Black Francis – Screamer, compositeur, chanteur et guitariste…

Black Francis

Avant l’été, le chanteur des Pixies fait le point sur dix ans de carrière solo avec la compilation Frank Black 93-03. A la rentrée, il revient avec un album de nouvelles compositions, Bluefinger, aux connections directes avec l’œuvre d’Herman Brood. Entre les deux, il s’entretient avec nous et nous livre quelques impressions sur sa carrière en dents de scie.

Cela fait déjà de très nombreux mois que Bluefinger est annoncé de façon énigmatique sur ton site officiel et de plus le disque a « leaké » avant même qu’une date de sortie soit décidée… C’est assez étrange comme sortie, non ?

Black Francis : Oui… Disons que les choses se passent comme cela maintenant, je suppose. Pour tous mes derniers disques, j’ai fait des copies que j’ai distribuées à des gens et cela multiplie les risques de retrouver l’album à disposition du monde entier sur Internet. Jusqu’à présent je n’avais pas eu ce problème mais pour Bluefinger, j’ai dû donner trop de copies (rires). Dès l’instant où j’ai donné les premières copies, des liens sont apparus aux quatre coins du net « Télécharger le nouvel album de Black Francis ici » « Et là ». C’était fou (rires) ! De plus, il m’arrive de stocker des versions numériques de mes chansons sur des comptes comme Well Mail ; peut-être que ça vient également de là… Mais d’une certaine façon j’étais heureux qu’il y ait autant d’engouement pour mon disque.

C’est sûr qu’au temps des Pixies, il fallait vraiment attendre le jour de la sortie du disque en magasin pour savoir ce que les fans en pensaient !

Exactement. Mais évidemment les ventes de disques en prennent un sacré coup. Enfin, de toute façon je ne vends pas tant de disques que cela (rires). Je préfère quand même voir le bon côté des choses et me dire que si j’en ai besoin je peux uploader du contenu et le rendre disponible à tout le monde instantanément. C’est encore assez nouveau pour nous et il y a sans doute des pistes à explorer dans ce secteur. Ca fait des années qu’on me demande ce que je pense de la musique gratuite et de quelle manière elle risque de m’affecter. Pour moi c’est simplement une nouvelle façon de faire du business. Les gens sont encore friands de contenu et il y a plus d’artistes que jamais. Ils vendent moins mais l’offre est gigantesque.

Après toutes ces années passées à faire de la musique est-ce que tu es toujours aussi excité à l’idée de sortir un nouvel album et est-ce que tu penses toujours que tes nouvelles chansons sont meilleures que ce que tu as fait par le passé ?

Oui, complètement. Mais la différence est que pour cet album, c’est vrai (rires) !

Sérieusement : à chaque nouvel album tu as objectivement toujours eu l’impression de dépasser ce que tu avais fait précédemment ?

Oui, c’est comme ça que je le vis. D’autres personnes peuvent avoir d’autres opinions ou d’autres avis mais ce ne sont pas les miens. J’ai ma propre personnalité. D’ailleurs mon signe astrologique chinois est le serpent (rires). Le serpent est instinctif et suit son propre chemin sans regarder ni trop en avant ni trop en arrière. Seul le moment présent m’intéresse. C’est pour cela aussi que j’ai du mal à promouvoir mon best-of qui sort ces temps-ci. Les vieux hits ne m’intéressent pas autant que les nouvelles chansons de Bluefinger. Au départ on m’avait demandé de donner un titre bonus pour aller avec le best-of mais j’ai composé tout un disque et voilà comment on obtient un Bluefinger ! Heureusement, la majorité des gens à qui je parle préférent s’entretenir du nouvel album de toute manière donc je suis satisfait.

Comment définirais-tu Bluefinger par rapport à tes précédents disques solos ?

Il est davantage uptempo. Les deux ou trois derniers disques étaient nettement plus doux dans leurs sonorités. Mais pour moi tout ce que je fais est simplement du rock. Parfois c’est un peu mélodique, parfois un peu moins mais globalement cette étiquette se justifie.

Tu as un nouveau groupe – enfin, deux musiciens – avec qui tu collabores. Tu peux nous les présenter ?

Il s’agit d’un bassiste et d’un batteur qui habite dans le même coin que moi. Je n’avais effectivement jamais joué avec eux précédemment. J’avais simplement rencontré le bassiste une fois. J’ai demandé à une connaissance de faire le rôle du producteur. Au départ il était très surpris que je lui demande cela ! Mais il m’a trouvé un très bon batteur donc c’était parfait. Enfin, ma femme nous a rejoints pour faire toutes les voix féminines.

N’avais-tu pas considéré produire cet album toi-même ? J’imagine que tu sais ce que tu veux, maintenant…

C’est vrai. Mais j’avais simplement besoin d’un producteur non pas pour son rôle créatif mais simplement pour qu’il m’aide à faire un bon disque. C’est un musicien tout comme moi et il peut m’amener le recul nécessaire car il ne fait pas partie du groupe qui joue sur l’album. J’ai tendance à me laisser emporter. Je ne devais faire qu’un titre bonus et j’enregistre un album entier… Ca illustre bien ce problème ! Notre producteur était à notre écoute en cas de pépin et il faisait le relai entre nous et les ingénieurs. Au final, tout s’est très bien passé mais il était là au cas où. Il n’était pas très actif mais il a toujours fait ou dit les bonnes choses au bon moment comme lorsqu’il m’a conseillé sur les sons à adopter avec ma guitare. C’était exactement ce que je recherchais. Au fait, il s’appelle Mark Lemhouse et il est plutôt versé dans le blues.

Pourquoi tu n’as pas fait un album de blues ?

En fait, je ne connaissais pas du tout sa musique. Je lui ai demandé d’être le producteur du disque tout simplement parce que c’est un chic type. De toute façon, dès que nous avons commencé à parler il m’a dit qu’il était hors de question de faire un disque de blues car il venait d’en faire plein et il en avait marre (rires). Notre ennemi était le blues et tout l’album a été composé et enregistré en conséquence !

Tu préférais qu’on se rappelle de toi en tant que chanteur, compositeur ou guitariste ?

(il réfléchit) Pas en tant que musicien (rires) ! Je préfère franchement ne pas réfléchir aux choses qui arriveront après ma mort. Comme je l’ai dit précédemment je ne suis intéressé que par le moment présent.

Et maintenant, alors, comment est-ce que tu es perçu et reconnu ?

Ca dépend des gens, en fait. Mais je ne sais pas trop quoi en penser. Généralement, je pense que les gens me perçoivent comme le type qui gueule dans les Pixies. Il y a des gens qui me voient comme un vrai songwriter. Mais si je devais faire un classement des qualificatifs les plus répandus, je dirais dans l’ordre : « screamer », « compositeur », « chanteur » et « guitariste ».

Black Francis – Bluefinger (Cooking Vinyl/PIAS)

Frank Black – Frank Black 93-03 (Cooking Vinyl/PIAS)

www.frankblack.net (official fansite)