme. Avec d’abord le quatrième mousquetaire du thrash allemand en l’occurrence, Tankard, pour tirer les premiers. Les Teutons n’ayant jamais brillé par leur sérieux, on s’attend donc à une salve de titres bien prenants et ficelés à la va-vite, à l’image de leur facétieux personnage skater luttant pour garder sa chope pleine. Mais si on est content de retrouver la troupe du toujours rondouillard chanteur Gerre (où ne demeure de la grande formation que le bassiste Frank Thorwarth), les anciens fans restent un peu sur leur faim. Deux titres de leur très moyen dernier album Pavlov’s Dawgs, d’autres de disques aussi dispensables que A Girl Called Cerveza, et on se rend très vite compte que les incontournables Chemical Invasion, Zombie Attack et surtout The Morning After vont être réduits à portion congrue. Bref, on prend ce qu’il y a à prendre, et on se rassure en fin de concert lorsque l’hymne légendaire « Empty Tankard » résonne comme l’antienne attendue. A défaut d’ivresse, on aura eu au moins ça.
Les californiens d’Exodus prennent ensuite le relai avec désormais, leur ex-nouveau chanteur Rob Dukes derrière le micro. Je ne mentirai pas en disant que je préfère Steve Souza (le regretté Paul Baloff ne pouvant pas revenir et pour cause), mais ce n’est finalement pas là que le bât blesse. Non, le groupe se donne à fond et balance en majorité des titres de Bonded By Blood, de Fabulous Disaster (le fabuleux morceau éponyme et le moshy « The Toxic Waltz ») et même un « Brain Dead » bien senti du sous-estimé Pleasures Of The Flesh. Mais à trop vouloir bien faire, le groupe phare de la Bay Area se brûle un peu les ailes en confondant vitesse et précipitation. Ça joue vite, très vite, trop vite parfois même, Gary Holt donnant souvent l’impression de dépasser les tours d’origine des riffs, ce qui ne l’empêche pas de bricoler en laissant le manche à un roadie et le médiator à Dukes pendant qu’il boit sa bière, la guitare toujours en bandoulière. On ne leur jettera pas la pierre car le public en redemande, mais le groupe a peut-être un peu abusé de « Deathamphetamine » avant de monter sur scène.
Finalement, ce sont les troisièmes larrons de Sacred Reich qui mettent tout le monde d’accord. Dans la hiérarchie du thrash américain pourtant, le groupe de Phoenix mené par l’éternel bassiste/chanteur Phil Rind, est loin d’être sur le podium des groupes à succès. Mais les vrais savent, et ce soir-là c’est du côté des auteurs des pépites Ignorance et The American Way que les fans seront comblés. Déjà, Sacred Reich a assurément le son le plus clair et percutant, ce qui permet au précieux quatuor, où manque désormais à l’appel le regretté guitariste Jason Rainey, d’enchainer les premier titres-clés (« Death Squad »). Signe positif, les morceaux du récent album Awakening ne dépareillent pas au milieu du lot, « Divide & Conquer » en particulier. Mais c’est l’enchaînement final du concert qui va mettre tout le monde d’accord. Après un solide « Ignorance », le riff modulé de la reprise de « War Pigs » fait tressaillir le chapiteau, avant que le furieux « Surf Nicaragua » ne plante la banderille finale. Voilà une soirée oldies qui se conclut bien.
S’il y a bien un set que nous attendions avec impatience ce vendredi, c’était celui d’Årabrot, intitulé Rite Of Dionysus, censé célébrer les dix ans de mariage de Kjetil Nernes (guitare/chant) et Karin Park (synthé/chant), célébrés la veille du fameux Midsommar suédois. Ce genre de set spécial est généralement l’apanage du Roadburn Festival, et c’est un bonheur de voir le Hellfest accueillir lui aussi ce type de performance. Le groupe démarre pourtant son concert de manière classique avec quelques-uns de ses « tubes » : « Hangman’s House », « Kinks Of The Heart », ou encore la reprise de « Lightning’s Girl » de Nancy Sinatra, sur laquelle Karin Park slamme et chante allongée sur le public. Mais c’est avec « We Want Blood » que les choses sérieuses commencent. Entrent alors en scène les danseuses de la troupe spécialement constituée pour l’occasion, les « Årabrot Angels », chorégraphiées par Emmy Park, qui insufflent à la prestation une dynamique complètement nouvelle. Årabrot se réinvente et décuple notre plaisir. Avant d’introduire leur nouveau morceau « Of Darkness And Light » (oui, c’est aussi le titre de leur précédent album, bien que ce morceau n’y figure pas), Karin Park explique qu’ils vont recréer la scène de leur mariage, célébré exactement dix ans plus tôt. Les danseuses reviennent, installent une table drapée d’une nappe blanche, garnie de bouteilles d’alcool et de nourriture, et entament une orgie gothique pendant que le groupe joue. C’est décadent, puissant, irrévérencieux, totalement jouissif. Årabrot a toujours occupé une place particulière pour nous, mais ce concert majestueux consacre Karin et Kjetil comme notre couple de parents/musiciens/artistes préféré de toute la scène. Ils sont magnifiques ensemble, et insufflent leur joie à quiconque est prêt à la recevoir. Mille fois merci ! (Laurent Catala)
Difficile, après la prestation d’Årabrot, de trouver un groupe capable de leur tenir la dragée haute. Nous retournons toutefois à la Valley, après une pause fraîcheur bien méritée, voir les mauvais garçons de Dopethrone, en espérant retrouver le plaisir éprouvé à l’époque de Hochelaga ou Dark Foil. Si le batteur Shwan n’a pas de chance en perçant sa peau de caisse claire dès le premier morceau, le reste de la prestation ne sauve rien. Le chant de Vincent Houde frôle le pitoyable, il enchaîne les riffs éculés à la guitare et passe plus de temps à déclencher des larsens ou à jouer les badass qu’à livrer une vraie chanson. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les retrouvailles furent d’une pénibilité rare. Espérons que ce ne soit qu’un passage à vide…
Dernier concert du vendredi à la Valley : les Américains d’Hermano, dirigés de main de maître par le guitariste David Angstrom et le chanteur John Garcia – oui, l’ex-chanteur de feu Kyuss. Sorti d’un hiatus de presque huit ans en 2016 par le Hellfest, le groupe remonte sur scène en Europe cette année, à nouveau au même endroit. C’est dire si ce festival tient une place particulière dans leurs cœurs – et sans doute aussi dans leur porte-monnaie, car notre petit doigt nous dit qu’Hermano joue durant le créneau que le Hellfest souhaitait réserver, à prix d’or, à Acid Bath. Bien que Muse joue en parallèle, cela n’empêche pas le quintette de se produire devant une Valley absolument bondée et acquise à sa cause. John Garcia, même s’il s’aide parfois d’antisèches, livre une prestation sublime. Quel dommage de ne pas entendre plus souvent ce chanteur unique, même si physiquement il évoque aujourd’hui davantage un agent immobilier véreux qu’un chanteur de rock… Il n’a décidément rien perdu de sa superbe vocale. Le reste du groupe, David Angstrom en tête, assure pleinement — et il est difficile de croire qu’ils aient si peu répété avant de monter sur scène. Quand on est bon, on est bon. (Pierre-Antoine Riquart)
Ça y est, la canicule est totale. On prend notre courage, crème solaire, couvre-chef et gourde pour affronter cette chaleur suffocante et un soleil écrasant à son zénith à deux heures de l’après-midi, direction la Valley pour assister à la performance de Sandrider (avec des ex-Akimbo). Loin de faire baisser la température ambiante, le trio originaire de Seattle va au contraire nous écraser un peu plus au sol avec ses morceaux abrasifs mêlant stoner, noise rock, grunge, heavy rock et sludge. Face à un public pour le moins clairsemé et en quête de la moindre zone d’ombre, la formation livre une prestation toute en tension et en explosion, pour la plus grande joie des headbangers – du moins de ceux ayant encore la force de bouger la tête. À l’épaisseur des lignes de basse répond la massivité des riffs de guitare, tandis que la batterie se fait tour à tour roborative et éruptive. Le chant, majoritairement éructé, distille en filigrane des lignes mélodiques enraillées, toujours parfaitement en phase avec la musique du groupe dans une osmose esthétique d’une cohérence totale. Et si l’affluence reste modeste, le public présent encourage Sandrider à poursuivre sa politique de terre brûlée, titre après titre. Tout sourire, le frontman Jon Weisnewski ne cache pas son plaisir d’être là, ponctuant le set de quelques interventions brèves, dans le cadre d’une prestation à la qualité sonore exemplaire. Jamais décevant sur album, Sandrider confirme ici son statut de trésor un peu trop bien caché de la scène heavy rock au sens large, avec une performance au diapason de la météo : caliente !
C’est avec hâte que l’on retourne à la Valley à 16h pour notre dose de gothic rock/post-punk avec Årabrot, qui avait livré il y a six ans un excellent concert en terres clissonnaises. Rebelote cet après-midi avec un set habité et incantatoire, faussement minimaliste et terriblement maîtrisé. En configuration trio, le couple Kjetil Nernes et Karin Park, accompagné d’un batteur, distille une musique fascinante où synthés et guitare dialoguent dans un souci constant de créer des atmosphères chamaniques et ésotériques, tout en prenant soin de bomber le torse sur des passages flirtant avec le noise rock. Visuellement, le contraste est saisissant entre la morgue classieuse de Kjetil, toujours apprêté comme s’il se rendait à une convention amish, et l’exubérance de Karin, véritable pile électrique gigotant autant qu’elle le peut, coincée entre ses deux synthés face au public. Sans backdrop mais avec une croix celtique lumineuse en fond de scène, Årabrot n’a besoin de presque aucun apparat pour convertir de nouveaux adeptes à sa formule très personnelle. Il fait pourtant appel, en cours de concert, à des danseuses et à l’installation d’un banquet, enrichissant une scénographie cohérente avec l’esthétique développée au fil de sa carrière. Au milieu de ses compositions originales, Årabrot glisse sa reprise du « Children Of The Revolution » de T. Rex, qu’il s’approprie avec aisance tout en restant fidèle à l’original. Une prestation à l’image de la formation : singulière, magnétique et enthousiasmante !
Passer d’Årabrot à Leftover Crack, c’est risquer le choc esthétique, tant musical que vestimentaire. Car lorsque la formation new-yorkaise investit la Warzone à 16h50 pour balancer son anarcho-punk mâtiné de ska et de très légères touches black metal, on se dit que le look du chanteur Stza vaut bien celui du frontman d’Årabrot — et honnêtement, vu la température, on a chaud pour lui. Pantalon ultra serré, chemise, cravate et gilet : on se demande comment il va tenir dans une telle fournaise. Tout simplement en se dévêtant au fil du concert, jusqu’à finir en débardeur caché sous sa chemise ! Une contrainte que n’a pas eu à subir Tibbie X, l’autre vocaliste de Leftover Crack, elle également aussi peu vêtue que possible, dans les limites de la décence. Ayant renouvelé l’intégralité du line-up depuis l’an dernier autour de lui, Stza est désormais le seul membre originel et maître à bord de cet agent provocateur de la scène punk américaine. Pour autant, la version 2025 de Leftover Crack tient bien la route, s’imposant sans mal sur scène et interprétant les classiques avec force et implication. Malheureusement, la sonorisation connaît quelques ratés, notamment au niveau des voix (ce dont se plaindra Tibbie X), mais quel plaisir de pouvoir à nouveau entendre des morceaux de leur premier et meilleur album Mediocre Generica, comme « Homeo-Apathy », « Nazi White Trash » ou « Crack City Rockers ». Rien que pour ça, on est conquis. Leftover Crack pioche aussi dans ses trois autres disques avec les excellents « Life Is Pain », « Don’t Shoot » et « Rock The 40 Oz. ». Mais le moment le plus réjouissant reste sans doute la reprise de deux titres de Choking Victim, « 500 Channels » et « Infested », groupe culte dont Leftover Crack est issu. Ou comment transformer la Warzone en allée malfamée de la Grosse Pomme.
Il avait annulé sa venue à l’édition 2023 : The Cult est de retour cette année, et alors que l’on arrive devant la Mainstage 1, où il se produit à 18h35, une question nous taraude (et nous taraudait déjà en 2011 lors de son premier passage au festival) : pourquoi un groupe de cette envergure, avec une telle carrière, ne fédère-t-il plus massivement ? Car c’est face à un public clairsemé et visiblement peu concerné (la chaleur n’aidant pas à motiver les troupes) que la formation légendaire investit la scène. Pourtant, les Anglais (même si Ian Astbury rappelle à plusieurs reprises qu’il est canadien, ayant grandi en Ontario) ont bien des atouts pour créer l’événement : le charisme d’Astbury est intact, et malgré le poids des ans, il continue de chanter divinement ; Billy Duffy reste un formidable guitariste, aussi à l’aise en rythmique qu’en lead, décochant riffs percutants et mémorables ; et surtout, le répertoire du groupe regorge de classiques intemporels capables de séduire le plus grand nombre. Tout cela se vérifie une fois encore avec un set impérial, piochant dans la période la plus prestigieuse de leur discographie, avec les albums Electric, Love et Sonic Temple. Setlist de festival oblige, les disques récents sont évincés, et pour trouver des titres hors âge d’or, il faut remonter à Between Good And Evil, datant tout de même de 2001, avec « Rise » et « War (The Process) ». Pour le reste, on a droit à un enchaînement de tubes hard rock 80s de qualité premium : « Wild Flower », « Rain », « She Sells Sanctuary », « Fire Woman » et « Love Removal Machine ». Difficile de faire la fine bouche face à tant de classe, d’autant que l’interprétation est impeccable et qu’Astbury, tout de noir vêtu avec un bandana vissé sur le crâne, est en grande forme, tambourin en main et arpentant la rampe prévue pour Muse quelques heures plus tard. Sa performance terminée, le groupe quitte la scène, à l’exception d’Astbury qui s’agenouille brièvement pour une prière bouddhiste. Au final, un très bon show, qui aurait mérité bien plus d’attention tant The Cult se fait rare par chez nous.
C’est un public relativement conséquent qui se presse à la Valley pour le concert de Pentagram à 21h45. On l’imagine constitué d’une bonne part de fans de cette légende du doom à la carrière pour le moins chaotique, mais aussi beaucoup de curieux venus découvrir sur scène cette star des réseaux sociaux bien malgré lui qu’est devenu Bobby Liebling – tout le monde connait ce mème le montrant en version halluciné, qui a explosé les compteurs de vues. Le côté positif de l’affaire, c’est qu’il a remis un sacré coup de projecteur sur Pentagram. Contrairement à The Cult, aperçu une paire d’heures plus tôt et ayant axé son set sur ses classiques, Pentagram, lui, n’a pas oublié qu’il est encore en tournée promotionnelle pour le récent Lightning In A Bottle, sorti l’an dernier. Et il le fait savoir en mettant largement les morceaux de cet album en avant dans sa setlist, au détriment, fatalement, de certains titres historiques. Ainsi, sur la douzaine de morceaux joués ce soir, cinq sont issus du petit dernier – un ratio élevé, mais qui se justifie en partie par le fait que derrière Bobby, on retrouve un tout nouveau (et énième) line-up, constitué aux deux tiers de membres de Mos Generator. Arrivé en 2024, ce groupe a composé et enregistré l’album en question et vient aujourd’hui le défendre sur scène. Mais Pentagram sait aussi actionner la machine à remonter le temps en allant piocher dans Relentless (« The Ghoul », « Sign Of The Wolf (Pentagram) », « 20 Buck Spin »), Day Of Reckoning (« When The Screams Come ») ou Review Your Choices (« Forever My Queen » et la chanson-titre), pour livrer au final un set vigoureux et tout à fait honnête. Liebling, plutôt en forme malgré ses 71 ans (même si on ne comprend pas grand-chose à ses interventions entre les titres), assume pleinement son image de cabotin et en joue avec modération, sans trop forcer sur les grimaces. Derrière lui, la nouvelle formation affiche une solide assise, menée par le guitariste Tony Reed, dont le jeu de scène démonstratif et l’implication visible contribuent clairement à la réussite du concert. Et si certains fans ressortent sans doute un peu frustrés par la setlist, l’opération reste rondement menée : Pentagram a offert un concert irréprochable. (Bertrand Pinsac)
L’un des grands principes du Hellfest : thématiser chaque journée par scène. Sur l’affiche, l’idée séduit immédiatement, l’ensemble a de la gueule et suscite l’envie. Mais une fois sur place, la frustration guette dès que les thématiques ne trouvent aucun écho sur l’ensemble des scènes. Exemple avec la Warzone du vendredi : pas l’ombre d’un hardcore bourrin, uniquement du punk pur jus et ses dérivés. Seule entorse à cette ligne rigide, les Parisiens de Lion’s Law, qui mêlent street punk, Oï et hardcore nerveux avec une efficacité redoutable. Armé de son excellent dernier album, le groupe donne tout sous un cagnard de tous les diables – pas vraiment un temps à mettre un crâne rasé dehors. Pourtant, la prestation peine pourtant à décoller, sur scène comme dans le public, malgré l’engagement visible. Une forme de fatigue, physique comme mentale, colle parfaitement à l’identité du groupe, forgée dans l’adversité. Difficile de rester insensible lorsqu’ils dédient « Brother » au chanteur récemment disparu de Komintern Sect, groupe culte de Oï française, passé lui aussi par la Warzone, et qui partageait son batteur avec Lion’s Law (et les Burning Heads). De la rage, des conditions extrêmes, des prolos qui suent sang et eau pour défendre leur art : difficile de faire plus Lion’s Law dans l’esprit.
Muse symbolise à lui seul cette édition 2025 du Hellfest, preuve vivante du basculement vers une Rock-en-Seinisation assumée : adieu metal pur, bonjour grand public et crossover pour festivaliers des Vieilles Charrues. Rien de fondamentalement faux dans ce constat, mais quelques nuances s’imposent. D’abord, le Hellfest n’a jamais revendiqué une orthodoxie metal stricte : il s’est toujours défini comme un festival des musiques extrêmes. Et Muse, oui, est un groupe extrêmement pop — mais aussi plus rock et sincère que certains projets d’ingénierie musicale comme The Hu. D’ailleurs, en passant devant les Mongols reprenant « The Trooper » d’Iron Maiden, la logique de parc d’attractions tournait à plein régime. Franchement, on préfère encore Muse en tête d’affiche que Deep Purple ou Megadeth, ces figures usées qu’on voit pour la douzième fois. Le trio a toujours revendiqué son amour du metal, et sa setlist taillée pour les festivals lourds laissait espérer un vrai moment de rock musclé. Sauf que… le concert démarre sur un single mou, plus flasque qu’un festivalier en bob ironique cuit par le soleil clissonnais. Et, pire encore, le son vire au désastre : aucune guitare, des voix quasi inaudibles, une balance incohérente. Les morceaux défilent sans amélioration. On soupçonne presque un sabotage. Bellamy et ses deux acolytes tentent bien d’intégrer des bribes de Rage Against The Machine, Slipknot ou Gojira à leurs compos, mais rien ne prend. En dehors de la basse et de la batterie, il faut tendre l’oreille pour distinguer quoi que ce soit. Il paraît que le son s’est amélioré en seconde partie de set, que le concert est devenu excellent. Peut-être. Mais après huit morceaux à subir un bœuf basse/batterie de luxe, la lassitude l’emporte. Impossible de tenir. Dommage, car jamais on ne claquera 150 euros pour les voir dans un stade. Occasion manquée.
Autre événement du jour, tout aussi discutable : la « reformation » des Sex Pistols avec Frank Carter à la place du très fâché Johnny Rotten. On avait déjà vu Steve Jones et Paul Cook aux côtés de Billy Idol sous le nom de Generation Sex, en 2023, pour une prestation aussi cataclysmique que déprimante. L’optimisme ne régnait donc pas. Seule lumière dans le tableau : Frank Carter, bête de scène, au timbre proche de celui de l’autre punk roux – en bien meilleur. Mais sous cette chaleur, difficile de ne pas s’inquiéter pour les trois vétérans qui, une fois sur scène, paraissent encore plus âgés qu’ils ne le sont réellement. Espérons qu’ils s’hydratent entre chaque titre. Le début confirme les craintes : prestation poussive. Glenn Matlock, fidèle au poste, assure à la basse comme à l’époque de Never Mind The Bollocks (avant d’être viré au profit du « plus vendeur, plus looké, plus toxico » Sid Vicious). Paul Cook, lui, semble bloqué sur un seul et même pattern de batterie ; s’il s’arrête une seconde, on craint qu’il ne reparte jamais. Steve Jones peine à trouver ses marques mais se réveille peu à peu. En face, Frank Carter joue son rôle avec toute l’énergie et le charisme qu’on lui connaît. Reste un problème : passé trois ou quatre tubes légendaires, les Sex Pistols, on l’avait un peu oublié, c’est pas toujours génial. Entre « Pretty Vacant » et « God Save The Queen », l’ennui s’installe malgré l’engagement de Carter et la solidité (relative) des anciens. Heureusement, une reprise des Stooges vient pimenter le tout, avant un final inattendu : « My Way », dans une version somptueuse, très loin de celle atroce popularisée par Sid Vicious. Ce soir, Carter et les « vrais » Pistols lavent cet affront et rendent justice à l’une des plus belles chansons du répertoire francophone. Évidemment, « Anarchy In The U.K. » conclut le set dans une Warzone toute acquise, chantant à pleins poumons. Un concert finalement plus touchant qu’espéré, avec un Frank Carter sincère, respectueux, qui rend un bel hommage à ces figures fondatrices du punk. Au point de faire oublier, presque, cette drôle d’impression d’assister à une sortie troisième âge avec un jeune accompagnateur survolté. (Bhaine)
Journée du jeudi 19 juin
Journée du samedi 21 juin
Journée du dimanche 22 juin
Merci encore à New Noise de m’avoir fait découvrir Arabrot. Révélation sur album et certainement dans mon top 3 du fest!
J’ai pu remercier PA en direct après le concert mais merci à vous tous.