[Report] Hellfest 2019 (vendredi) + Knotfest

 

Par Emilie Denis, Olivier Drago, Romain Lefèvre, Stéphane Leguay, Bertrand Pinsac et Bhaine Rivière
Photos : Ronan Thenadey

Pass trois jours vendus en un temps record pour la troisième année consécutive, temps radieux pour (au moins) la cinquième édition de suite, greffe du Knotfest, annulation de dernière minute de Manowar, Mainstage 2 consacrée aux groupes hexagonaux le vendredi, absence quasi totale de hardcore metal sur la Warzone, derniers concerts français de Kiss et Slayer, Tool enfin à l’affiche, public de plus en plus intéressé par les Mainstages et les groupes festifs et de moins en moins par les concerts évènements sous l’Altar et la Temple, conditions d’accueil et décors encore améliorés, écrans panoramiques géants, scénographies et lightshow de plus en plus impressionnants sur les deux scènes principales… voilà de nombreuses nouveautés et divers événements ayant marqué, positivement ou négativement, cette treizième édition du Hellfest, dont nous sommes revenus heureux, comme d’habitude.

 KNOTFEST

C’est la première édition du Knotfest en Europe (comme Corey Taylor le répétera environ 700 fois durant le set de Slipknot) avec quelques 37 000 festivaliers (sur 40 000 places) venus pour cette journée bonus qui fera office, pour beaucoup, de mise en jambe avant l’événement principal. La longueur des files d’attente fait qu’on rate Sick Of It All (et merde !) et la majeure partie du set d’Amaranthe (c’est déjà moins dommage). Les Suédois mettent du cœur à l’ouvrage mais leurs efforts sont annihilés par les bruyants préparatifs du prochain concert sur la scène d’à côté, presque plus agréables à écouter que leur power metal à trois voix limite FM… On passe ensuite aux choses sérieuses avec Ministry. Al Jourgensen a l’air en forme (comprendre : il tient debout) et c’est leur premier show avec Paul D’Amour, l’ancien bassiste de Tool. Dommage, le son est absolument atroce, peut-être l’un des pires des quatre jours. Agressif, mais pas en bien, au point qu’il donne envie de fuir au bout de trois titres (« The Missing », « Deity » et « Stigmata ») qui en paraissent douze, pour aller profiter un peu du site relativement vide en ce jeudi…(B.R)

(Behemoth)

Selon l’alternance groupe US en Mainstage 1 et groupe européen en Mainstage 2, c’est Behemoth qui prend le relais et, ô joie, le son est bien meilleur que pour Ministry et la setlist bien moins axée sur le dernier album qu’attendu. Le show des Polonais reste toujours aussi enthousiasmant tant on a l’impression d’avoir face à soi une version black/death maléfique de Kiss, même si la lumière du jour ne joue pas en faveur du groupe. Passer directement de Behemoth à Papa Roach s’annonçait rude sur le papier, et dans les faits, c’est encore pire. Les Californiens ont beau débuter leur set avec le tube « Last Resort », rien ni fait : il s’agissait d’un des groupes les plus insupportables de la vague neo-metal et le temps n’y a rien changé. Après ce retour aux années lycée, nouvelle salve de power metal, allemand cette fois, avec les parodiques et rigolos Powerwolf. Il faut capter le délire et comme le réseau est encombré, on préfère passer en mode avion… (B.R.)

(Rob Zombie)

La bonne surprise vient de Rob Zombie qui embraye sur la Mainstage 1. Visuellement, le show est chargé mais sans excès, le quinquagénaire à l’allure de clodo redneck pète la forme et on se laisse prendre par une setlist qui aligne ses classiques solo (« Dragula », « Superbeast », « Living Dead Girl »…) et ceux de White Zombie (« Thunder Kiss ’65 », « More Human Than Human »). Avec en plus une reprise des Beatles (« Helter Skelter ») et une autre des Ramones (« Blitzkrieg Pop ») pour se mettre tout le monde dans la poche et, parce qu’on n’est jamais mieux servis que par soi-même, la bande-annonce sur écran géant de son prochain film, 3 From Hell. Pas trop branché par le trip « guitares et drakkar », on profite d’Amon Amarth (on revient pile à temps pour entendre le message de prévention du chanteur : « surtout, surtout, bien s’hydrater », un truc comme ça) pour aller faire un tour au musée Slipknot monté sous un chapiteau de cirque. En guise de musée, voilà une espèce de bric-à-brac d’anciens masques, de tenues de tournées passées et d’éléments de décor scéniques vaguement disposés sur 20 mètres carrés. On dirait un vide grenier… (B.R.)

(Slipknot)

23h30, l’heure n’est plus au tourisme car arrive enfin le gros morceau de la mini-journée : Slipknot. La scène est cachée derrière une grande bâche, et quand le rideau tombe enfin sur « People=Shit », surprise : ils ont en fait piqué les décors de Rammstein, tapis roulant compris, mais avec des néons à la Depeche Mode. Et les nouveaux masques ne sont pas fabuleux non plus, en particulier celui très « cosplay Eric Stolz dans Mask » de Corey Taylor. La setlist s’avère sans surprise et le concert manque d’épaisseur à tous les niveaux, aussi bien dans le jeu de scène et l’interprétation que dans le son. On a même tendance à souvent scotcher sur le DJ Sid Wilson qui fait le couillon sur son tapis roulant et ne sert à absolument rien d’autre (comme, à dire vrai, la moitié du groupe). On est également un peu plus gêné à chaque fois que Taylor répète que « c’est le moment d’entrer l’histoire, motherfuckers ». On espère que, lors du rappel, ils ne vont pas perdre dix minutes à faire asseoir tout le public de fans transis sur « Spit It Out » pour les faire jumper au signal. Évidemment, arrivé à la moitié du hit bondissant, « It’s time to make history, motherfuckers! »… et merde ! Le show, finalement bien pépère, se referme gentiment sur un « Surfacing » contractuel. Le Knotfest meets Hellfest, lui, va se conclure avec le war heavy metal de Sabaton, mais autant aller se coucher tout de suite, car même si on ne le sait pas encore sur le moment, ils rejoueront le lendemain pour remplacer Spinal Tap au pied levé… Le bilan de ce mini-festival est assez mitigé mais l’affiche étant ce qu’elle était, il ne fallait pas non plus s’attendre à un événement… qui allait entrer dans l’histoire, motherfuckers. (B.R.)

 

HELLFEST : VENDREDI

Cette édition 2019 peut difficilement mieux commencer qu’avec Freitot, réjouissant projet death old-school d’Etienne Sarthou (ex-Aqme), Arno Strobl (Carnival In Coal/CinC) et Fabien Desgardins (Benighted). Si vous pensez que vous êtes trop vieux pour les circle pits, eh bien imaginez en enchainer deux ou trois vers 10h40 du matin, à peine la première bière bue, dans une ambiance de début de festival qui fleure bon les retrouvailles et pas encore trop la poussière et la viande saoule, et vous aurez finalement une assez bonne idée de ce que donne ce premier concert sous l’Altar. Côté public donc, pas mal de monde, bien motivé. Et côté groupe, rien à redire non plus : un son véritablement excellent, une maitrise totale de chacun des protagonistes (mention spéciale à Etienne, à la cool derrière ses fûts et variant les styles avec aisance et élégance), un Arno en mode Monsieur Loyal du death metal (les blagues fusent, tout comme les demandes de circle pits ou de vidéos pour leur nouveau clip, ce qui motive tout le monde : l’homme est aussi détendu et heureux que son public), bref, tout est réuni pour passer une belle demi-heure, bien vite écoulée au son des efficaces compositions du premier LP, sorti l’an dernier et chroniqué en ces pages (on vous recommande de jeter une oreille dessus). Mention spéciale à l’écrasant « The Last Room on the Left », mais on jubile aussi à l’écoute de  « Mission », « Love is All Around » ou le mini tube melodeath, « Father ». Entrée en matière impeccable. (R.L.)

On le sait, en ce vendredi le Hellfest met à l’honneur un nombre assez impressionnant de groupes français (plus ou moins bons ou intéressants, mais là n’est pas la question), et ça commence dès le matin à la Warzone à 11h avec Stinky, sympathique combo hardcore new school qui, en plus d’être plutôt bon, vient de Clisson même. On vous laisse donc imaginer le bonheur et l’émotion du quintette mené par Claire, sa pile électrique de hurleuse, de se retrouver à jouer dans sa ville natale, dans l’un des plus gros festivals de musique extrêmes, sur l’une des plus grandes scènes hardcore open air au monde, laquelle est, en plus, plutôt bien remplie pour l’occasion. Si musicalement, le groupe s’avère finalement guère original et tient surtout de l’hommage hyper appuyé à Comeback Kid (voire Nine Eleven), sur scène, la qualité de leur interprétation, l’énergie dégagée et la bonne humeur hyper communicative convainquent sans peine, et la demi-heure passée en leur compagnie file aussi vite que leurs riffs et enjaille autant que leurs refrains pleins d’emphase mélodique. Un vrai plaisir, et un gros coup de chapeau au Hellfest pour avoir programmé un groupe si jeune et relativement confidentiel en ouverture de la Warzone. Et un sincère bravo à eux d’avoir été à la hauteur de l’événement.  (R.L.)

(Cult Leader)

Cult Leader est rien de moins qu’un des groupes les plus intéressants apparu ces 3-4 dernières années au sein de la scène extrême. Armé d’un premier album brillant (Lightless Walk), et d’un second absolument parfait de bout en bout (A Patient Man), le groupe, principalement composé d’ex-membres des légendaires Gaza, peine pourtant à percer en Europe, où son mélange de hardcore chaotique, de death metal, de sludge et de dark folk, sans doute trop exigeant pour la plupart des oreilles, et jouant trop volontiers le grand écart (notamment sur le dernier album), ne déplace pas les foules. C’est donc devant un parterre relativement clairsemé, et pas aidé par un son loin d’être impeccable, que le groupe, visiblement épuisé (ils jouaient la veille au soir à Paris, là encore devant une foule peu compacte), administre pourtant une sanction et un set d’une rare violence au public présent. Evitant soigneusement de jouer tout morceau mélodique (sauf le dernier, « The Broken Right Hand of God »), le quatuor enchaine sans un mot les tueries : « Great I Am », « Gutter Gods », « I Am Healed », le fabuleux « Isolation in the Land of Milk and Honey », « Suffer Louder » ou encore « Walking Wastelands ». Bien entendu, on adorerait les entendre jouer « How Deep it Runs », « A Good Life » ou encore « To : Achlys », mais avec seulement 40 minutes de set et vu le contexte, on ne se fait guère d’illusions. Bref, on peut difficilement dire qu’il s’agit là d’un très bon concert car tous les ingrédients n’y sont pas, mais les compos sont indéniablement bien au-dessus de la mêlée et le chanteur Anthony Lucero fait preuve d’un charisme certain, accentué par ses postures et sa gestuelle (et une masse de câbles de micro enroulés qu’il agite de droite à gauche). On adorerait les voir, au moins une fois, déployer tout leur potentiel sur scène. En attendant, on se console avec leur impeccable discographie.  (R.L.)

(Dwarves)

Direction la Warzone pour une quarantaine de minutes de midget-core avec les Dwarves. Du cul (« Sluts of the USA »), de la fumette (« Get Up & Get High »), de l’auto-célebration (« The Dwarves Are Still the Best Band Ever ») : le punk rock fun et primaire des Californiens (avec Nick Oliveri à la basse) reste immuable, parfait donc pour célébrer soleil et nanas dans une ambiance évidemment bon-enfant et bas du front. Les hits « Back Seat of my Car », « Everybodies Girl », « Mimie Mathy’s a Bitch » ou l’hymne officiel #MeToo « Let’s Get High & Fuck Some Sluts » sont de sortie en mode sulfateuse, le son est plutôt correct et Paul « Dahlia » Cafaro sort de scène à travers la batterie, rideau sur les nabots ! Idéal pour bien commencer son Hellfest sous le signe d’un hédonisme grossier et potache. (S.L.)

Hédonisme et grossièreté, deux mots qui vont comme un gant (de cuir) à Impaled Nazarene. Par contre, on repassera pour le côté potache. En vérité, assister à un concert des Finlandais revient à passer sa tête dans le tambour d’une machine à laver : c’est très con, ça secoue dans tous les sens, c’est marrant cinq minutes, mais ça n’a vite plus beaucoup d’intérêt. Le show, super-bourrin n’est qu’une suite de tempo punk-crust jouée autour des 160 bpm, sans grandes variations. Un nihilisme black metal de forme (et de fond) qui fonctionne sadiquement sur disque (Suomi Finland Perkele, Latex Cult), mais qui pédale dans le vide en live. Le son, revêche, aigu et sans nuances, dominé par les piaillements d’un Mika Luttinen à la présence scénique d’un parcmètre transforme n’importe quel « Cogito Ergo Sum », « Motörpenis » ou « Let’s Fucking Die » en un seul et même morceau, répété ad nauseam. Hâtivement gribouillés façon maternelle, les 666 et les croix renversées en guise de corpse-paints n’obtiennent eux aussi pas la moyenne artistique. On met les voiles avant la fin du carnage. (S.L.)

Originaire de Portland, Uada mise sur la sobriété et l’efficacité : les musiciens en noir se planquent sous leur capuche tout en prenant des postures conquérantes, un pied sur le retour, galvanisés par le caractère épique de leur black metal mélodique et puissant. Tout comme le public qui adhère aux envolées de « Devoid of Light » ou « Snakes and Vultures » malgré un light show aride, la fumée éparse et l’horaire peu propice. (Em.D.)

(Daughters)

Qui aurait parié sur un retour gagnant, dix ans après son dernier album, de Daughters, groupe qui plus est bien décidé à ne pas donner à ses fans ce qu’ils voulaient (du hardcore/grind chaotique).  Reste que ces Américains n’ont jamais autant fait parler d’eux qu’avec You Won’t Get What You Want, album noise rock, industriel, électronique, et leurs récentes tournées. Un buzz réel, que ce concert sur l’Altar du Hellfest vient à la fois relativiser – nous sommes peu nombreux – et en partie expliquer. Complet veston, nuque longue et moustache, le chanteur Alexis S.F. Marshall attire tous les regards avec son jeu de scène aussi spectaculaire que décadent alliant la classe de Nick Cave, le dynamisme de Dennis Lyxzen et la démence de David Yow. Front en sang à force de se frapper avec le micro, dos rouge à force de se fouetter avec sa ceinture de cuir, visage maculé de sa propre bave, le chanteur termine le concert dans le public, laissant une grande partie de celui-ci abasourdi par  ce qu’il vient de voir. Et d’écouter, soit une bonne partie du nouvel album : « The Reason they Hate Me », « Less Sex », « Satan in the Wait », « Daughter » ou « Ocean Song ». A revoir dès que possible. (O.D.)

Il est 15h et No Fun At All investit la scène sous un soleil déjà bien écrasant et face à une audience un peu clairsemée. Concernée et appliquée, la formation délivre un excellent set sans aucun temps mort durant lequel elle fait proprement le tour de sa discographie, de son tout premier EP Vision (avec le galvanisant « Where’s the Truth ») à son dernier album en date sorti en 2018, Grit (un seul titre interprété, le solide « Spirit » en ouverture de show). Sans grande surprise, NFAA se concentre sur ses trois premiers albums, avec pour chacun d’entre eux trois ou quatre extraits, avec notamment un bel enchainement autour du toujours recommandable The Big Knockover (« Should Have Kown »/« Suicide Machine »/« Lose Another Friend » puis plus loin « Catch Me Running Round »). Le public, composé visiblement autant de fans que de curieux, cède sans grande résistance aux charmes de cet ancien chef de file du skatecore scandinave 90s, certes moins connu que Millencolin (mais qui a contrario de ce dernier sait au moins tenir une scène) et sans doute moins respecté que Satanic Surfers (ce qui pour le coup est somme toute un peu logique) mais ne déméritant nullement en l’état actuel des choses. (B.P.)

(Power Trip)

 

Il y a trois ans, le crossover thrash metal/hardcore de Power Trip avait mis le feu à la Warzone, et les revoilà aujourd’hui prêts à pulvériser l’Altar. Riley Gale a beau dire « vous ne nous connaissez pas, donc vous vous foutez de quel morceau on joue », la réaction du public sur « Executioner’s Tax » laisse à penser qu’il a tout faux. Mais au fond, oui, on se fiche de quel morceau est joué puisqu’ils déboîtent tous, surtout en live. Très axé sur Nightmare Logic (6 titres sur 9 quand même), le set des Texans est une tuerie de bout en bout avec notamment le dernier single en date « Hornest’s Nest », facile au niveau d’un « Soul Sacrifice ». A noter l’interprétation d’un nouveau morceau lui aussi extrêmement efficace, mais qui n’augure d’aucune évolution. Au total, ne manquait que « Crossbreaker » pour que tout soit parfait. En à peu près quatre ans, Power Trip est devenu une valeur sûre, a réussi à conquérir aussi bien les metaleux que les coreux, et pourrait bien devenir l’un des gros groupes de demain. (B.R.)

Après la monstrueuse mandale infligée par Power Trip, nous voilà de retour au sein d’une Warzone pleine comme un œuf qui accueille bruyamment les protégés de Tim Armstrong, The Interrupters. Si on est moyennement fans de ce groupe manquant selon nous de personnalité, ce n’est pas le cas de l’immense majorité du public qui transforme le pit en piste de danse géante. C’est bien simple, on pourrait renommer la Warzone la skazone : l’ambiance y est festive et bon enfant, au diapason d’une musique ska-punk sautillante et toute taillée pour le live. Le groupe, visiblement ravi d’être là et de recevoir un accueil aussi positif, arpente la scène avec générosité et communique beaucoup. Bref, tout le monde s’amuse… sauf nous qui nous ennuyons gentiment, avec cette sensation d’être face à un bon élève rendant une copie sans rature, bien dans les clous. Certes la plupart des morceaux s’avèrent indéniablement efficaces (« She’s Kerosene », « Title Holder », « Take Back The Power ») mais aussi trop génériques, avec pour modèles évidents Rancid et Operation Ivy. Le groupe de la fratrie Bivona assume d’ailleurs totalement cette filiation stylistique et reprend même les deux groupes au sein d’un court medley (soit le seul moment qui nous fait véritablement tendre l’oreille). (B.P.)

Alors qu’il vient de sortir l’an dernier l’excellent Hadeon (un seul titre joué), Pestilence axe son set sur Testimony of The Ancient (bon, OK…) et surtout Consuming Impulse (oh, malheur !). N’est-ce pourtant pas Patrick Mamelli qui se plaignait en nos pages de ce genre de concert où le groupe est réduit au rôle de jukebox, n’interprétant que ses vieux classiques ? Vu le peu de monde devant la Temple, le batave, affublé d’une aussi longue ridicule tresse jaune (non, pas blonde : jaune), aurait dû tout simplement se faire plaisir et jouer des morceaux plus récents. Il aurait également dû mieux choisir ses musiciens, absolument insupportables à regarder, aussi charismatiques que le crépi d’une maison de lotissement (on avait préféré les trois crânes rasés qui l’accompagnaient au Hellfest en 2009). Si singulier sur disque, Pestilence sonne ici comme un  groupe death metal lambda et ne semble pas décevoir que nous… Aucun titre de Spheres – notre album préféré du groupe, vous l’aviez certainement deviné – n’est interprété, alors que nous avions eu droit à « Mind Reflection » la dernière fois au même endroit. Grosse déception de cette première journée (O.D.)

(Me First and The Gimme Gimmes)

C’est l’heure de l’apéro (encore que celui-ci paraît être en ces lieux extensible à l’infini) et Me First and The Gimme Gimmes monte à présent sur la scène de la Warzone. On est aussitôt surpris (et un peu dépités aussi) de constater les absences de Joey Cape à la guitare et Fat Mike à la basse. À leurs postes respectifs, on retrouve aujourd’hui Stacey Dee (de Bad Cop/Bad Cop) et CJ Ramone qui malheureusement n’ont ni le bagout ni la gouaille des deux manquants à l’appel. Au frontman Spike Slawson d’assurer seul le show de son orchestre de reprises en tout genre, costumisé comme il se doit (pantalon blanc et chemise or pour tout le monde). Sans surprise, le set s’avère à la fois réjouissant et décousu, bancal et sympathique, poussif et frais… Chaque titre est précédé, puis suivi, d’un laïus potache qui casse d’office toute forme de dynamique. Ce qui n’empêche pas la formation d’aligner tout de même pas loin de vingt titres, avec une belle mise en avant de son premier album Have a Ball (avec notamment les reprises d’Elton John « Rocket Man » et Billy Joel « Uptown Girl ») ainsi qu’un tiercé country iconoclaste où sont convoqués Willie Nelson (« On the Road Again ») et Dolly Parton (« Jolene »). Tout cela reste malgré tout assez anecdotique, le charme du concept tenant pour beaucoup à l’identité des musiciens présents (accepterait-on de subir ça de la part de parfaits inconnus ?). Reste qu’une heure pleine, c’est un peu long pour ce genre de plaisir coupable (pour preuve : le pit se remplit sur les trente premières minutes puis se vide progressivement sur les trente suivantes). (B.P.)

Au vu du nombre de Turbojugend présents sur le site (on en croise un peu partout mais majoritairement aux alentours de la Warzone) en ce premier jour de festival, on se dit que le show de Hank Von Hell est attendu de pied ferme par certains. Venu défendre Egomania, son bon premier album solo sorti l’an dernier, l’ex-frontman de Turbonegro débute pourtant sa prestation face à un public pour le moins épars mais qui va rapidement se densifier. Il faut dire que sa performance est en tout point remarquable, car dotée de toutes les qualités qui ont fait la gloire de son ancien groupe : de la provocation gentiment salace associée à du second degré vraiment drôle (tellement plus que chez Me First and The Gimme Gimmes pour le coup), des musiciens pailletés et rimmellés qui en font des tonnes niveau posture et arrogance, et surtout de formidables chansons deathpunk tellement proches de celles de Turbonegro que le distinguo entre elles devient impossible. Quasiment tout l’album (huit titres sur dix) est passé en revue avec ferveur, vulgarité et une certaine classe, ainsi que trois morceaux de, devinez qui ? Turbonegro évidemment. Von Hell reprend ici les classiques « Selfdestructo Bust » et « I Got Erection » et surtout un « All My Friends Are Dead » qui brusquement enflamme et fait partir en vrille un pit qui était resté jusqu’alors plutôt sage. Ce dernier titre referme une prestation pleine d’entrain et convaincante de bout en bout. (B.P.)

(Dropkick Murphys)

 

Il n’existe pas plus fédérateur en festival que les celtic punks de Dropkick Murphys. Les Bostoniens ont laissé derrière eux depuis bien longtemps le punk hardcore de leurs débuts et semblent désormais plaire à tous les publics, de 7 à 77 ans. Comme Tintin, mais avec des trèfles et du banjo. Et évidemment ça marche aussi bien aux Vieilles Charrues qu’au Hellfest. Les tubes s’enchaînent, les paroles sont souvent affichées sur écran pour être reprises en chœur en secouant sa pinte et le public très nombreux devant la Mainstage 1 se déchaîne sur le « I Fought the Law » popularisé par les Clash et les incontournables « Rose Tattoo » et « I’m Shipping Up to Boston » (merci Scorsese). Sans être transcendant, un concert des Dropkick est toujours aussi agréable qu’une bonne bière fraîche sous le soleil qui tape. Ni plus, ni moins. (B.R.)

(Uncle Acid And The Deadbeats)

Classique mais extrêmement efficace, le rock seventies retro et occulte d’Uncle Acid And The Deadbeats s’accompagne de projections vintage (films d’horreur). Aucune originalité donc, mais des morceaux ultra accrocheurs (« Death’s Door », « Shockwave City » notamment) et une puissance qui parviennent à transporter, dans un genre où bien d’autres se plantent royalement. (Em.D.)

Pas de backdrop, une scène diminuée de moitié par l’avancée de la batterie et des amplis : même s’il joue sur la plus petite des scènes du festival (la Warzone donc), The Descendents souhaite en faire un lieu plus intimiste, comme pour minimiser son statut de légende vivante. D’ailleurs, Milo passe tout le show avec une espèce de gourde/thermos en bandoulière pour s’abreuver ponctuellement d’on ne sait quel nectar : difficile de faire moins glamour, iconique et poseur. Mais si le cadre est des plus basiques et rudimentaires, la setlist et son exécution sont, elles, absolument exemplaires. Le groupe pioche dans quasiment toute sa discographie, faisant malgré tout (et logiquement diront certains) l’impasse sur Enjoy ! et n’accordant que peu de place aux albums All (seulement « Coolidge » et « Clean Sheets ») et Cool to Be You (uniquement le formidable « Nothing with You »), pour mieux se concentrer sur Milo Goes To College, I Don’t Want to Grow Up, Everything Sucks et Hypercaffium Spazzinate. Les titres, tous imparables, défilent selon une réjouissante alternance entre brulots hardcore old-school (« Suburban Home », « I Like Food », « My Dad Sucks », « I Wanna Be a Bear ») et tubes punk mélodique intemporels (« When I Get Old », « Without Love », « I’m the One », « Victim of Me », « Testosterone »). Le groupe, bien que peu affable, reste d’une décontraction à toute épreuve entre les morceaux (voir cet intermède où les membres se passent un mug géant pour y boire un peu de café avant d’entamer « Coffee Mug »), mais dès qu’il s’agit de jouer, là, fini de rire et la précision est de rigueur. Le show se clôt idéalement sur le morceau « Descendents » et on ressort enthousiastes au possible de cette prestation fabuleuse en se disant qu’on vient là d’assister (avec Power Trip) au show de la journée… (B.P.)

… C’était compter sans Carcass qui nous colle une véritable torgnole sous l’Altar ! D’emblée, le son est puissant, ample et clair, rendant pleinement justice à des compositions d’une infinie justesse dans leur pilonnage chirurgical. Le public, nombreux, accueille chaque titre par une ovation et fait bruyamment entendre son plaisir d’être là et d’assister à une véritable démonstration de force de la part des Anglais. Toujours pince-sans-rire, Jeff Walker y va de ses petites remarques à l’humour so british entre les morceaux. La formation met à l’honneur majoritairement des titres de Surgical Steel en ouvrant le show par « 1985 » et « 316L Grade Surgical Steel » puis en enchainant plus tard d’une traite « Unfit for Human Consumption », « Cadaver Pouch Conveyor System » et « Captive Bolt Pistol ». Heartwork est évidemment aussi convié à la fête avec « Buried Dreams », « Heartwork », « This Mortal Coil » et « Death Certificate ». Sur scène, l’attitude est conquérante et l’interprétation sublime avec un Bill Steer impérial nous offrant des leads fabuleuses. Le groupe remonte jusqu’à son premier album Reek of Putrefaction avec « Genital Grinder », en passant par Symphonies of Sickness avec « Hexume To Consume » et « Reek of Putrefaction » et Necroticism avec « Corporal Jigsore Quandary », « Incarnated Solvent Abuse » et « Carneous Cacoffiny ». Il nous gratifie aussi d’un extrait de l’injustement mal aimé Swan Song avec l’excellent « Keep on Rotting in a Free World ». L’heure accordée aux Anglais file à vitesse grand V et on en redemande encore tant son show nous impressionne. Premiers très gros frissons du festival ! (B.P.)

(Fu Manchu)

Au même moment, Fu Manchu investit la scène de la Valley. Le concert à peine commencé, on comprend que Scott Hill & co veulent en découdre : l’intro de « Evil Eyes » installe une tension jouissive et dès le premier riff le public explose : le son est énorme et le groupe survolté – on se souvient alors que certains de ces types viennent du punk hardcore. S’ensuit un concert aux allures de best of (les classiques « Mongoose », « Hell on Wheels » ou « King of the Road » alterné avec quelques nouveautés comme « Clone of the Universe » et « Dimension Shifters »). Confirmant qu’il est décidément le roi du stoner high énergie, Hill s’arc-boute sur sa guitare transparente, alors que ses camarades ferraillent sans répit durant l’un des meilleurs concerts du groupe qu’il nous a été donné de voir. (Em.D.)

(Triumph Of Death/Hellhammer)

On se retrouve presque par hasard devant Triumph Of Death, soit Tom Gabriel Warrior (Hellhammer, Celtic Frost, Triptykon) au chant et à la guitare, Mia Wallace (Niryth, The True Endless, Kirlian Camera) à la basse, Michael Zech (Secrets Of The Moon, Odem Arcarum) à la guitare et Alessandro Commerio (Forgotten Tomb, Hiems) à la batterie, tout ce beau monde étant réuni pour jouer des morceaux de Hellhammer, groupe pré-Celtic Frost de Warrior et feu Martin Eric Ain, jamais interprétés sur scène pour la plupart d’entre eux. Un concert événement qui là encore n’attire pas les foules, et qu’à notre grande surprise on savourera de la première à la dernière seconde : son impeccable et puissant, lumières majoritairement bleues installant une ambiance froide, musiciens charismatiques, et ce metal primitif – proto-thrash, punk et doom – que certains puristes auront trouvé « trop bien interprété » pour être véritablement fidèle à Hellhammer. Des considérations qui nous passent des kilomètres au-dessus tant les « Massacra », « Agressor », « Messiah », « Visions of Mortality » (de Celtic Frost) et bien sûr « Triumph of Death » prennent une nouvelle dimension ce soir sous la Temple. (O.D.)

(Gojira)

Propulsé tête d’affiche d’une Mainstage 2 aux faux airs de SMAC (gloups), Gojira a mis fin à plus de cinq heures de cauchemar franchouillard, de discours consensuels et démago et de wall of death pénibles en désintégrant une « concurrence » hexagonale qui ne semble tout simplement pas évoluer dans le même univers (Mass Hysteria, No One Is Innocent, Dagoba, Ultra Vomit et Blackrain ont joué l’après-midi). Celui de Gojira est à la mesure de son show du soir : ambitieux, démesuré, parfait d’un point de vue technique, esthétique et sonore. On passera sur le solo de batterie et les quelques échanges avec le public, franchement anecdotiques, pour mieux relever l’excellence d’une setlist qui revisite presque toute la discographie des Landais, de « Clone » à « Silvera » en passant par « Backbone », « L’Enfant Sauvage » ou l’introductif « Oroborus ». L’époustouflant light show épouse les moindres variations, polyrythmies, breaks, accélérations ou silences qui constituent l’épine dorsale de la musique de Gojira. L’effet, transcendé par des vidéos immersives et un son dantesque, est totalement saisissant. Un show « à l’américaine » mémorable et une expérience totale d’Artertainment. (S.L.)

 

Samedi
Dimanche