New noise présente “Chacun Mes Goûts”, une série limitée de discussions où groupes et artistes habitués de nos colonnes nous parlent de leurs disques de chevet. Aujourd’hui, ce sont Pierre-Yves et Félix Sourice de LANE, père et fils, qui se prêtent au jeu.
Le premier disque que vous vous êtes procurés ?
Pierre-Yves (basse) : Mon tout premier 45 tours, c’était celui de « New Rose » des Damned avec la reprise de « Help » des Beatles en Face B. Quand j’étais ado, un disquaire avait ouvert à Angers, mes grands frères Francis, Eric et Christophe y allaient. C’était la période où je commençais à écouter du rock. Un fois entré dans la boutique, je ne pouvais pas ne rien acheter. C’est Dominique, le vendeur, un type super, qui me l’a conseillé. C’était en 1982 et je l’ai toujours ! Je n’aimais pas les Beatles, et je ne les aime toujours pas, mais il fallait absolument que je sorte avec un disque dans les mains.
Félix (guitare) : 21st Century Breakdown de Green Day. Je crois que c’est le premier disque pour lequel j’ai eu un coup de cœur musical, avec le single « Know Your Enemy ». C’était en 2008 et j’avais 10 ans. Pour l’anecdote, avant ça mon grand-père m’avait offert un album de Tokio Hotel… Mais ça ne compte pas !
Un disque qui vous rappelle votre enfance ?
PY. : Mon premier et plus ancien souvenir d’écoutes de disque, c’est Joe Dassin. Et j’ai racheté 5-6 vinyles depuis. « Les Amoureux », « L’Amérique »… J’adore !
F. : Et pour moi…
PY. : Tokio Hotel ! (Rires)
F.: Je pense tout de suite à nos vacances à la mer et aux 8-9 heures de route. The Clarence Greenwood Recordings de Citizen Cope tournait en boucle. C’est vraiment le disque que j’associe aux vacances en famille. Archie Bronson Outfit aussi, avec Derdang Derdang.
Pierre-Yves, un disque que tu faisais écouter à Félix quand il était gamin ?
Alors, je n’ai jamais mis un disque sur la platine en lui disant « il faut que tu écoutes ça ». On a toujours laissé les choses se faire. Mais forcément, j’écoute beaucoup de musique à la maison. Donc des tonnes de choses y sont passées : Leatherface, Hüsker Dü, Talking Heads… mais pas d’album en particulier. La génération de Félix jouit aujourd’hui d’un accès à la musique très facile contrairement à la mienne à l’époque. Il suffit de cliquer sur un seul morceau et on t’en propose quantité d’autres…
Félix, un disque que tu as fait écouter à Pierre-Yves ?
Tu sais, Pierre-Yves c’est le genre de vieux qui a décrété que « le rock c’était mieux avant !« . (Rires) Mais pendant le confinement, on a joué au Monopoly en écoutant The Menzingers, leur avant-dernier album After The Party. Sinon, Slowdive, leur dernier album, le sans titre. J’adore « Star Roving ».
PY. : En général je n’aime pas trop qu’on me dise « Viens je vais te faire écouter ci, faut que tu écoutes ça« . Cela étant dit, le frère de Félix écoute plutôt du rap underground, et là je suis plus attentif à la découverte. Mais effectivement, je suis peut-être un vieux con, hein !
Un disque qui vous a donné envie de faire de la musique ?
PY : Très simplement, les Cure, Three Imaginary Boys. 13-14 ans, tu es devant ton miroir avec une raquette de tennis et tu essayes de jouer les plans de Robert Smith. C’est là que je me suis dit « Ah, c’est bien d ‘être guitariste ! »… J’ai regardé la captation du live de l’an dernier à Rock En Seine, c’est incroyable. Et Simon Gallup, avec sa dégaine géniale, encore aujourd’hui, j’hallucine ! Mes premières émotions à la basse, je les lui dois.
F. : Wank For Peace, Fail Forward ! Un groupe punk hardcore d’Angers. On se connaît un peu, de loin, ce sont des copains de copains. Je les ai vu plusieurs fois, notamment leur dernier concert avant la séparation, en 2015-2016. Ils jouaient deux soirs de suite en tête d’affiche lors d’un festival. Même avant, j’avais trouvé leurs concerts totalement fous, mais cette fois-là, c’est la réaction du public qui m’a donné envie de jouer de la musique et de procurer le même genre d’émotion aux gens.
Le meilleur album de tous les temps ?
PY. : Bon, là tu te dis c’est dégueulasse, car il y en aurait des centaines à citer, mais celui auquel je pense immédiatement c’est Mush de Leatherface. Je suis un grand fan de ce groupe, et cet album est ultime : des tubes du début à la fin. Même la reprise de « Message in a Bottle » en clôture est géniale. Il date de 1991. Je l’écoute depuis 25 ans au moins une fois par semaine.
F : Dans LANE on en est tous fans.
PY : Sauf Eric peut-être… Et juste derrière il y aurait un album de Hüsker Dü, Remain in Light de Talking Heads, ou Over The Edge des Wipers… Ainsi que le live à Cologne de Keith Jarrett : de l’émotion et de la beauté du début à la fin… Et pour en revenir à Leatherface, on les a vu à Angers il y a six ans. Trois ou quatre jours avant, le bassiste et le batteur avaient quitté le groupe. Ils se sont tout de même pointés, à deux, deux guitares, c’était pathétiquement beau, j’en ai pleuré.
F : J’ai eu le temps de réfléchir à cette question. Si tu entends par là l’album qu’on a le plus écouté sans jamais s’en lasser : Dookie de Green Day, que j’adore. Que des tubes. Que ce soit « Basket Case » ou autres. À chaque fois que je le réécoute, je me dis qu’il est génial. Ils sont parti en couille après, mais je trouve cet album excellent. Donc je pense vraiment que c’est celui-là… on verra dans 20 ans. Et la première fois que j’ai écouté The Decline de NoFX, j’étais sur le cul. Leur morceau de 18 minutes est incroyable.
PY : La « vie rock » de Félix est plus courte aussi !
Félix, un disque avec ton/ta guitariste préféré·e ?
Toute la période Brian Baker de Bad Religion. Je ne sais pas s »il est mon guitariste préféré, mais que ce soit avec Bad Religion, Fake Names ou Dag Nasty, j’adore ce qu’il fait. Sinon, s’il fallait choisir UN album : le V de The Bronx. Toutes les rythmiques sont folles, « Side Effect » est une tuerie. Et The Colour and The Shape des Foo Fighters aussi. Une chose est certaine, je ne suis pas impressionné par les guitar heroes, les Slash et compagnie, ils me dégoutent plus qu’autre chose…
Pierre-Yves, un disque avec ton/ta bassiste préféré·e ?
Simon Gallup de The Cure, forcément. Tous les albums sans distinction. Et pour en citer un autre, le bassiste de Joe Jackson, Graham Maby. Et l’autre jour, pour parler d’un disque plus récent, j’écoutais le dernier Lysistrata. Je trouve Max, le bassiste, vraiment très bon. Je ne comprends rien à ce qu’il fait, ils sont tellement forts…
Votre album préféré des Thugs ?
PY (À Félix) : Toi t’es dans la merde ! (Rires)
F : Celui avec les fleurs, I.A.B.F.
PY : Il se pourrait bien que ce soit le dernier, tout doit disparaître…
F : Parce qu’il y a une chanson sur moi ? (Sourires) (NdR : « Your Smile« )
Votre album préféré de Daria ?
PY : Red Red.
F : Oui, moi aussi ! Le dernier (NdR : Impossible Colours, 2016) est super bien produit aussi, mais il y a plus de morceaux incisifs sur celui-là.
PY : Et j’adore le jeu de Nono sur ce disque-là. J’en parlais d’ailleurs encore avec les gars cette semaine… sans pour autant dénigrer ce qu’on fait leurs anciens batteurs, hein. Et je l’ai écouté 3-4 fois cette semaine.
Un disque qui vous a inspiré durant la composition de Pictures Of The Century ?
PY : Il n’y en a pas vraiment, reproduire tel ou tel plan « à la façon de » ne nous intéresse pas. On tient à ce que ça reste nous et qu’il y ait notre patte. Cependant, l’album qui a vraiment tourné en boucle pendant l’enregistrement, c’est le dernier album de Lysistrata, Breathe In/Out.
Un disque sorti sur votre label préféré ?
PY : Je n’y prête pas plus attention que ça, mais par exemple, le 45 tours de God, sorti sur Citadel dans les années 80. « My Pal » fait partie de mes cinq morceaux préférés de tous les temps. Et sinon, Love Battery avec Out of Focus sur Sub Pop.
F : Le dernier IDLES sur Partisan Records. Et sur Sub Pop, j’ai acheté Titanic Rising de Weyes Blood récemment. C’est super beau, très différent de ce qu’ils sortent d’habitude. Et bien sûr le dernier Lysis chez Vicious Circle !
Un disque d’un groupe ou artiste avec qui vous êtes potes ?
PY : Ça remonte, mais je pense aux Drive Blind, dans les années 90, avec Be A Vegetable. Je les écoute encore aujourd’hui. On parlait aussi des Wank For Peace d’Angers. Ils ont toujours été droits, c’est vraiment un groupe exemplaire dans tous les domaines.
F : Un peu de pub pour les copains : Wild Fox. Ils sont en plein développement et ça devient de mieux en mieux. Ils vont bientôt sortir un EP, on a pu l’écouter et il est super bien. Je cite aussi le seul EP de Scuffles, dont je suis l’ingé-son, dans un registre plus electro garage.
Un disque plaisir coupable inavouable ?
F : Every Open Eyes de Chvrches. Un pur album, hyper beau. À tous mes potes qui trouvent ça nul, y compris ma copine, je réponds que j’y trouve quelque chose d’émouvant, que je ne saurais pas expliquer. Je les avais vu à Rock en Seine, j’en garde un excellent souvenir.
PY : « Toxic » de Britney Spears, je l’avoue sans aucun problème ! J’aime les violons un peu arabisants, je trouve qu’ils sont très bien utilisés sur ce single. Et puis, ça fonctionne toujours en soirée. Pareil pour Santigold. Et je peux danser comme un fou sur Boney M. Les années 70-80 nous ont offert des arrangements vraiment top.
Un disque qui n’est pas un plaisir coupable mais qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans votre discothèque ?
PY : Mes disques de Joe Dassin ! Je ne les écoute pas tous les jours hein, mais ça peut venir facilement en fin de soirée.
F : Un disque que j’ai énormément aimé, et je me le suis fait offrir en vinyle : le dernier album de Clara Luciani. Le basse-batterie est terrible. Ça sonne d’enfer, et le refrain de « Ma sœur » est excellent. Et là, en ce moment, le dernier Run The Jewels.
Votre B.O. de film préférée ?
PY : Celle de Rusty James, Rumble Fish en V.O., de Francis Ford Coppola avec Matt Dillon et Mickey Rourke. Musique composée par Stewart Copeland.
F : Je pense à l’album d’Eddie Vedder pour Into The Wild, qui est excellent. C’est un de mes films préférés. Et je triche en citant une série, mais j’adore la B.O. de Peaky Blinders. Anna Calvi signe les parties de guitare de toute la dernière saison.
Pierre-Yves, un disque que tu offrirais à Félix ?
F : Ça tombe bien, je n’ai pas eu de cadeau d’anniversaire !
PY : Le live à Cologne de Keith Jarrett. Quand ma femme Aude était enceinte de Félix, on l’écoutait en boucle, en attendant que pépère grandisse. Et ça reste un grand disque pour moi.
Félix, un disque que tu offrirais à Pierre-Yves ?
(À PY) Encore une fois, il ferait son vieux con en disant que « c’était mieux avant« , mais je choisirais Coriky, le nouveau projet de Ian McKaye. Comme il aime bien Fugazi, je pense que ça lui plairait !
Le disque que vous écoutez en boucle en ce moment ?
PY : Pas grand chose, pendant le confinement j’avais besoin de calme. Du coup, j’ai réécouté tout Zenzile. Encore un grand groupe d’Angers, je les suis depuis leurs débuts et j’ai leurs premières cassettes. Pas mal Daria aussi, ainsi que Ben Harper. Et L’École du Micro d’Argent d’IAM.
F : Le nouvel album de Slift, groupe que je suis depuis un moment. Je n’écoute pas beaucoup de musique en journée, et leur disque se prête idéalement à l’ambiance début de soirée. Ah, et le dernier Liam Gallagher aussi.
Le dernier disque que vous vous êtes procurés ?
F : Dookie de Green Day en vinyle ! La disquaire d’Exit Music à Angers s’est bien foutue de ma gueule d’ailleurs…
PY : Rien du tout !
F. : Mais si ! Le dernier Nick Cave…
PY : Ah oui Ghosteen ! Je suis un grand grand grand fan, et celui-ci est magnifique.
Et enfin : team CD, team vinyle, team cassette ou team streaming ?
F : Vinyle.
PY : Pareil !
F : Vraiment pour l’objet. Je suis toujours sur le cul en découvrant une pochette sur vinyle. Celle du Slift, par exemple, ne me fait pas le même effet en version CD.
PY : Je suis d’une toute autre génération, je suis né avec le vinyle. Pour moi il n’y a rien de mieux, ne serait-ce que pour le son. J’ai fait le test d’écouter notre album en vinyle puis en CD, la différence est incroyable. Le CD incarne la facilité. Le vinyle, c’est un autre trip, plus plaisant et chaleureux. Et comme vient de le dire Félix, une pochette vinyle, c’est mieux. Le streaming est pratique, mais c’est complétement différent…
F: J’adore écouter de vieux vinyles. Quand j’ai déménagé, j’ai récupéré ceux de PY, et la sensation à l’écoute est toute autre : le son se détériore avec le vinyle, tu sens l’âge de l’objet. Alors qu’un CD ne change pas, ne vieillit pas.
Pictures Of A Century, le deuxième album de LANE, est sorti en juin dernier chez Vicious Circle. Vous pouvez l’écouter ICI. Chronique à lire dans new Noise #53, et interview dans new Noise #54 en septembre.
Propos recueillis par Clément Duboscq
La playlist :