Report : Hellfest 2018 (part 3/3)

(c) Ronan Thenadey

Par Olivier “Zoltar” Badin, Laurent Catala, Olivier Drago, Romain Lefèvre, Stéphane Leguay, Bertrand Pinsac et Benjamin “Bhaine” Rivière.
Photos : Ronan Thenadey.

Dimanche

Si, en ce troisième jour, le festivalier matinal commence à montrer quelques signes de fatigue, ce n’est nullement le cas des Français de Plebeian Grandstand, qui ensevelissent la Temple sous un tir de barrage ahurissant de puissance : à n’en pas douter un des sets les plus intenses vus ce week-end. Déjà particulièrement exigeante et abrupte sur album, la musique du groupe est sublimée par la violence du live. Son très clair, super combo « shorts en jean/torses nus », le quatuor déboulonne la Temple sans amour mais avec une grosse maîtrise (et un bon gros « Thrvst », entre autres joyeusetés) : on a beau être matinal, on a mal. (R.L.)

Vous voulez du rock’n’roll comme on n’en fait plus (enfin bon, plus trop disons) ? Pas de problème, The Lords Of Altamont va vous en donner. Et du bon qui plus est, du vintage, tout en cuir et cran d’arrêt, bien gominé et en bottines. Malheureusement, peu de monde devant la scène pour assister à un show pourtant des plus efficaces, exécuté par une formation généreuse emmenée par l’inénarrable frontman Jake « the Preacher » Cavaliere. L’intéressé est armé de son orgue farfisa, instrument à toute épreuve pouvant ponctuellement lui servir d’estrade, et sur lequel il monte volontiers pour mieux toiser le public. Son rock graisseux (mais jamais gras) mâtiné de garage et de légères touches psychédéliques prend toute son ampleur sur scène, introduisant assez idéalement notre début d’après-midi en nous préparant proprement à une journée placée à la Warzone sous le signe de la Hi-energy scandinave. (B.P.)

Il est rassurant de voir que les années passent et que le thrash-metal demeure. Au rayon des historiques seconds couteaux, la palme de la résurrection revient aux Allemands d’Exumer, restés dans l’ombre de leurs illustres compatriotes de Kreator ou Destruction en leur temps. Emmené sur un rythme enlevé par le brio du chanteur Mern V. Stein, qui semble totalement incrédule face à l’engouement que charrie encore dans le pit leur corrosif « Possessed By Fire » 32 ans après sa sortie, le concert des Teutons décoince plus d’une nuque de headbanger et confirme que leurs récentes sorties – dont le The Raging Tides de 2016 – sont toujours aussi propices aux courses de guitares échevelées. (L.C.)

Fiers représentants d’une génération plus actuelle, les Barcelonais de Crisix assument, eux, la tradition de la bonne humeur survitaminée drainée par le genre depuis les sauts de cabris en bermudas d’Anthrax. Et pas grave si leur récent album, Against the Odds, n’est sans doute pas leur meilleur. Sur scène, les Catalans balancent leurs brûlots les plus intenses sans retenue (« GMM, The Great Metal Motherfucker » !), tandis que le chanteur Julian Baz affiche son plus beau sourire et que tous les musiciens échangent leurs instruments pour taper un bœuf mémorable sur un pot-pourri très « I’m the Man » de morceaux de Beastie Boys, Pantera et Metallica. Bien entendu, tout cela se termine dans le pit pour une mosh-dance épileptique. Molt Graciès ! (L.C.)

Grave Pleasures (c) Ronan Thenadey

Que dire du concert de Grave Pleasures, si ce n’est qu’il est impeccable, même si visuellement le groupe avait plus de panache avec Linnea Olsson à la guitare. Mat McNerney sait tenir une scène, chante à merveille, et le groupe enchaine ses plus récents tubes nucléaires (« Be My Hiroshima », « Atomic Christ », « Doomsday Rainbow »), en faisant par contre totalement l’impasse sur son précédent (et pourtant bon) album, Dreamcrash. Mais c’est toujours lorsque résonnent les morceaux de Beastmilk (« Love in a Cold World », « Death Reflects Us », « Genocidal Crush ») que le public se montre le plus réceptif. (O.D.)

On garde un souvenir ému du passage au festival en 2012 de The Bronx. La formation californienne, qui porte décidément bien son nom, avait alors enflammé une des mainstages, générant une foire d’empoigne pas possible dans les premiers rangs du pit lorsque Matt Caughthran s’était jeté dedans. Et rebelote six éditions plus tard, mais cette fois-ci à la Warzone, pleine comme un œuf et retournée comme une crêpe. Sur scène, le groupe en impose avec, surprise, à la batterie un Joey Castillo (ex-Queens Of The Stone Age, Danzig, Blas’t, Bloodclot, Wasted Youth, Sugartooth, Scott Weiland & The Wildabouts…) fièrement moustachu et cognant comme un diable. Énergique et nerveuse, la formation dégaine son hardcore-punk avec classe face à un public qui fait bruyamment savoir son enthousiasme (flot quasi ininterrompu de slams et de crowdsurfing en direction de la fosse photographes). Sans coup férir, le quintette attaque avec l’excellent « The Unholy Hand » puis nous assène un tonitruant « Sore Throat », puis le fabuleux « Heart Attack American » suivi par un « Under the Rabbit » furibard. On mange aussi le terrassant « Knifeman » et succombe aux mélodies d’« Around the Horn ». Que du bonheur et une démonstration de force scénique de la part d’une des meilleures formations en son genre. (B.P.)

(c) Ronan Thenadey

On enchaine aussitôt sur Nebula à la Valley et si le tapage est ici moindre, la ferveur reste quant à elle similaire. Enfin de retour après sept ans d’absence (et l’arrivée d’un énième batteur), le trio toujours emmené par l’ex-Fu Manchu, Eddie Glass, livre une formidable prestation à la croisée du stoner et du rock psychédélique. Compact et investi, Nebula joue sans esbroufe, et envoûte l’auditoire présent par l’intensité d’une setlist au sein de laquelle alternent titres vrombissants et d’autres plus mellow. Glass étale ici tout son savoir-faire de guitariste et si ses dérives blues psyché sont franches, elles retombent toujours sur un riff millimétré, massif et hypnotique. L’accueil par le public est au diapason de cette remarquable performance offerte et on souscrit pleinement à cet enthousiasme collectif. (B.P.)

Avec un seul album sous le bras et un second concert quatre heures plus tard sous l’étiquette At The Gates – dont trois des cinq musiciens font partie –, The Lurking Fear la joue « petits bras », surtout devant un public clairsemé et pas au fait de la belle brochette (complétée par un ex-Edge Of Sanity et un gars de Skitsystem quand même !) de brigands auxquels elle a affaire. Et puis au-delà du simple constat qu’on a là des pros de chez pros qui essayent de faire revivre les fantômes de leur jeunesse passée à écouter les démos de Morbid Angel et de Sadistic Intent, on ne tient pas encore là des compositions suffisamment mémorables pour justifier la hype. On attend leur deuxième album (prévu pour le printemps prochain) pour voir. (O.Z.B.)

Il est vrai que le metalcore n’est pas très prisé par chez nous, mais s’il y a bien UN groupe qui trouve grâce à nos yeux dans le genre, c’est l’un de ses fondateurs, Killswitch Engage, responsable de deux premiers albums d’exception (et d’un troisième tout à fait honnête) et qui depuis, en gros, refait plus ou moins les mêmes en moins bien. Le public de la MS2, en nombre et en grande forme, n’en tient en tout cas aucune rigueur aux Américains, qui, complètement à leur aise, donnent à voir un joli spectacle (mention spéciale à JDL, le chanteur, au look infamant, tout droit sorti des Ch’tis à Mykonos) à base de tubes metalcore de stade parfaitement exécutés : citons «Life to Lifeless », « My Last Serenade » ou « When Darkness Falls » pour rester dans les classiques du groupe, et passons sur ce moment, particulièrement fun et agréable au demeurant. (R.L.)

Exhorder (c) Ronan Thenadey

Le chapiteau de l’Altar est loin d’être rempli, mais on est surpris de voir autant de jeunes dans le public pour accueillir Exhorder, groupe de La Nouvelle-Orléans fondé en 1986, considéré comme précurseur de la mouvance groove metal 90s (Pantera aurait fortement été influencé par lui) et auteur de deux albums, Slaughter in the Vatican (1990) et The Law (1992). Les deux membres originels, le guitariste Vinnie LaBella (guitare) et le chanteur Kyle Thomas (ex-Floodgate, Alabama Thunderpussy et Trouble) débarquent sur scène accompagnés du bassiste Jason Viebrooks (Heathen), du batteur Sasha Horn (Forbidden) et du guitariste Marzi Montazeri (ex-Superjoint Ritual, ex-Phil Anselmo & The Illegals). Notre plan initial était de partir à mi-concert pour voir Zeal & Ardor, qui joue au même moment sous la Valley. Au final, on reste tout le set, grisés par ce metal incisif et technique, sorte de charnière thrash entre le heavy metal 80s et le groove metal 90s, et ce, même si on a toujours autant de mal avec les chanteurs jouant de l’air guitar durant les solos. On pardonne Kyle Thomas, par ailleurs frontman remuant et bondissant, vraisemblablement heureux d’être là en plus d’assurer des parties de chant impeccables (la liste des groupes dans lesquels il a joué donne une bonne idée de l’étendue de sa palette vocale). (O.D.)

Quel meilleur endroit que le Hellfest et la Valley pour l’hybridation rhythm’n’blues et black metal de Zeal & Ardor ? Vu la configuration du groupe (avec choristes) et sa musique, un son brouillon ne pardonnerait pas. Heureusement, dès le démarrage, rien à redire sur ce plan. Manuel Gagneux et ses musiciens se révèlent d’un professionnalisme irréprochable, et d’une précision qu’on retrouve plus souvent chez les backing bands d’énormes artistes pop. L’interprétation des meilleurs extraits de Stranger Fruit frôle donc la perfection (le chant, surtout, hurlé ou non). C’est puissant, poignant, nouveau. Gagneux ne parle pas entre les morceaux, préférant dérouler une setlist sans moment creux. Le public répond présent et participe pleinement, chantant et frappant dans ses mains comme s’il était à une messe pentecôtiste assourdissante. La géniale uchronie musicale prend réellement tout son sens en live, encore plus puissante en public qu’en studio. Lorsque Zeal & Ardor achève son passage sur le martial « Baphomet » (un titre sorti dans le cadre de la collection Adult Swim Singles), aucun doute ne subsiste, nous venons d’assister à l’un des meilleurs et plus singuliers concerts de cette édition 2018. (R.L.)

Grosse hype de la scène metal depuis bientôt deux ans, Zeal & Ardor a les honneurs d’une Valley blindée de curieux, mais également de zélotes patentés vu la manière dont sont repris en chœur (il faut dire que la musique de Z&A se prête idéalement à l’exercice) les morceaux du groupe. Beaucoup plus en place que la dernière fois qu’on les a vus (l’hiver dernier au Glaz’art), la troupe de Manuel Gagneux semble désormais exceller dans l’exercice du live et fait un véritable triomphe, qu’on juge assez mérité, car sa formule inédite combinant gospel/soul/black metal, loin de s’essouffler, s’est nettement enrichie sur Stranger Fruit, son très solide dernier LP. Tous les morceaux de référence du groupe y passent, et on en ressort ravis, et désormais persuadés que Zeal & Ardor est bien davantage qu’une vanne Reddit qui n’a que trop duré. (B.R.)

Baroness (c) Ronan Thenadey

Si on donne un peu dans la psychologie de comptoir, il est généralement admis que l’adversité peut soit paralyser, soit amener à fuir, soit sublimer ceux qui la subissent. C’est le cas ce soir de Baroness, puisque ces derniers, privés de batteur la veille au soir, préfèrent se lancer dans un périlleux set acoustique quasiment pas préparé, plutôt que d’annuler leur set. Grand bien leur prend tant le triomphe est grand face à un public touché et reconnaissant envers le groupe d’avoir relevé le gant. Un set de Baroness totalement inédit donc, réduit au plus simple appareil, JDB et Gina Gleason assurant un duo folk guitares/voix particulièrement complice, soutenu par un Nick Jost discret mais utile aux claviers/basse. Le groupe adapte ses morceaux à l’exercice avec un talent éclatant et une exécution parfois fragile, mais convaincante, « March to the Sea » en tête. Pour le reste, « Green Theme », « Chlorine & Wine », « Little Things », « Eula » ou encore « Board Up the House » finissent d’achever ce qui constituera, en lieu et place de la triste vision d’une scène vide pendant une heure, un très beau souvenir. (R.L.)

Amateurs de sleaze-rock ceci est votre moment, rien qu’à vous. Débarque en effet à la Warzone l’escadron suédois des Backyard Babies, visiblement heureux d’être ici si l’on en croit les sourires arborés par Dregen (surlooké, à faire passer Keith Richards pour un modèle de sobriété) et Nicke Borg (dont le chant rappelle de plus en plus celui de Mike Ness de Social Distortion). Et comme pour donner le ton de ce qui va suivre, la formation attaque bille en tête avec l’énorme « Made Me Madman », seul titre de son sensationnel deuxième album, Total 13 à être joué, malheureusement (mais pourquoi ont-ils fait l’impasse sur le pourtant indispensable « Highlights » ?). Dans la foulée, le quatuor ose l’infernale triplette glam-punk « Dysfonctional Professional »/« The Clash »/« Brand New Hate », titres aux refrains si évidents qu’ils en ont même des faux-airs de plaisirs coupables. En parlant de plaisirs coupables, les BB nous en offre un autre et un bien beau, bien gros : l’indispensable power-ballad, cheesy « Abandon ». Poseur en diable, Dregen en fait des caisses, offrant une sorte de show dans le show (un peu comme Vinnie Stigma chez Agnostic Front ou Janick Gers chez Iron Maiden). La setlist a un peu des allures de best of puisqu’elle est constituée aux trois quarts de singles. Au final, les Backyard accomplissent sans mal la mission qu’ils semblent s’être fixée : offrir de l’entertainment, pur, dur et sincère. (B.P.)

C’est face à un public clairsemé que Gluecifer monte sur la scène de la Warzone. Mais le pit ne va pas tarder à se remplir peu à peu au son du rock hi-ernegy teinté de hard des gloires d’Oslo. Biff Malibu, Captain Poon et leurs comparses nous déroulent le tapis rouge en entamant les hostilités par un « I Got a War » ravageur. Gros effet ! Impossible de ne pas être emballé par une telle débauche d’énergie. Le son est impeccable, percutant et incisif. La setlist est majoritairement axée sur le dernier album du groupe, Automatic Thrill, et on a droit à la chanson-titre, à l’électrisant « Take It », « A Call from the Other Side », « Car Full of Stash », « Shaking so Bad » et un « Here Come the Pigs » du plus bel effet. À ceci s’ajoutent les tout bonnement excellents « Easy Living » et « Black Book Lodge » tirés de Basement Apes. Et aussi aux claques « Go Away Man » et « Get the Horn ». Et d’autres encore. Les Norvégiens, conquérants, enchainent les uns après les autres leurs hits et l’ambiance va crescendo au sein d’un public pour partie acquis et conquis. Treize ans que l’on attendait le retour des patrons, fût-il seulement épisodique et scénique, et cette fabuleuse prestation d’une toute petite heure a été largement à la hauteur de nos attentes. (B.P.)

Batushka (c) Ronan Thenadey

Belle et majestueuse, pleine de dorures et de drapés, l’église ambulante Batushka était de passage dans la Temple en ce bel après-midi dominical. L’occasion d’observer si la confrérie polonaise se révélait plus intéressante sur scène que sur disque. Malheureusement, et malgré un somptueux décor (crucifix, icônes orthodoxes, encensoir…), des robes de moines richement serties et une solennité à l’avenant, la musique de Batushka demeure assez peu pertinente, même si gestuelle et dramaturgie ecclésiales rajoutent un indéniable petit plus à la retranscription live de leur album Litourgiya. Pourtant, on aime l’idée de ce black metal au décorum byzantin, ce concept aux entournures mordorées et à la préciosité toute sacrée, on adhère aux chants grégoriens, aux titres en cyrillique. Mais la forme ne peut faire oublier l’absence de fond, ce riffing sans grande imagination, ces compos sans reliefs, ce chant grandiloquent. En clair, la beauté d’un Œuf de Fabergé avec l’intérêt d’un œuf Kinder. (S.L.)

Pour son quatrième passage au Hellfest (!), Megadeth innove avec un début de concert en mode batterie-solo, les guitares et la basse s’étant manifestement perdues entre la console et la façade de la Main Stage 1. Tant pis pour les fans de « Rattlehead » qui donne malgré tout le ton d’un set aux couleurs plutôt vintage (« The Conjuring », « My Last Words », « Take No Prisoners »), la dose de classiques en sus : « Hangar 18 », « Holy Wars », « Peace Sells », « Symphony of Destruction » (avec Michael Amott fraîchement sortie de la Main Stage 2 squattée juste avant par son Arch Enemy) viennent ainsi brosser le festivalier lambda dans le sens du poil. Bien isolé au milieu de ce fan-service, « Dystopia » reste malheureusement le seul retour sur le passé récent de Megadeth. Un groupe en mode sécurité donc, appliqué mais peu servi par un son brouillon et sans grande puissance. En bout de course vocale, Dave Mustaine a quant à lui eu toutes les peines du monde pour terminer un set sans folie ni surprise. (S.L.)

Alice In Chains (c) Ronan Thenadey

« Alice In Chains sans Layne Staley, c’est pas possible ! » Ben si mec, personne n’est irremplaçable et Alice In Chains l’a prouvé avec deux (bientôt trois) excellents albums, Black Gives Way to Blues (un chef-d’œuvre) et The Devil Put Dinosaurs Here. Mais également avec des concerts d’anthologie, au Hellfest en 2006 et surtout au Bataclan à Paris en 2010. Festival oblige, la setlist fait la part belle aux classiques 90s (« Bleed the Freak », « Them Bones », « Would? », « Dam that River » ou « Nutshell », dédié à leur ancien bassiste Mike Starr, décédé en 2011, ainsi qu’ à Vinnie Paul, ex-batteur de Pantera retrouvé mort la veille. Seuls « Check my Brain », « Hollow » et le nouveau single aux riffs voivodiens « The One You Know » sont tirés de leur discographie post-Staley. Une fois encore, William DuVall assure impeccablement au chant, et ce, qu’il joue de la guitare ou pas. Le soleil commence à décliner à l’horizon nous plongeant ainsi dans une ambiance idéale. Malheureusement, on regrette tout le long du concert le manque de puissance du son. Impression renforcée dès lors qu’Iron Maiden prend d’assaut la Main Stage 1quelques minutes plus tard, le volume sonore semblant doubler. (O.D.)

Iron Maiden (c) Ronan Thenadey

Plus encore que Judas Priest, Iron Maiden est parvenu à établir un lien transgénérationnel qui ne s’est pas démenti au fil des années et prend tout son sens quand le groupe débarque avec son show théâtral (ah ! le spitfire volant dans les airs et les éternels combats entre le chanteur Bruce Dickinson et la mascotte Eddie) sur la Main Stage 2. Si les titres des années 80 restent les plus pétaradants (« Aces High » en ouverture, suivi de « Where Eagles Dare », « 2 Minutes To Midnight », « The Trooper » ou « Revelations »), l’accueil le plus enthousiaste se remarque sur ceux de la décennie suivante (« Fear of the Dark », « The Wicker Man ») traduisant sans doute la moyenne d’âge à laquelle une bonne moitié du public ici présent a découvert le groupe. Une approche intemporelle que Maiden galvanise en puisant dans toutes les époques de son répertoire (avec l’excellent « For the Greater Good of God », tiré d’A Matter of Life and Death par exemple), mais qui ne fera pas oublier aux plus anciens le peu de place accordée aujourd’hui aux deux premiers albums (seul « Iron Maiden » reste au menu). Pas de quoi en faire un drame, car le groupe et son quatuor de guitares toujours emmené par l’immuable jeu de basse spectaculaire de Steve Harris restent de véritables orfèvres et le rappel met tout le monde d’accord, entre la ballade mortifère poignante « Hallowed Be thy Name » et le refrain choral de « Run To the Hills ». (L.C.)

La fin est proche, et alors que littéralement la moitié du public présent est agglutinée autour de la MS1 pour assister au set d’Iron Maiden, certains ont plutôt la bonne idée d’aller s’enquérir de l’état de forme du boss de fin du melodeath game. Les indépassables At The Gates sont de nouveau au Hellfest après un premier triomphe en 2015. Et sans entrer dans les détails, leur set s’avère tout aussi maitrisé et excellent qu’il y a trois ans, les nouveaux morceaux venant encore épaissir un répertoire dont la cohérence n’a d’égale que l’immense efficacité en live. Malgré un son proprement dégueulasse en début de concert – qui va heureusement vite s’améliorer –, la troupe du toujours aussi amène et énergique Tomas Lindberg assène tube sur tube devant un public plus que conquis. Des inévitables « Blinded by Fear » et « Slaughter of the Soul » aux toutes récentes « To Drink From the Night Itself » ou « The Chasm », en passant par les déjà cultes « Circular Ruins » ou « At War With Reality », la maitrise est totale pour At The Gates, groupe un peu seul avec lui-même au sommet de la scène melodeath.

The Hellacopters (c) Ronan Thenadey

22h35, Warzone, Hi-energy : nouveau set, balles neuves. Après avoir été retourné une heure plus tôt au même endroit par le show magistral de Gluecifer, on se retrouve fébrile à attendre celui des alter ego suédois de ces derniers, les (autres) patrons, The Hellacopters. Étant grands fans du groupe, on appréhende fatalement une potentielle déception. Mais la désillusion ne sera pas pour ce soir et le groupe nous fait mettre un premier genou à terre dès « Hopeless Case of a Kid in Denial » malgré un son qui galère un peu (voire beaucoup pour l’orgue de Boba Fett). Mais l’assaut est lancé et la bête lâchée pour un concert galvanisant. On note l’absence du bassiste Kenny Håkansson (est-il toujours de la partie ?). Contrairement à Gluecifer, le groupe emmené par un Nicke « Royale » Andersson aux traits tirés, mais débordant pourtant d’énergie, pioche dans toute sa discographie sans privilégier un album plus qu’un autre. Le gagnant sera tout de même le classique High Visibility avec trois extraits, « Hopeless… » donc, puis les formidables « Toys and Flavors » et « No Song Unheard ». Bien sûr, les ‘Copters envoient aussi « Move Right out of Here », « By the Grace of God », « The Devil Stole the Beat from the Lord », « Soulseller » et « You Are Nothin’ ». C’est déjà beaucoup, mais le groupe, généreux, nous offre, entre « Carry Me Home » et « I’m in the Band », son merveilleux « My Mephistophelean Blues », titre moins connu bluesy et psyché à la fois. Alors que l’on est loin d’avoir abdiqué, la formation va tirer sa révérence sur un furieux « (Gotta get some action) Now ! ». À croire que les heures ne font décidément pas toutes 60 minutes. (B.P.)

C’est aux Belges d’Amen Ra que revient l’honneur de clôturer cette édition 2018 côté Valley. Vu le niveau d’éclectisme et la qualité des prestations du week-end, on espérait une performance hallucinante, type suspension, comme ils l’ont déjà fait par le passé, histoire de finir sur une note aussi what the fuck que le reste. Mais non, les highlanders du post-metal (s’il ne doit en rester qu’un, ce sera Amen Ra) ne proposent rien d’autre qu’un set sobre dans la mise en scène mais totalement habité, d’une violence et d’une intensité qui laissent pantois. Un rouleau compresseur nucléaire qui impose une tension irrespirable sur les quelques passages calmes/chantés (c’est étonnant, aucun bruit dans le public lors des accalmies, malgré ou grâce à l’heure tardive et la quantité d’alcool ingérée). C’est à se demander si la sono ne va pas finir par exploser et si les Belges ne cherchent pas à ouvrir la terre en deux comme Neurosis la veille. Le son est si fort lors des pics pachydermiques et brise-nuques que même avec des bouchons, les tympans vibrent. Pourtant, l’ensemble reste limpide et intelligible sans qu’on comprenne comme c’est possible. On craignait un concert léthargique, il s’est finalement révélé liturgique. Heureusement qu’ils jouaient en dernier, car prendre la suite pour n’importe quel autre groupe aurait été un calvaire après ce condensé de bruit, de fureur et d’émotion brute. (B.R.)

Comme avec Suffocation la veille, il est plutôt étrange de voir les thrashers d’Exodus se la jouer « set old school » (la moitié de leur premier album Bonded by Blood est jouée), alors que de la formation présente ce soir-là, seul le batteur Tom Hunting était présent à l’origine. Même leur leader incontesté Gary Holt, trop pris par Slayer, a dû céder sa place pour cette tournée… Surtout qu’on aurait aimé écouter plus qu’un seul titre de leur dernier (et très réussi) album en date, le très brutal Blood In, Blood Out. Oui mais voilà, Exodus est là pour taper sans subtilité (son brouillon en début de set, ultra-massif et puissant par la suite) et cerné par un mur de Marshall, il le fait comme si sa vie en dépendait. D’où une setlist pas si facile que ça, avec par exemple « Parasite », titre oublié de Pleasures of the Flesh, très axée sur la vélocité et une paire de guitaristes (dont un chipé à Heathen pour remplacer Holt) très affutés et rivalisant de soli à faire (re)pousser des baskets à languettes à quiconque. Speed and violence ! (O.Z.B.)

(c) Ronan Thenadey

Les allergiques au metal symphonique ampoulé de Nightwish et aux tout aussi grandiloquentes emphases turbo-trance de Carpenter Brut ont heureusement une alternative pour conclure en beauté ces trois jours de Hellfest. Invités récurrents du festival – quatrième passage cette année –, les maîtres du deathpunk norvégien de Turbonegro investissent en effet la Warzone pour un final des plus festifs. Frayant toujours dans son canevas homo-référencé, pétris de parodies musicales – notamment quand le chanteur Anthony Madsen-Sylvester détourne le « Run To the Hills » de Maiden en mode invitation en backroom –, de gimmicks de tubes dance et de colorations synthétiques troubles venant habilement relever la tonalité glam-metal-punk de l’ensemble, le groupe se régale visiblement d’être là et attire dans ses griffes bien plus que sa toujours très fidèle troupe de fans des Turbojungend (reconnaissables à leur dossard sur veste en denim bleu). Un second degré plein de nuances musicales mais aussi de grossièretés assénées avec groove, comme sur le réjouissant « I Got an Erection » repris en chœur par l’assistance, qui vient donner à cette orgie musicale 2018 une conclusion subliminale, en forme de bacchanale érotico-électrique. (L.C.)

Par peur d’être éclaboussés par le mauvais goût dont ils accusent Carpenter Brut de faire preuve, certains se réfugient devant Nightwish (rires) ou Turbonegro (re-rires). Pendant ce temps, à l’instar de Perturbator l’an dernier, le Poitevin transforme la Temple, pleine à craquer, en gigantesque piste de slam & dance, armé d’un son en acier chromé et d’un light-show digne de Rencontres du troisième type. Live, l’ajout d’une batterie et surtout d’une guitare rappelle certains groupes indus-metal/electro-metal 90s, même si les sonorités synthétiques et les extraits de film diffusés en fond en appellent toujours autant aux 80s. Eh non, Élodie Denis, les metalleux sont restés fidèles à Carpenter Brut (cf. interview dans notre dernier numéro), malgré son succès (l’Olympia sold-out, concert au Coachella, etc.) et réagissent tout aussi bien aux classiques que sont désormais « The Perv », « Sexkiller on the Loose » et « Turbo Killer » qu’aux nombreux extraits de Leather Teeth : « Cheerleader Effect », « Inferno Galore », « Hairspray Hurricane » et surtout « Beware the Beast » qui voit le chanteur de Grave Pleasures, Mat McNerney, rejoindre le groupe sur scène. Grand moment, tout comme le désormais inévitable final sur la reprise du « Maniac » de Michael Sembello. Qui aurait pu prédire qu’un jour ce morceau clôturerait une édition d’un festival comme le Hellfest ? (O.D.)

(c) Ronan Thenadey

Vendredi
Samedi