Side-project acoustique de Katie Jane Garside, la voix enjôleuse et délurée de Queenadreena (ex-Daisy Chainsaw), Ruby Throat se produit ce soir dans la première salle parisienne à avoir accueilli le groupe principal de la belle (en 2003) : le Café de la Danse.
Sorti très confidentiellement en autoprod’ en éditions arty d’abord (un écrin de cuir et un artwork sur du papier tissé avec quelques fleurs séchées glissées entre les pages) puis “normale” (plus sobre dans un boîtier cristal, mais toujours limitée), le premier disque solo de Ruby Throat nous berce depuis quelque-temps de ses comptines folk gracieuses. Aussi a-t-on hâte de voir le duo sur scène, l’autre moitié de Ruby Throat étant un guitariste prénommé Chris, dont nous ne savons rien sinon que la chanteuse l’a rencontré dans le métro londonien.
Après une première partie pénible à tout point de vue (un duo français clavier-basse entre Interpol, Anthony & the Johnsons et… Coldplay (?), poussif et chialeur à souhait soutenu par des projections sans aucun intérêt), le binôme anglais entre en scène sur une programmation de bruits de criquets et d’aboiements. « House of Thieves », « Naked Ruby », « Salto Angel »… Certaines parties de guitares sont samplées et Chris brode par-dessus tandis que Katie Jane chante dans la lignée des accalmies de Queenadreena. Affranchie des excès colériques propres au groupe (sauf sur un morceau répétitif et bruitiste un peu à part dont vous trouverez une vidéo ci-dessous, signée Mariexxme), mais pas d’un certain nombre d’élans à gorge déployée bien grisants, la performance vocale sera mise en valeur par le dépouillement des instrumentations folk.
Mazzy Star et Katie Jane Garside sont dans un bateau, Hope Sandoval tombe à l’eau, qui reste-t-il ? Notre malicieuse amie, qui mène sa barque sans se départir de son air halluciné et de son aura ensorcelante… Car avec ses haillons rose habituels et ses fleurs dans les cheveux, Katie Jane donne une nouvelle dimension à l’expression “fée du logis”, le nid douillet recréé ici (un abat-jour à l’imprimé fleuri démodé, un fauteuil en cuir avachi et une bouteille de vin pour Chris, une théière et une tasse sur une table basse pour Katie Jane avec la chaise en fer forgé cordiforme que les fans de QA connaissent bien – support de toutes les poses lascives de la turbulente chanteuse –) ajoutant au caractère intimiste de la musique. Si à l’époque de Daisy Chainsaw, la chanteuse délurée jouait à la dînette avec un service à thé au risque de basarder des gouttes du breuvage brûlant sur les spectateurs du premier rang, si elle passe son temps à s’asperger de vin avec Queenadreena, à s’en rincer la bouche pour le recracher en gerbes de gouttelettes, pas de débordements (c’est le cas de le dire) ce soir, le duo avançant dans son set avec une certaine retenue, mais une émotion à fleur de peau aussi. Chris change plusieurs fois de guitare : acoustique, électrique, lap-steel, et au moment où on se dit qu’une des deux reprises de Queenadreena (« Jolene » de la reine de la country Dolly Parton ou l’anonyme folk-song « Pretty Polly ») complèterait le tableau à merveille, le duo entonne la murder-ballad traditionnelle précitée… « Polly pretty Polly come, go away with me » ; quel plaisir que d’entendre cette nouvelle réappropriation d’une chanson aux paroles et mélodie envoûtantes ! Une sorte de clin d’œil aux fans de Queenadreena donc, mais aussi et surtout un moment fort parmi tant d’autres (« Dear Daniel », « The Ventriloquist »…) pour un set qui se révélera finalement sans temps mort aucun jusqu’au « Ghost Boy » final, suivi d’un rappel réclamé avec enthousiasme (« Lie to Me »). Car ce qu’aura réussi le tandem pendant près d’une heure c’est le rapt de chacun des spectateurs présents ce soir-là… À faire disparaître l’auditoire autour de l’individu, à nous immerger seul avec eux dans une bulle où les accords d’une guitare toute en retenue et poésie rencontraient à la lumière d’un abat-jour vieillot l’une des voix les plus enivrantes du moment.
Excellent ce live report ! Merci !
J’ai aussi beaucoup aimé, et je fus surpris de la portée de morceaux aussi minimalistes également (surtout dû à la voix de Katie Jane Garside)
Par contre la première partie c’est vrai que c’était nul et que le chanteur c’était un peu le mec qui imite Paul Banks qui imite Ian Curtis ahah
A en lire la description, la première partie semble avoir été la même à Lyon. En bonus, à l’affiche: un groupe androgyne/gothique (sous) placebo…
Faible affluence: une quarantaine de personnes?
Je ne prétendrais pas avoir autant le sens de la formule, mais le concert de RT fut surprenant: envoutant, électrisant, plein de tension et d’urgence malgré le dépouillement et la simplicité de la formation.
Coldplay…!? Ahahah.
Coldplay c’est une façon de condenser le « poussif et chialeur » juste après, hu hu hu!
(mais sinon sérieusement : ça ressemblait un peu ou je me suis fait des idées ?)
À part ça, on dirait que RT a mis tout le monde d’accord, c’est cool…
La première partie vous a donné du mal apparemment ! Perso, sans être fan ou particulièrement touché, j’ai trouvé ça bien exécuté et troussé, tout en constatant qu’ils ont la tête encore bien trop immergé dans leurs influences (Nick Cave en tête). Pas charmé, mais pas agacé non plus (c’est peut être pire me direz vous).
Et pour la décidément troublante Katie Jane Garside, ce concert fut pour moi (sortez les violons) un voyage cinématographique. Sérieux. Les ambiances éthérées faites par le discret mais essentiel Chris Whittingham ont développé un tapis sonore ample et aérien sur lequel la chanteuse s’est exprimé avec sa fameuse voix qui a le don de s’insinuer en nous sans passer la « case cérébrale ». C’est juste beau, touchant, essentiel. On a plus qu’à se laisser faire et elle nous embarque avec elle. C’est rare et précieux.
ps1 :Merci pour les vids de la prolifique Mariexxme. J’en ai quelques (beaucoup plus) modestes sur ce blog, si vous voulez prolonger cet agréable trip : http://croiserleson.blogspot.com/
ps2 : Queen Adreena en France en ce mois de Mai
ps3 : Merci pour ce report.