Un mort de plus dans la presse culturelle : La Griffe décroche

Après 12 ans de bons et loyaux services en pays Rennais, le gratuit culturel est mort, victime d’une politique culturelle désastreuse, victime aussi de ce dont est victime aujourd’hui toute presse culturelle libre qui rejette le système du publi-rédactionnel.

Le Communiqué de la Griffe :

« La griffe » décroche : Le 200e numéro de La Griffe aurait dû sortir en ce mois de janvier 2008. Il ne sera jamais imprimé car l’association éditrice du journal est contrainte de cesser son activité pour raisons économiques. Nos difficultés financières ne datent pas d’aujourd’hui, mais cette fois nous sommes vraiment morts. D’asphyxie pour être précis. Produire de l’information culturelle gratuite qu’on ne lit pas ailleurs, l’imprimer, la diffuser à 28 000 exemplaires en moyenne chaque mois en Bretagne, sans être ni un support de com’, ni un aspirateur à pubs, tout cela a un coût que nous ne pouvons plus assumer. Si on ajoute un marché publicitaire de plus en plus concurrentiel, la crise des industries culturelles, les faillites de plusieurs annonceurs, les baisses aux emplois aidés, les augmentations en tout genre, on obtient 7 salariés sur le carreau et la disparition d’un média qui a réussi à s’autofinancer à 80% pendant 12 ans — fait rare dans le milieu associatif.

Pourtant nous avions anticipé la fin (sans se douter qu’elle serait aussi brutale). Depuis cinq ans, nous essayons de changer notre modèle économique car un journal comme La Griffe — indépendant, critique et gratuit —, ne peut plus fonctionner uniquement avec la vente d’encarts publicitaires et avec des emplois aidés. Tout simplement parce que ces ressources tarissent du fait des choix politiques du gouvernement. Lorsque les subventions destinées à la culture diminuent, les budgets consacrés à la promotion sont parmi les premiers à être amputés. Nous restions cependant persuadés que, dans une région culturellement aussi diverse et dynamique que la Bretagne, une information culturelle de qualité et accessible (donc gratuite) était indispensable et relevait d’une forme de service public. C’est pourquoi nous avons tenté de mettre en place un modèle économique mêlant publicité et subventions publiques tout en garantissant l’indépendance de la rédaction.

Mais, depuis cinq ans, on nous renvoie dans les cordes avec cet argument imparable : aucune ligne budgétaire ne correspond à votre activité. Heureusement, des aides ponctuelles nous ont été apportées par la Ville de Rennes, la Fondation Macif, la Région Bretagne, l’association Musiques et Danses en Bretagne. Mais aucune volonté politique claire n’a soutenu notre action alors que la majorité des acteurs culturels en reconnaissait l’utilité. Le hors-série sur les médias alternatifs que nous avions publié en octobre 2005 montrait pourtant l’existence d’un vivier que des pouvoirs publics qui louent sans cesse le pluralisme de l’information auraient dû encourager. Mais l’époque où l’arrivée des Socialistes au pouvoir a permis la régularisation des radios libres et la création d’une grille de financement spécifique est révolue… Si aujourd’hui encore, les radios associatives rentrent dans certaines lignes budgétaires, la presse écrite associative non.

Nicolas Sarkozy l’a bien compris, chaque fois que la gauche refuse de prendre position, il grignote sans complexe son terrain pour s’y imposer. Dans la lettre de mission qu’il a adressée l’été dernier à la ministre de la Culture, il reconnaît même l’importance des médias dans le processus de démocratisation culturelle !? Pathétique position politique alors qu’il incarne ce libéralisme effréné où l’information est devenue une marchandise comme les autres. C’est pour cela qu’elle a perdu de sa valeur. Pas parce qu’elle est de plus en plus souvent gratuite. L’avènement de la communication s’est construit là-dessus. Aujourd’hui, une page de pub est plus efficace qu’un article. Demain, une étude de marché sera plus pertinente qu’un journal. Si vous refusez cette logique au profit d’une presse alternative culturelle de qualité, vous pouvez nous témoigner votre soutien par courriel à soutiens@lagriffe.org ou en signant la pétition sur notre site www.lagriffe.org.

La Griffe, c’est près de 6 000 articles publiés dont presque un millier d’entretiens, tous écrits bénévolement par des passionné(e)s. Sans ces rédacteurs (dont beaucoup sont désormais journalistes professionnels dans d’autres médias), sans les photographes, les infographistes, les diffuseurs, sans nos lecteurs, nos abonné(e)s, nos annonceurs, nos partenaires, La Griffe n’aurait pas pu exister. Merci à tous de votre fidélité, et bonne année quand même.

N’hésitez pas à faire suivre ce texte à grande échelle…

Et continuez à nous envoyer vos informations, communiqués et dossiers de presse, nous espérons ne pas quitter le milieu culturel…

L’équipe de La Griffe