Report : Download Festival France 2018

Par Clément Duboscq

Frank Carter & The Rattlesnakes (c) Ronan Thenadey

Troisième édition pour le Download Festival, tel que décliné dans sa version tricolore. Pour la deuxième année consécutive, nous avions rendez-vous en Essonne, non loin de Brétigny-sur-Orge, plus précisément à la Base Aérienne 217, pour 4 jours (3 en ce qui nous concerne) de rock alternatif, de metal et de ses dérivés. Pour le moins solide, l’affiche de cette cuvée 2018 fait cohabiter grosses machines populaires telles qu’Ozzy Osbourne, Foo Fighters, Guns N’ Roses, Marilyn Manson, The Offspring, Ghost, et artistes issus d’une certaine scène underground, comme peuvent en témoigner les présences de Converge, Dead Cross, Mantar, Perturbator ou Hangman’s Chair. Ou comment, disons-le franchement, Live Nation a eu le pif creux. New Noise y était, New Noise vous raconte.

Vendredi 15 juin

Premier constat (et seul point noir en termes d’aménagement que l’on évoquera) alors que nous pénétrons dans l’enceinte du festival, sans avoir dû patienter aussi longtemps qu’attendu : la tendance est aux herbes hautes ! À notre grande surprise, la pelouse n’a été tondue que devant les scènes. Ce qui rendit difficile la circulation ailleurs que dans ces zones et les chemins de bitumes. L’affluence règlera certes ce problème en piétinant la verdure, mais un tel désagrément aurait facilement pu être évité. C’est donc avec les mollets qui grattent que l’on se dirige vers la Main Stage 2, pour le premier concert du festival. Nouveauté de cette édition : le Download Project donne l’opportunité à des groupes locaux d’ouvrir la deuxième scène principale du festival pendant le week-end. En ce vendredi, c’est à Wakan Tanka d’ouvrir le bal, présentés dignement par Fred, community manager du Download, accompagné de Nicole, habitante du Plessis-Pâté et mascotte du week-end. Trio guitare/batterie/claviers, Wakan Tanka tente de convaincre avec beaucoup de décontraction un public encore un peu clairsemé, mais attentif. Un mélange de stoner rock et d’electro qui peut surprendre sur le papier, mais qui n’a pas à rougir en termes de groove et de lourds riffages. Sympathique. L’ambiance décolle pour de bon quand arrivent les Canadiens de Billy Talent sur la Main Stage 1. Alors que la scène se voit habillée aux couleurs de leur dernier album en date, Afraid of Heights, nous n’aurons aujourd’hui droit qu’à un seul extrait de celui-ci, en l’occurrence « Big Red Gun ». Billy Talent joue la carte du best of, et ce n’est pas pour nous déplaire. Un enchaînement de tubes qui sentent bon l’adolescence (« Red Flag », « Devil on My Shoulder », « Fallen Leaves », « Viking Death March »…) servis par une énergie folle, et le combo guitares/voix reconnaissables entre mille d’Ian D’Sa et de Benjamin Kowalewicz. Pas de doute, le quatuor porte toujours autour du cou la clef de voute de la Chapelle Sixtine de l’emo punk.

Sprintons à l’autre bout du site jusqu’à la Spitfire Stage, minuscule scène qui s’apprête à subir la déflagration française à côté de laquelle vous ne pourrez pas passer : Pogo Car Crash Control. En quelques années et à force de boulot acharné, ces quatre jeunes gens se sont extirpées de leur 7-7 natal pour se faire tranquillement une place au sein de la scène vénère française. Avant de mollarder le Hellfest, l’Xtreme Fest et le Cabaret Vert, tour de chauffe au Download, donc. La foule, bien que généreuse, semble essentiellement à convaincre. À ce jeu-là, point de difficulté pour le groupe, puisque les morceaux du premier album Déprime Hostile (lire chronique dans New Noise n°43) sont accueillis avec ferveur. Il faut dire qu’il est difficile de ne pas perdre tout contrôle en ingurgitant ce cocktail de punk, garage, grunge et thrash. C’est donc un carton pour P3C, dont le chanteur/guitariste Olivier Pernot peut se targuer d’avoir dégainé LA punchline de tout le festival, sans comparaison aucune : « Le soleil c’est un gros fils de pute ! » (NdRC : On n’ose imagine le niveau des autres alors…). Nous retournerons sur cette Spitfire une bonne heure plus tard, pour le concert des chantres de l’electro dance metal à la française que sont les Toulousains de Sidilarsen. Leur prestation au Hellfest 2017, bien que très bonne, nous avait laissés un peu sur notre faim. 30 minutes, c’est un poil light pour résumer une carrière de 20 ans. Il s’agissait de prendre sa revanche en cette fin d’après-midi, avec un set bien plus fourni et qui, comme Billy Talent plus tôt, a ravivé pas mal de souvenirs. On ne peut plus efficace, « Retourner la France » fait son petit effet. L’audience se lâche pour réserver un accueil chaleureux à la poignée de titres les plus représentatifs de Sidi qui nous sont aujourd’hui joués. Retenons « Comme on vibre », « Back to Basics », « Guerres à vendre » (avec la participation surprise d’Arno et Poun de Black Bomb A), ou les plus anciens « Fluidité » et « La Morale de la Fable », qui ont fait mouche.

Opeth (c) Ronan Thenadey

Changement de registre (et c’est loin d’être le dernier grand écart du week-end) alors que l’on retourne sur la Main Stage 1 pour les papes du prog à la suédoise, Opeth. Malgré la renommée du quintette, on ne peut pas dire qu’il y ait franchement foule, alors que l’horaire est bien avancé. On ne va pas non plus s’en plaindre, et on profite de ces 75 minutes de set à la limite de l’intimiste. Côté setlist, huit morceaux, un pour chaque album du groupe de Blackwater Park (2001) à Sorceress (2016). Mikael Åkerfeldt impressionne particulièrement, par sa propension à passer du growl au plus doux des chants clairs. Mais le plus marquant reste ce son acoustique qui s’échappe des guitares électriques d’Åkerfeldt et de Fredrik Åkesson.  Bref, démonstration et virtuosité sont au rendez-vous tout au long de cette très bonne prestation des Suédois. Une bonne heure de battement pour se ravitailler et prendre assez de force pour faire honneur aux tout-puissants Converge. Une de nos plus grosses attentes pour cette première journée s’apprête à jouer sous une tente (la Warbird Stage, en l’occurrence) relativement garnie. Concurrence d’Ozzy en tête d’affiche ? Peu importe, c’est toujours agréable de voir les quatre de Boston en étant bien placé, collé aux barrières et sans craindre d’y finir écrasé et d’y perdre un œil ! À la surprise générale, c’est à « Reptilian », titre de clôture de l’excellent The Dusk in Us, à l’intro tout en retenue, d’ouvrir les hostilités. Une fois la machine lancée, impossible de l’arrêter. Pas de place au Converge en slow motion, ce soir, que du parpaing lancé à vive allure. « Dark Horse », « Aimless Arrow », « Drop Out »… et la découverte live de quelques extraits de ce The Dusk in Us, parmi lesquels « Under Duress », « A Single Tear », « I Can Tell You About Pain » et même le plus surprenant « Trigger ». Jacob Bannon éructe, se démène comme jamais, fait montre de sa légendaire gestuelle, arpente la scène de long en large, et se retrouve trempé de la tête au pied en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Au J.O. du hardcore, le sieur Bannon ferait main basse sur l’or aussi bien en endurance qu’en lancer de poids. La conclusion sur « Concubine » se voit parachevée d’un anthologique jet de micro atteignant au moins 4 mètres de hauteur, avant de retomber dans la fosse photo. On en ressort complètement laminé. Mais on se donne une dernière fois du courage pour rejoindre le camping et sa Firefly Stage, sur laquelle s’apprête à monter Hangman’s Chair. Avant de rentrer dans le vif du sujet, un simple constat. 13 ans d’activité, 5 albums, dont le dernier en date, Banlieue Triste, est assurément un incontournable de 2018. Un intérêt grandissant de la part de certains médias grand public tels que Canal+ ou France Inter, une critique unanimement positive du côté de la presse spécialisée (et la couverture de New Noise n°43, soyons corpo’), une signature chez Spinefarm pour l’international… et la scène du camping du Download. On vous laisse méditer là-dessus. Merci beaucoup c’était la minute Élise Lucet. Hangman’s Chair, donc. On avait raté leur concert à la Maroquinerie début mai, et il était absolument hors de question d’en faire de même ce soir. Les quatre Parisiens et leur backline semblent bien serrés sur cette minuscule scène. Mais c’est loin d’être suffisant pour entraver l’entreprise de démolition. Hangman’s Chair et son doom sludge aux accents cold wave ne sont là que pour ça. Après la lugubre intro de « Banlieue Triste », « Naïve » prend logiquement la suite en ouverture. Puis « Sleeping Juice » et « 04.09.16 », tous extraits du dernier album susmentionné. La masse à l’état pur, aussi écrasante en live que sur disque. Il en va de même pour les quelques titres de This Is Not Supposed To Be Positive inclus dans la setlist, notamment « Cut Up Kids » et son riff tout bonnement imparable. La parfaite conclusion pour cette première journée.

Samedi 16 juin

On a terminé au camping dans la nuit du vendredi, et on y retourne dès potron-minet le samedi pour soutenir Jean Jean. Tout comme Pogo Car Crash Control la veille, le trio est issu de la scène du 77. Leur nouvel album Froidepierre nous avait enchantés, on est donc plus qu’heureux de les retrouver sur la Firefly Stage de si bon matin. D’autant plus qu’il s’agit du seul groupe math rock/post-rock de l’affiche. Leur prestation a donc des allures de challenge, l’enjeu étant de convaincre un public d’obédience rock et metal pas forcément underground… On pouvait s’attendre à un flop, mais il n’en est rien, et Jean Jean se produit devant deux bonnes centaines de campeurs curieux. Leurs morceaux instrumentaux aux relents cosmiques récoltent applaudissements nourris et commentaires gentiment approbateurs. Et puis il faut dire que le capital sympathie du groupe grimpe un peu plus lorsqu’Edouard Lebrun quitte un court instant son kit de batterie pour jeter un sac de croissants et pains au chocolat au public. On est requinqué, et prêt à affronter ce deuxième jour sur la base aérienne. Merci Jean Jean, et merci à la petite souris qui passait par les bureaux de l’orga du festival et a suggéré de les y programmer. Pas merci aux vigiles, qui manifestement ne comprennent pas que l’on puisse aimer assister à un concert collé aux barrières, et nous ont peu aimablement fait signe de nous écarter.

Alors que les rayons solaires continuent d’agresser fortement notre épiderme, on profite de la prestation festive des Britanniques de Skinny Lister. Remarquée en première partie de Dropkick Murphys l’année dernière, la troupe de 6 musiciens pose ses valises et son folk punk au Download, pour une quarantaine de minutes de fête au village. Entre les Pogues et Flogging Molly, les Anglais rendent hommage aux musiques celtiques, avec une grosse dose d’énergie et de riffs efficaces. Grosse ambiance du côté de la Spitfire donc, le public répondant à l’appel, surtout lorsque la chanteuse Lorna Thomas lui fait passer une bouteille en terre cuite de 3 litres de bière, présentée comme le 7e membre officiel du groupe. On s’éclipse la banane jusqu’aux oreilles pour atteindre la Main Stage 1 et y retrouver les Norvégiens de Turbonegro. Les fameux Turbojugend semblent peu présents au Plessis-Pâté ce week-end, tant on peine à apercevoir leurs fameuses vestes à patchs dans la foule. La scène est aux couleurs de RockNRoll Machine, dernier album du groupe, et nous avons bien droit à une setlist majoritairement consacrée à celui-ci. Moins orienté punk, plus hard rock, Turbonegro ne brosse pas son public dans le sans du poil. Pourtant, Tony Sylvester, Happy Tom et compagnie peuvent se targuer de provoquer un beau boxon en interprétant ces nouveaux morceaux. Ne cachons néanmoins pas ce léger gâchis en début de set, dû aux insupportables saturations du micro du leader et aux guitares quasi inaudibles. Le problème sera heureusement vite réglé, permettant de profiter à fond d’un solide concert de Turbonegro, couronné du culte « All My Friend Are Dead », entonné par l’audience.

Mantar (c) Ronan Thenadey

La Warbird est pour le moins bondée, et pour cause : Thrice s’apprête à y jouer son premier concert français depuis… 2003 ! Cet après-midi, les darons de l’emo semblent bien décidés à rattraper le temps perdu, avec un set sensiblement raccourci par rapport à ses performances en salle, mais archi-musclé. Les Californiens se concentrent sur leur dernier album en date, To Be Everywhere Is To Be Nowhere, avec notamment l’hymne « Black Honey ». Quelques titres plus anciens comme « The Earth Will Shake » ou « The Artist in the Ambulance » émaillent la setlist et sont accueillis comme le messie par les nostalgiques présents en nombre sous la tente. C’est également l’occasion de découvrir « The Grey », premier extrait du prochain album attendu avant la fin de l’année chez Epitaph. Moment d’allégresse fort à propos, avant de se faire écraser par les Allemands de Mantar, à l’assaut de la Spitfire Stage. Entre deux salves sludge/punk/black metal, Hanno Klänhardt déclare : « Merci d’être avec nous ce soir, vous avez fait le bon choix, c’est votre dernière chance d’écouter un bon groupe de tout le week-end !« . Le hurleur/guitariste ne fait pas non plus secret de son ébriété, réclamant bières et argent au public… La décomplexion faite homme, bienvenue après 1 jour et demi de politiquement correct. Les teutons livrent de loin la prestation la plus nihiliste du festival. 50 % haine, 50 % crasse. Hanno tord son corps longiligne dans tous les sens, baissant son pied de micro au niveau des genoux et se courbant pour l’atteindre. Son compère Erinc Sakarya ne démérite pas derrière les fûts, son jeu alliant puissance, groove et technique de blast beat sans coups faiblir.

De Meshuggah, nous gardons le souvenir d’un incroyable concert au Cabaret Sauvage en décembre 2014, pour célébrer 25 ans de carrière. Autant dire qu’on avait hâte de retrouver les mastodontes du djent. Les Suédois débarquent sous les acclamations, sur une Warbird stage massivement ré-décorée du visuel de The Violent Sleep of Reason. C’est d’ailleurs avec « Clockworks » que nous sommes entraînés dans le maelstrom. Le niveau sonore est particulièrement élevé, à tel point qu’aux barrières, les basses font trembler notre cage thoracique. Il est alors difficile de clairement identifier les guitares de Mårten Hagström et de Per Nilsson (de Scar Symmetry, remplaçant de Fredrik Thordendal sur cette tournée). Un peu dommage, quand on sait que la chose meshugghienne repose essentiellement sur ses riffs réputés à la fois pour leur lourdeur et leur complexité. Heureusement, on en prend encore plein la figure quand Tomas Haake est dans les parages. Son jeu se révèle plus limpide que jamais et d’une précision rare, surtout sur « Bleed » et « Born in Dissonance ». Quant à Jens Kidman, rien à redire. Du haut de ses 52 ans, le frontman en paraît 15 de moins et affiche une forme remarquable. Si tant est qu’on soit parti de ce principe, le quintette d’Umeå ne nous fait pas regretter d’avoir loupé Marilyn Manson (et les retours sur le show du Révérend semblent nous donner raison).

Dimanche 16 juin

On commence à la Spitfire Stage avec sans doute la grosse découverte rock du week-end. The Last Internationale est un duo new-yorkais composé de Delila Paz au chant et à la basse et d’Edgey Pires à la guitare, actif depuis déjà 10 ans. Le groupe a notamment fait parler de lui en sortant un premier album en 2014, We Will Reign, époque à laquelle leur batteur n’était autre que Brad Wilk de Rage Against The Machine. Tom Morello s’affichait également comme un fervent soutien pour le groupe, les rejoignant régulièrement sur scène.  Pourtant, on est musicalement loin de RATM, TLI évoluant dans un stoner rock groovy à souhait, façon Clutch. Sur scène, c’est très convaincant, et la performance vocale de Delila est tout à fait saisissante, dans la lignée de Mlny Parsonz de Royal Thunder ou Elin Larsson de Blues Pills. Petit coup de cœur du jour, qu’on espère vite revoir en salle par chez nous. On enchaîne avec Wolf Alice sur la Main Stage 1, quatuor british dont le dernier album Visions of a Life a eu son petit succès outre-Manche. Leur présence au Download peut en étonner plus d’un, au milieu d’une prog résolument rock alternatif et metal. Mais ce n’est pas ce qui décontenance la chanteuse Ellie Rowsell et son équipe, dont les compositions indie rock sont chaleureusement accueillies. L’efficacité est au rendez-vous, certains morceaux rappelant Chumbawamba par moment. Parfait pour un dimanche à la fraîche.

C’est aujourd’hui notre 7e concert de Frank Carter & The Rattlesnakes. À force, d’aucuns pourraient se lasser, craignant d’assister à chaque fois à la même performance. Ce qui est un peu le cas. Comme au Trabendo en mars dernier, c’est sur son tube punk hardcore « Juggernaut » que le rouquin tatoué (aujourd’hui seulement vêtu d’un kitschissime short de boxeur aux motifs dragon) et ses serpents à sonnettes investissent la Main Stage 1. Et comme au Trabendo en mars dernier, le charismatique leader n’y va pas par quatre chemins en descendant vers le pit pour s’adonner à l’une de ses pratiques fétiches, le crowd walking. Effet immédiat, le public, fans et novices, lui mangeant facilement dans la main. L’action a été vue et revue, mais l’envie d’en découdre est toujours aussi présente chez le bon Frank. Même chose lorsqu’il s’agit de réclamer « le plus gros circle pit du festival« . Même chose pour appeler à la bienveillance du public masculin, et inciter le public féminin à slammer en toute sécurité sur « Wild Flowers ». Il ne manquera pas non plus de célébrer comme il se doit l’anniversaire de son tour manager, demandant à l’assistance de lui préparer une haie d’honneur (ou un wall of death, c’est selon) pour le faire avancer jusqu’aux barrières, le faire porter et lui offrir une bouteille de champagne, partagée dans un grand bordel avec les festivaliers. Comme de coutume, les Rattlesnakes nous quittent sur « I Hate You », point d’orgue d’une prestation qui a, encore une fois, et ce ne sera sûrement pas la dernière, fait un carton.

Dead Cross (c) Ronan Thenadey

Si vous faites partie de nos fervents lecteurs, vous n’êtes pas passés à côté Dead Cross, à qui nous avions consacré la couverture de notre numéro 40 (septembre-octobre 2017). Faut-il le rappeler, ce groupe d’amateurs composé de Mike Patton (Faith No More, Fantômas, Tomahawk, Nevermen, enfin bref…), Justin Pearson (The Locust, Retox), Michael Crain (Retox) et Sa Seigneurie Dave Lombardo (Slayer, Suicidal Tendencies, Fantômas, Misfits…) a sorti un premier album l’année dernière, rencontre explosive de punk, de thrash, de noise et de hardcore. Malheureusement, le quatuor ne semble pas fédérer le public du Download, et se produit devant une assistance assez timide. De notre côté, on se doit bien de le reconnaître : Dead Cross ne nous inflige pas la claque à laquelle nous nous attentions. Le principal point faible réside dans la qualité du son, bien trop brouillon pour saisir la subtilité des compositions (et il y en a !). Les titres de ce premier album éponyme défilent à toute berzingue, avec l’ajout des deux nouveaux morceaux tous récemment publiés sur un nouvel EP. Mike Patton y va de quelques pitreries, mais semble sur la réserve. Un peu dommage, mais on ne boude pas son plaisir de voir cette bande de gaillards sur la même scène. Difficile de tenir une heure avec un seul album de 29 minutes, un EP et quelques reprises, et pas des moindres puisque nous avons droit à « Nazi Punks Fuck Off » des Dead Kennedys, « Bela Lugosi’s Dead » de Bauhaus et un mash-up surprenant de « Raining Blood » de Slayer et « Epic » de Faith No More. Dead Cross écourte ainsi sa prestation en demi-teinte d’un bon quart d’heure. Match retour prévu aux Eurockéennes, on en reparlera. Mais le timing est ainsi parfait pour rejoindre la Warbird et y retrouver Perturbator. Le prince de la scène synthwave hexagonale était attendu de pied ferme, d’autant plus que depuis quelque temps, James Kent est accompagné d’un batteur, en la personne de Dylan, membre de Goatless et The Worst Doubt. L’intégration de ce dernier en live se révèle on ne peut plus concluante, son interprétation respectant au beat près les partitions que nous connaissons sur disque. Côté public, le dancefloor se mêle au mosh pit dans un grand bordel incontrôlable, alors que défile une setlist principalement composée de titres de Dangerous Days, The Uncanny Valley, et  New Model. On en redemande, et ça tombe plutôt bien : l’artiste fait fi des horaires imposés, et nous offre un rab de 10 minutes. Rideau sur « Tactical Precision Disarray », et on se donne d’ores et déjà rendez-vous au Trianon, le 29 mars 2019. Place, à présent, à l’incontournable tête d’affiche de cette troisième journée de festival.

Un Ozzy qui divise, un Manson qui déçoit, et semble-t-il un Guns N’ Roses tout aussi clivant… Mais concernant  Foo Fighters, tout le monde semble s’accorder sur l’énorme kiff que fut leur concert en clôture de la Main Stage 1 ce dimanche. Leur magnifique Bercy de l’an dernier résonne encore dans notre tête, et les venues de Dave Grohl and co en nos contrées se faisant rares, les manquer ce soir aurait relevé du crime de lèse-majesté. Ça démarre en trombe sur « All My Life », et on laisse de côté la fatigue accumulée sur ces trois derniers jours pour se lâcher comme si demain n’existait pas, et chanter à tue-tête la palanquée de tubes du soir, dans le désordre : « Learn To Fly », « My Hero », « Rope », « The Pretender »… Notons aussi le redoutable rendu live de morceaux de Concrete and Gold, comme « Run » ou « Sky Is the Neighbourhood ». Foo Fighters est toujours maître de son show, à l’américaine, peut-être pas aussi spontané qu’il en donne l’impression, mais pourquoi le bouder ? Tout y est : Taylor Hawkins et son solo de batterie sur plateforme surélevée, le traditionnel medley de présentation mêlant « Another One Bites The Dust » de Queen, « It’s So Easy » des Guns, « Imagine » de Lennon auquel se greffent les paroles de « Jump » de Van Halen », et enfin « Blitzkrieg Bop » des Ramones. Mais le moment le plus marquant reste cette bluffante reprise d »‘Under Pressure », chantée par Hawkins, avec en guest Luke Spiller, chanteur de The Struts, accessoirement sosie physique et vocal de Freddie Mercury. Grohl rejoint alors les fûts pour une version aussi exceptionnelle que l’originale, Hawkins mettant en avant un grain de voix qu’on confondrait volontiers avec celui de Bowie. Dans le public, intergénérationnel, l’émotion est plus que palpable lorsque résonne « Best of You ». Il en sera de même pour le rappel (teasé sans retenue par Dave Grohl, filmé en coulisse et retransmis sur les écrans) composé de « Times Like These » et « Everlong ».

2 heures et 30 minutes à toucher les étoiles, on ne peut pas s’en cacher. Le meilleur pour la fin, comme on dit. Que retenir donc de cette troisième édition du Download Festival France ? La musique, tout simplement, car c’est le plus important.